Régionalisation avancée : La cadence doit s’accélérer

Plus de deux ans après le démarrage du chantier de la régionalisation avancée, l’heure est au bilan. Les objectifs ont-ils été atteints? Quels obstacles subsistent encore? Les moyens financiers et humains sont-ils suffisants? Autant de questions débattues lors du deuxième Forum parlementaire des régions. Aujourd’hui, le chemin n’est pas tout tracé. Il faut renforcer la coopération et pallier les difficultés qui freinent encore la mise en œuvre de ce chantier.
L’accélération de la cadence s’impose en vue de la concrétisation effective du chantier de la régionalisation avancée. C’est l’un des messages clés adressés par le souverain aux participants du deuxième Forum parlementaire des régions qui a ouvert ses travaux jeudi 16 novembre au siège de la Chambre des conseillers. Plus de deux ans après les élections régionales, l’heure est en effet à la mobilisation pour atteindre les objectifs escomptés. Certes, beaucoup d’acquis ont été enregistrés au cours des dernières années comme la mise en place de l’arsenal juridique nécessaire, dont 68 décrets d’application de la régionalisation. Or, les lois à elles seules ne sont pas suffisantes. Aujourd’hui plus que jamais, le transfert des compétences propres aux régions constitue un enjeu majeur.
À cet égard, le souverain appelle à «une meilleure concertation pour bien définir, dans la panoplie de compétences propres réservées aux régions par la loi organique, celles très précises qu’elles auront à assumer dans l’immédiat, sous réserve d’actualisations périodiques». Les présidents de régions n’ont cessé, au cours des derniers mois, de plaider pour la nécessité d’ouvrir un débat franc et concret avec le gouvernement en vue de mettre en place les très attendus contrats-programmes entre l’État et les Conseils régionaux. Mohand Laenser, président de l’Association des présidents des régions pointe du doigt le manque de réunions de coordination et d’évaluation avec le gouvernement, à l’exception du ministère de l’Intérieur et de quelques rencontres unilatérales, alors qu’il s’avère indispensable de discuter le transfert des compétences.
La régionalisation n’est pas, en effet, un dossier qui concerne uniquement les régions et le ministère de l’Intérieur. Laenser critique vertement le volet politique dans la mise en œuvre de la régionalisation avancée ainsi que l’absence de la déconcentration administrative. L’adoption de la Charte de la déconcentration s’impose dans les plus brefs délais. Cette demande, insistante, émane tant des élus régionaux que des spécialistes et observateurs. Rappelons que le chef de gouvernement Saâd-Eddine El Othmani, qui vient d’être interpellé par les parlementaires sur cette question, s’engage à mettre sur les rails ce chantier début 2018 en vue de passer à la vitesse supérieure et de pouvoir élaborer les plans d’action avec les douze régions du royaume. Il faut dire que la situation actuelle ne favorise pas le développement régional. Le président de l’Association des présidents des régions tire à boulets rouges contre ce qu’il appelle «certains comportements administratifs» qui pourraient porter préjudice au chantier de la régionalisation avancée. Laenser estime que les élus doivent discuter avec un interlocuteur unique représentant le gouvernement, soit le wali. Le partenariat renforcé entre les composantes de la Région et l’État est un enjeu de taille. Cet impératif doit être inscrit en tête des priorités selon les recommandations formulées par les experts chargés des travaux de préparation du forum parlementaire. Aujourd’hui, il apparaît clairement qu’il est difficile d’asseoir une nouvelle relation de confiance mutuelle entre les deux parties.
Ce manque de confiance ainsi que les difficultés rencontrées lors du démarrage de la régionalisation avancée auraient pu être évités par la voie législative. Le gouvernement aurait dû adopter une autre approche juridique dans la mise en œuvre de ce chantier en éditant une législation prenant en considération tant le volet de la décentralisation (conseils régionaux) que celui de la déconcentration administrative. Une nouvelle méthodologie basée sur la transparence entre l’État et les régions est à mettre en place. Il s’agit d’une condition sine qua non pour réussir l’élaboration des plans de développement régional conformément à une approche de concertation et de partenariat entre les différentes parties. Le gouvernement est appelé à prendre en considération les recommandations émises par le forum parlementaire des régions. Celles de la première édition n’ont visiblement pas été prises en compte par les parties concernées, chose que déplore le président de la Chambre des conseillers Hakim Benchemasse.
Constats et recommandations
Sur le plan des ressources humaines, bon nombre de faiblesses ont été relevées, dont l’insuffisance du nombre d’agents et fonctionnaires permettant de couvrir les besoins des régions. On relève aussi la faiblesse au niveau des compétences techniques des ressources humaines affectées à celles-ci, ce qui les empêche d’assumer comme il se doit les missions qui leurs sont dévolues. Actuellement, les régions sont incapables d’attirer les compétences de haut niveau dont elles ont besoin. En outre, les régions ne disposent pas d’un système d’incitation relatif aux postes de responsabilité. Le forum plaide ainsi pour l’appui de l’administration régionale en mettant en place les conditions propices pour attirer les compétences nécessaires en vue de la réalisation des différents projets programmés, dont le système de contractualisation ou le recours à d’autres formules juridiques susceptibles de promouvoir la souplesse et l’efficience en matière de recrutement. À cela s’ajoute un point de la plus haute importance: la nécessité d’élaborer une vision à court et long termes ayant trait à la formation continue de tous les employés afin d’aiguiser les compétences et rationaliser l’emploi au niveau de l’administration régionale. S’agissant du volet de la programmation du développement, les insuffisances relevées sont relatives aux lacunes en matière de données et de statistiques sur l’état des lieux de la plupart des régions, au retard du chantier de la déconcentration administrative qui impacte négativement l’environnement institutionnel, à l’absence de compétences et connaissances nécessaires pour encadrer les programmes et schémas régionaux de développement et à la difficulté d’institutionnaliser l’approche participative. Pour contrecarrer tous ces freins, il est recommandé de mettre en œuvre une procédure d’adoption technique et financière des programmes de développement régionaux pour que le document élaboré par les régions avec le bureau d’étude puisse devenir un plan partagé recueillant le consensus tant des régions que de l’État. Il faut aussi mettre en place un plan à court terme pour que les régions soient dotées des ressources humaines nécessaires capables de faire le suivi et d’exécuter les PDR. Toutes les régions doivent aussi être encouragées à avoir un schéma régional d’aménagement du territoire. Il est par ailleurs nécessaire de clarifier le contenu de la politique contractuelle entre les régions et l’État afin de mettre fin à l’ambiguïté actuelle.