Maroc

Moncef Belkhayat : “Beaucoup de startups vont mourir”

Des perspectives peu prometteuses pour les jeunes pousses. Préférant placer leur argent dans des valeurs sûres plutôt que d’investir dans des entreprises dont le modèle économique est en train de muter, les capitaux-risqueurs ont complètement changé de paradigme. De nombreuses startups sont ainsi condamnées à disparaître, prédit Moncef Belkhayat, président de Dislog.

De nombreuses startups sont appelées à disparaître. Cette déclaration, qui ne manquera pas de perturber le sommeil de nombreux jeunes entrepreneurs, n’est pas celle d’un profane ! Elle émane d’un ténor du monde des affaires, Moncef Belkhayat.

Lors de la 3e édition des EDGE Research Days, organisée par l’EDGE Business School, le président de Dislog a dressé un tableau sombre de l’avenir qui attend une certaine catégorie de jeunes pousses, expliquant que l’ère où les startups pouvaient facilement lever des fonds avec une simple présentation de quelques slides est révolue. «Il y a un an, les jeunes entrepreneurs, au niveau mondial comme au Maroc, pouvaient aisément lever des fonds pour financer leurs projets».

Aujourd’hui, la situation a complètement changé», détaille le speaker de cet événement qui a réuni des experts, des chercheurs et des chefs d’entreprise pour discuter de l’évolution du e-commerce et des nouveaux modèles de développement. Selon ce dernier, il est indéniable que plusieurs jeunes porteurs de projets ont réussi à lever des fonds sur le marché national ou international, mais les flux d’argent provenant des capitaux-risqueurs vers les startups ont chuté de 78% en seulement un an. Cette constatation est encore plus vraie dans le domaine du e-commerce.

«Nous avons assisté à une période où le e-commerce B to C était à la mode, puis la tendance s’est orientée vers le B to B, ensuite vers le Q-commerce, et maintenant nous passons à la fintech, sachant que les fonds d’investissement ont réduit de 78% leurs investissements dans les startups», explique Moncef Belkhayat, imputant ce revirement à la guerre en Ukraine et à la crise sanitaire de la covid-19.

Changement de paradigme
Ces événements ont entraîné une inflation avec un dollar très fort, tandis que les prix des matières premières ont explosé. De plus, les taux d’intérêt bancaires ont considérablement augmenté. En conséquence, les capitaux-risqueurs se sont retirés du financement des startups, préférant placer leur argent dans des valeurs sûres plutôt que d’investir dans des entreprises dont le modèle économique est en train de changer. Les capitaux-risqueurs ont complètement changé de paradigme.

Aujourd’hui, ce n’est plus la valorisation en fonction du chiffre d’affaires, mais plutôt celle basée sur les unit economics, qui permet de vérifier si une entreprise fonctionne réellement sur des fondamentaux solides.

Cependant, ce virage n’est pas sans conséquence, car de nombreuses startups sont condamnées à disparaître, y compris dans le domaine du e-commerce. «Il y aura une phase de consolidation où la culture du «I want to be a Licorn» sera remplacée par une culture de résistance, où il faut survivre comme un cafard face à une bombe nucléaire. C’est aussi brutal que cela», prédit l’intervenant.

Petite consolation
Dès lors, le principal défi pour les startups sera de trouver du cash. Soit elles vont devoir lever des fonds auprès de leurs actionnaires, soit elles seront dans l’obligation de mettre la clé sous la porte. La question qui se pose aujourd’hui au sein des conseils d’administration est de savoir si les actionnaires vont continuer à injecter de l’argent pour soutenir la consommation en cash de leurs entreprises misant sur l’avenir – sachant donc que celles-ci ne sont pas rentables sur le court terme -, ou d’opter pour un stop lose, s’évitant ainsi de perdre de l’argent. La bonne nouvelle, notamment pour les entreprises nationales évoluant dans le e-commerce, c’est que la population marocaine est encore jeune avec des consommateurs de plus en plus connectés.

Je suis persuadé qu’avec le temps, «le poids du digital dans le commerce et dans l’économie de plus en plus globale va continuer à grandir et à s’imposer. Il faudra toutefois qu’on soit conscient de cette opportunité», ajoute Moncef Belkhayat pour qui le salut viendra de l’intervention de l’État dans un cadre holistique. Le gouvernement, la banque centrale, les banques, les opérateurs télécoms, les universités… Tout le monde devrait – dans le cadre d’une approche globale – participer à la définition d’une vision commune vers une transition numérique. Des pays comme l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabs unis ont réussi ce pari en seulement une dizaine d’années, relève le président de Dislog.

Moncef Belkhayat
Président de Dislog

«Il y aura une phase de consolidation où la culture du «I want to be a Licorn» sera remplacée par une culture de résistance, où il faut survivre comme un cafard face à une bombe nucléaire. C’est aussi brutal que cela !»

K.M. / Les Inspirations ÉCO

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