PLF 2023/Industrie Pharmaceutique : la suppression de la TVA n’est pas suffisante pour les professionnels!
Pour l’Exécutif, il faudrait tout simplement supprimer le paiement de TVA sur les médicaments pour rendre les soins de santé moins chers et plus accessibles. En face, les laboratoires pharmaceutiques estiment que l’équation est beaucoup plus complexe. Détails !
Quelques jours avant le dépôt du projet de loi de Finances 2023 au Parlement, la sortie de Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’eau, annonçant le projet du gouvernement de supprimer la TVA sur les médicaments afin de les maintenir à un prix abordable, et la réaction de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP) tombent à pic.
L’objectif étant d’analyser, d’une part, ce qu’envisage le gouvernement pour rendre plus accessibles les médicaments et, d’autre part, les propositions et recommandations des professionnels de l’industrie pharmaceutique. Comme indiqué plus haut, dans le souci de maintenir un niveau de prix abordables, l’Exécutif envisage de supprimer la TVA sur les médicaments.
L’exonération proposée ferait partie des réformes dont la finalité est de rendre les soins moins chers et plus accessibles. Une telle mesure permettrait aux ménages marocains d’économiser environ 1,12 milliard de dirhams (MMDH), sur environ 16 MMDH déboursés pour l’achat de médicaments chaque année dans le Royaume.
En réaction à la sortie du ministre, la FMIIP explique que la réduction d’impôt pour l’industrie pharmaceutique, notamment sur les acquisitions de machines et investissements taxés à 20%, et les achats d’intrants taxés à 7%, serait une solution beaucoup plus pertinente et idoine pour un meilleur impact sur le prix des médicaments.
Mohamed el Bouhmadi, président de la Fédération, explique que supprimer uniquement la TVA sur les médicaments «risque de déstabiliser l’équilibre financier des entreprises pharmaceutiques», dans la mesure où, selon le dirigeant, les industriels «ont déjà un crédit de TVA. Si en plus, le gouvernement supprime cette TVA, les industriels risquent d’être encore plus créditeurs ou d’avoir encore plus de crédit de TVA vis-à-vis de l’État que la situation actuelle».
D’où le risque de déséquilibre, signalé plus haut, des finances des entreprises du secteur. L’idée étant d’exonérer également le paiement de la TVA sur les intrants et investissements, au même titre que la TVA sur les médicaments. Contacté par Les Inspirations Éco, le dirigeant précise ses propos. Il propose que le problème soit analysé dans sa globalité afin d’aboutir à un mécanisme beaucoup plus global pour réaliser des économies sur l’ensemble des dépenses de santé.
«Qu’on ne garde pas les yeux rivés sur le seul médicament, comme si c’était le principal problème au niveau des dépenses de santé. Le médicament représente 25 à 28% de ces dépenses. Les coûts de traitement doivent être réétudiés, et nous sommes prêts à faire des efforts. En contrepartie, on voudrait que l’équilibre financier des entreprises pharmaceutiques soit maintenu.
En même temps, on devrait appliquer la préférence nationale au niveau des appels d’offres publics, même à un prix légèrement supérieur. Parce qu’il y a de la valeur ajoutée locale, on crée des emplois et on soutient l’économie nationale».
Des suppressions que les laboratoires voudraient voir être prises en compte dans le PLF 2023
Pour aller plus loin, le dirigeant revient sur les propositions et recommandations que la FMIIP voudrait voir être prises en compte dans le PLF 2023. L’une des requêtes les plus évidentes est celle relative à la suppression de la taxe professionnelle. Pour les laboratoires pharmaceutiques, «cette mesure permettrait d’encourager l’investissement dans l’outil industriel et les nouvelles technologies dans le secteur de l’industrie pharmaceutique». Autres suppressions : celle de la retenue à la source des 10% sur les prestations de services à l’étranger. En effet, les conventions n’existent pas avec l’ensemble des pays et ne sont pas toujours opérationnelles. De plus, du fait de la complexité de la récupération de cette retenue à la source par le partenaire étranger, ce dernier exige qu’elle soit prise en charge par l’industriel marocain. Pour la Fédération, «ceci représente un coût supplémentaire important pour l’industrie pharmaceutique». Au sujet de la TVA, les laboratoires pharmaceutiques voudraient que soit supprimée la TVA sur les échantillons médicaux gratuits (EMG), au motif que ce surcoût impacte la promotion des produits envers les médecins et, de ce fait, la généralisation des génériques.
Obtenir un crédit d’impôt équivalent à 50% de la dépense R&D.
Pour attirer et booster la R&D sur le territoire marocain et encourager les entreprises à y investir pour une meilleure compétitivité, les laboratoires pharmaceutiques souhaitent que leur soit accordé un crédit d’impôt équivalent à 50% de la dépense R&D. Par R&D, les opérateurs entendent «toute dépense qualifiée selon le Code général de normalisation comptable (CGNC) comme dépense R&D aboutissant ou non à un brevet».
