Régionalisation avancée. Comment faire mieux après les élections ?
Six ans après le lancement de la nouvelle expérience de la régionalisation avancée, le chantier piétine. Le terrain n’est pas encore entièrement balisé pour bien démarrer le second mandat. Le prochain gouvernement est très attendu sur ce dossier. Les principaux enjeux…
La nécessité du parachèvement rapide de la mise en œuvre de la régionalisation avancée est un dossier présent dans la quasi-totalité des programmes électoraux. Le sujet est évoqué dans les débats politiques, certes, mais en dépit de son importance, il n’est pas profondément débattu en cette période électorale.
Visiblement, les élections législatives ont volé la vedette aux échéances communales et régionales qui se dérouleront le même jour. Pourtant, nombre d’enjeux se profilent à l’horizon au niveau régional. De grandes attentes sont, en effet, nourries dans le second mandat des conseils régionaux dans le cadre du nouveau système de régionalisation avancée.
Le défi est de pouvoir, cette fois-ci, dépasser les dysfonctionnements qui freinent encore la mise en place effective de la régionalisation avancée, ne permettant pas par-là d’atteindre les objectifs escomptés de ce chantier stratégique qui vise à instaurer un modèle de développement socio-économique territorial inclusif et durable.
Six ans après le lancement de la nouvelle expérience, on est encore loin des objectifs tracés, comme le reconnaissent les responsables gouvernementaux et les élus.
L’enjeu de la prochaine étape
Dès l’installation des nouveaux conseils après les élections du 8 septembre, le ministère de l’Intérieur est appelé à mettre sur les rails les accords conclus avec les présidents de région.
Les deux parties ont longuement discuté les dysfonctionnements qui entravent le processus de mise en œuvre d’une véritable régionalisation ainsi que les solutions qui s’imposent pour permettre aux régions de mener à bien les missions qui leur sont dévolues par la loi.
D’après nos sources, il est convenu de doter les prochains conseils d’une marge de manœuvre plus large que celle dont ils disposaient durant le premier mandat. Celui-ci n’a pas permis d’atteindre le développement escompté en dépit des efforts déployés par les élus. En 2015, rappelons-le, il fallait partir pratiquement de zéro et se débrouiller avec les moyens de bord.
Dès leur installation, les conseils régionaux devaient s’atteler sur la mise en place et le parachèvement de leurs structures ainsi que d’un ensemble de mécanismes nécessaires à l’exercice de leurs attributions.
Une mission qui n’a pas été de tout repos à cause de plusieurs problématiques, dont le retard qui a été accusé dans l’adoption des décrets d’application relatifs à la loi organique sur les Régions ainsi que le manque de coordination étroite avec l’administration. Les Régions ont aussi souffert de l’insuffisance en matière de ressources humaines compétentes. Un problème qui n’est pas encore entièrement résolu, six ans après l’installation des nouvelles Régions.
Or, la régionalisation avancée ne peut être menée à bien sans ressources humaines qualifiées.
Les régions qui étaient, avant 2015, un simple organe de délibération car l’ordonnateur était le wali, ont peiné à trouver des cadres et des profils qui acceptent de quitter l’axe Rabat-Casablanca alors qu’elles ont besoin de grands moyens pour accomplir leurs nouvelles missions.
L’espoir est que les textes relatifs aux nominations aux hautes fonctions et aux indemnités et salaires dans les collectivités territoriales, ayant été récemment adoptés en Conseil de gouvernement, permettent d’atténuer la problématique des ressources humaines durant le second mandat.
Celui-ci sera, ainsi, entamé avec une lueur d’espoir sur le volet de recrutement de profils compétents capables d’accompagner la vision régionale de développement, mais il n’en demeure pas moins qu’i reste encore d’autres freins, à commencer par le retard en matière de transfert des compétences qui sont juridiquement dévolues aux Régions.
C’est un handicap de taille qui limitera le rythme d’action des nouveaux conseils si rien n’est fait en la matière, dès les premiers mois de leur mandat. Le besoin se fait sentir de bien définir chacune des trois compétences stipulées par la loi (propres, partagées avec l’Etat et celles qui peuvent leur être transférées par l’Etat plus tard) ainsi que le degré de leur transfert.
C’est un appel insistant des présidents des régions qui saisissent chaque occasion pour plaider le transfert des compétences aux conseils régionaux.
Cet appel est soutenu par les recommandations de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) qui plaide pour l’accélération du transfert aux Régions des outils relatifs à leurs compétences propres, partagées et transférées, et ce dans le but d’amorcer une réelle dynamique de régionalisation.
La CSMD donne pour exemple le secteur de la formation professionnelle, qui fait partie des compétences des Régions, précisant que les branches régionales de l’OFPPT gagneraient à être fortement autonomisées pour être en mesure de répondre aux besoins de formation en adéquation avec les besoins des acteurs économiques au niveau régional et en phase avec les objectifs des diverses stratégies sectorielles.
En ce qui concerne le secteur de l’enseignement, les académies régionales d’éducation et de formation devront être dotées «de véritables pouvoirs de décision et d’une réelle autonomie dans le cadre d’une déconcentration affirmée».
Comment augmenter le financement ?
Le financement des régions a augmenté cinq fois par rapport au passé. En dépit de cette avancée, le budget des conseils régionaux demeure insuffisant par rapport aux ambitions et à leurs nouvelles missions.
Plusieurs pistes sont à explorer pour dépasser ce frein. A cet égard, la commission sur le modèle de développement souligne que l’aboutissement de la régionalisation avancée nécessitera une consolidation des ressources financières des collectivités territoriales, leur diversification, et leur mutualisation au niveau intercommunal.
Selon la CSMD, les ressources financières pourront être renforcées par le relèvement des transferts financiers effectués par l’Etat en liaison avec le transfert de compétences, partiellement indexés sur les recettes fiscales générées au niveau de chaque région, et par l’accroissement des ressources propres des collectivités territoriales, moyennant la simplification et l’optimisation de la fiscalité locale.
A cela s’ajoute «un recours plus systématique à l’intercommunalité pour mutualiser les moyens et pour assurer des services de qualité avec l’appui des départements techniques de l’Etat».
Jihane Gattioui / Les Inspirations ÉCO