Marchands ambulants et secteur informel : les actions prioritaires du projet d’intégration
Deux nouveaux avis du Conseil économique, social et environnemental, examinés hier par la 2e instance législative, listent les principaux défis imposés par la problématique de l’informel et des marchands ambulants. Plusieurs pistes sont explorées, visant la régulation des activités concernées et l’intégration des catégories ciblées dans le champ de la couverture sociale.
C’est dans le cadre d’une double auto-saisine que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a abordé l’une des problématiques les plus persistantes au Maroc que sont la prolifération des marchands ambulants et le poids de l’informel dans le tissu productif. Pour le président du CESE, Ahmed Réda Chami, l’étape actuelle de la mobilisation nationale, pour réussir le chantier de la généralisation de la couverture sociale, nécessite «une nouvelle approche intégrée en vue de limiter le poids de l’économie informelle, et de mener à bien l’intégration économique et sociale des marchands ambulants». Avant la finalisation des ces deux avis, le Conseil a tenu une série d’auditions avec les principaux acteurs concernés par cette problématique. Les données présentées, lors de la journée d’étude tenue hier sous la coupole, indiquent que le secteur informel représente près de 60% des activités, de même que sa contribution au PIB avoisine les 30%. «La nouvelle approche, prônée par le Conseil, s’articule autour de la structuration des activités informelles, à travers l’accompagnement et la requalification, l’intégration dans le système de couverture sociale et le renforcement de la représentativité des acteurs dans les deux segments», ajoute le président du Conseil. La nouvelle approche devra surtout faire sauter les obstacles légaux et réglementaires tout en facilitant l’accès au marché et au financement.
Du côté des élus de la 2e Chambre, «l’enjeu est de renforcer la force de proposition des parlementaires, au double niveau législatif et contrôle, ainsi qu’en matière d’évaluation des politiques publiques en rapport avec ce phénomène économique et social», a noté Enaâm Mayara, président de la 2e instance législative. Il s’agit d’assurer aux Conseillers un cadre d’intervention leur permettant de finaliser le cadre légal qui devra régir le commerce ambulant et renforcer les mesures d’intégration des activités informelles.
La démarche d’intégration des marchands ambulants
L’importance de la coordination et de la coopération, entre les parties concernées, a été fortement mise en avant par le CESE, que lesdites parties relèvent des collectivités ou autorités locales, des instances gouvernementales ou non gouvernementales, des associations professionnelles ou bien des organismes financiers. La finalité étant d’œuvrer «pour une intégration effective des marchands ambulants» dans le tissu économique. À noter que des initiatives, visant la réintégration de ces derniers, ont été déjà menées dans plusieurs villes marocaines, notamment via le projet national appuyé par l’INDH pour intégrer, dans une première phase, 300.000 marchands ambulants, construire des espaces commerciaux pilotes et les inciter à s’organiser en associations pour bénéficier du soutien financier nécessaire à la promotion de leur commerce. L’une des principales priorités réside dans la nécessité d’élaborer un plan d’urgence intégré pour restructurer les secteurs commercial et artisanal, et intégrer les marchands ambulants dans l’économie formelle «en optimisant le potentiel de cette catégorie et les services qu’elle propose». Parmi les actions préconisées, l’organisation de ces commerçants informels et l’encouragement des espaces commerciaux pilotes mobiles programmables, et gérables dans le temps et dans l’espace, ainsi que la reconsidération de l’aménagement urbain et commercial et la réorganisation intégrée du commerce de proximité.
La réglementation des métiers pour l’intégration du secteur informel
Outre la publication de la nomenclature des métiers et des professions, assortie de décrets d’application, l’avis du CESE insiste sur l’organisation et la règlementation des professions et des métiers. Il s’agit, en effet, d’un acte préalable qui est essentiel à l’intégration et à la modernisation de ces métiers pour développer le mode de production et de gestion des unités intégrées. Pour le Conseil, il est indispensable de procéder à l’inventaire, à l’identification et à la description des activités commerciales, industrielles ou de services, ainsi que des métiers, afin d’en fixer les conditions d’exercice. Ceci étant, par ailleurs, de nature à faciliter la mission des instances chargées de la mise à niveau et de la modernisation de ce secteur.
«Cette réglementation permettrait de définir les critères de capacité et de qualité requis pour l’exercice de ces professions et métiers afin de les protéger contre la contrefaçon», indique l’argumentaire du CESE. Quant à la mise en œuvre de la procédure d’intégration, elle suppose l’implication de l’ensemble des parties concernées, sous l’égide des Chambres professionnelles dans l’optique d’élaborer des cahiers de charges pour professionnaliser les métiers, et ce en spécifiant les qualifications nécessaires et les compétences indispensables à leur exercice. La dimension régionale a été, quant à elle, fortement recommandée. Cette réorientation stratégique d’intégration de l’informel revêt une importance capitale et implique aussi l’amélioration de la gouvernance publique ainsi que la promotion des conditions favorables à l’initiative individuelle, «d’où la nécessité, pour l’ensemble des intervenants, de veiller à favoriser un climat propice à l’entrepreneuriat, notamment au niveau des procédures administratives et de l’assistance technique et financière», indique le CESE. Il faut dire aussi que la nécessité de déployer une sécurité sociale obligatoire, dans la perspective de généraliser le régime de protection sociale à toutes les catégories, permettra de déployer progressivement la couverture retraite à cette catégorie de la population, en tenant compte de sa capacité d’épargne et de cotisation.
Définir un cadre légal du commerce ambulant
La réglementation de l’activité des marchands ambulants devra reposer sur la transparence des autorisations d’occupation temporaire du domaine public à l’intérieur du périmètre urbain. Pour les catégories vivant dans la précarité, la priorité devra être accordée à leur formation, en lieu et place du dispositif répressif. Concernant les procédures, un appel à leur simplification a été émis par le CESE, avec la nécessité de combler le vide juridique qui exclut les marchands ambulants du système des autorisations. «L’évolution de l’environnement légal est un pas indispensable pour cadrer les activités des marchands ambulants dans l’objectif de maîtriser ce phénomène et pour la réintégration de cette catégorie menacée par la précarité. Le CESE précise aussi que le volet légal est «une impérieuse nécessité pour asseoir un cadre légal pour les marchands ambulants et la traduction dans les textes des conditions d’exercice de ce type de commerces».
Younes Bennajah / Les Inspirations ÉCO