Ajustements nécessaires concernant l’impôt sur les sociétés
Pour l’Impôt sur les sociétés, la FMIIP émet sept propositions. La première porte sur la déductibilité des actions promotionnelles par assimilation à une charge de publicité telle que décrite dans l’article 4.11, Tome 1 de la circulaire 717. En effet, les entreprises de l’industrie pharmaceutique ne bénéficient pas du même droit accordé aux autres secteurs industriels car la publicité directe est interdite sur les médicaments.
Cependant, plusieurs actions promotionnelles auprès des médecins (tables rondes, séminaires d’information…) sont menées et pour les acteurs du secteur, ces dernières «devraient être déduites fiscalement par assimilation à une charge de publicité». Faire bénéficier l’industrie pharmaceutique du taux de l’IS des entreprises industrielles sans critère de plafond. L’enjeu étant d’homogénéiser les incitations fiscales liées au développement de l’industrie au Maroc pour inciter au développement et à la création d’emplois. Les laboratoires voudraient que soit appliqué le délai de 5 ans d’exonération de l’IS à partir de la 1re année des ventes par nouveau pays conquis et non par rapport à la 1re vente à l’export de la société.
Notons qu’à l’instar du Maroc, ces délais sont longs dans la plupart des nouveaux pays conquis (minimum de 3 ans) et les frais d’enregistrement coûteux pour chacun d’eux. Homogénéiser les incitations fiscales liées à l’activité exportatrice en accordant les mêmes avantages fiscaux abstraction faite de la zone d’installation. L’objectif est que les sociétés installées en dehors des zones d’accélération industrielle bénéficient des mêmes avantages que les sociétés installées dans lesdites zones. Ceci afin de permettre une équité dans la compétitivité entre les entreprises ainsi que la création de valeur et d’emplois au Maroc.
Autres requêtes : obtenir un abattement sur l’IS à hauteur de 20% du montant nouvellement investi, afin d’encourager le réinvestissement. Modifier la date du début de l’exonération de 5 ans sur les sociétés nouvellement créées en la considérant à partir du début des ventes liées à l’exploitation et non à partir du début de l’exploitation. En effet, la particularité de l’Industrie pharmaceutique est qu’au vu des autorisations nécessaires et des démarches à réaliser avant les premières ventes, les délais écoulés se comptent en années. Ainsi donc, pour les opérateurs, la prise en compte de cette requête serait plus juste.
Dernière recommandation relative à l’impôt sur les sociétés : exonérer les entreprises pharmaceutiques de la cotisation minimale d’une durée de 5 ans au lieu de 3 ans. En effet, pour les laboratoires en phase de démarrage, le processus est long. Prenant compte de cette réalité, ceux-ci estiment que les 3 ans accordées pour l’exonération de la cotisation minimale ne sont pas suffisants
Mohamed el Bouhmadi,
Président de la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP)
«Aujourd’hui, le chantier le plus important est celui de la couverture sociale universelle. On voudrait qu’il soit pérenne et que le coût du traitement soit accessible. Pour ce faire, il faudrait qu’on travaille avec l’Exécutif pour
trouver des solutions structurelles, notamment sur le coût du traitement, au niveau des médicaments qui sont dans les protocoles thérapeutiques. En même temps, on ne doit pas toucher au prix de tous les autres médicaments, parce que si on baisse simplement le prix de tous les médicaments, même s’ils ne sont pas dans les protocoles thérapeutiques et ne sont pas concernés par la couverture sociale et universelle, on risque d’avoir un phé- nomène où des produits vont disparaître du marché du fait de la baisse de leur prix, lesquels vont être remplacés par des produits beaucoup plus chers ou nouveaux. Or, on a besoin de produits efficaces, pas forcément chers et récents, avec des coûts de traitement raisonnables».
MIEUX PARAMÉTRER L’IMPÔT SUR LE REVENU AFIN DE LIMITER LES «FUITES DE CERVEAUX» À L’ÉTRANGER
Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, les laboratoires pharmaceutiques ont trois requêtes. Ils souhaitent que soit révisé le barème des tranches de l’IR, en l’occurrence une augmentation du palier de tranche défiscalisée et une baisse du taux de la tranche la plus élevée ; que soit instauré un IR avantageux pour encourager l’emploi, à l’instar des zones d’accélération industrielle ; que soit élargie l’indemnité de représentation aux cadres non directeurs amenés à représenter leur société vis-à-vis des tiers ; et qu’il en soit ainsi pour la base de l’indemnité de représentation à la prime d’ancienneté. Pour la FMIIP, «ces mesures permettront de diminuer le coût de l’emploi chez l’entreprise et d’améliorer le pouvoir d’achat du salarié en évitant les «fuites de cerveaux» à l’étranger».
Modeste Kouamé / Les Inspirations ÉCO