Les stocks stratégiques du Maroc ne dépassaient pas quelques jours en 2015
Blé, sucre, produits pétroliers, médicaments, produits sanguins…les stocks de base qui permettent d’éviter une rupture, une pénurie ou parer aux aléas ne couvreraient que quelques jours selon une enquête de la Cour des comptes. Les détails.
Les produits pétroliers : le talon d’Achille du Maroc
Si la norme réglementaire impose au pays de disposer d’un stock de 60 jours de consommation pour les produits raffinés chez les distributeurs, le stock du gasoil disponible à fin 2015 ne permettaient de couvrir, en moyenne, que 24,1 jours de consommation, contre 27,5 pour le butane. Quant au supercarburant, les stocks disponibles ne couvraient que 34,8 jours de consommation. Les stocks de fuel chez les distributeurs présentent la situation la plus critique avec des niveaux ne dépassant pas cinq jours de couverture en 2015. Sachant que ce produit est utilisé essentiellement dans la production de l’énergie électrique et dans certaines industries.
Concernant le pétrole brut, l’obligation réglementaire de détenir 30 jours de ventes par le raffineur n’est respectée qu’à moitié avec des stocks ne couvrant que 15,7 jours de ventes à juillet 2015. Pour ne rien arranger, l’arrêt de l’activité de la Samir a fait chuter ces stocks. Une situation accentuée par l’insuffisance des structures qui permettent d’emmagasiner ces stocks d’autant plus que le marché national est approvisionné entièrement par l’importation de produits raffinés, ce qui accroît son exposition aux aléas du marché international et fait que les capacités de stockage se trouvent diminuées.
Le pain : aucune inquiétude
Le rapport de la Cour des comptes se veut rassurant quant à l’approvisionnement du marché national. En 2015, le stock moyen a été de 14,9 MQx (millions de quintaux) pour un écrasement moyen mensuel de près de 4 MQx, ce qui offre une couverture de plus de 3,5 mois d’écrasement.
Cependant, des fluctuations significatives sont régulièrement enregistrées entre les mois de la même année. Ainsi, les stocks de blé tendre sont, généralement, marqués par des périodes de grand stockage coïncidant avec la période des récoltes et des périodes de chute des stocks durant les mois précédant la production nationale.
Mais le rapport note en revanche que les capacités de stockage se caractérisent par une concentration dans trois régions du centre-nord qui comptent environ 62% des capacités globales. C’est le cas également des importations qui s’effectuent essentiellement à travers le port de Casablanca par lequel ont transité près de 53% des importations de blé tendre sur la période 2011-2014.
Le sucre: la dépendance au brut
Pour le sucre, l’obligation de stockage est fixée par la réglementation, depuis 1996, à un mois de consommation. En 2015, le stock disponible a dépassé, en moyenne, deux mois de consommation.
Cependant, en cours d’année, le niveau des stocks connaît des fluctuations significatives avec des périodes de fortes réserves correspondant, en général, à la période estivale et une phase de faibles réserves coïncidant avec la période hivernale et s’étalant jusqu’au début du printemps.
Cependant, le rapport de la Cour des comptes a relevé une dépendance du marché extérieur et des importations du sucre brut qui conditionne la production globale de sucre blanc.
Les médicaments: des estimations imprécises
Depuis 2002, la réglementation des stocks des médicaments prévoit que les établissements pharmaceutiques doivent disposer de l’équivalent du quart du total de leurs ventes en spécialités pharmaceutiques au cours de l’année précédente. Concernant les établissements assurant exclusivement le dépôt et la répartition des spécialités pharmaceutiques fabriquées à l’avance, ils doivent détenir un stock égal au 1/12 du total de leurs ventes réalisées l’année précédente.
La réglementation relative aux stocks de sécurité des médicaments est marquée par un manque de précision de certaines dispositions relatives aux produits concernés par le stockage de sécurité comme elle ne couvre pas certains produits essentiels tels que les dispositifs médicaux.
Or, note la Cour des comptes, la réglementation a un caractère général et ne tient pas compte des spécificités des produits pharmaceutiques qui se comptent par milliers, ce qui rend le suivi des stocks de médicaments difficile et moins efficace et ne permet pas de se focaliser sur les produits les plus critiques.
Sur le plan organisationnel, la mission de suivi des stocks de médicaments et de veille sur l’approvisionnement du marché est confiée depuis 2001 à l’Observatoire national des médicaments et des produits de santé qui relève de la direction du médicament et de la pharmacie (ONMPS). Or, cet observatoire ne jouit pas du positionnement organisationnel et de l’autorité nécessaire pour prendre en charge les missions qui lui sont confiées en matière de suivi des stocks de sécurité des médicaments.
Le sang : un «produit rare»
La situation des stocks de sang au Maroc montre que leurs niveaux sont encore limités, par rapport aux besoins et ne permettent pas de renforcer la sécurité d’approvisionnement en ces produits en raison de dons qui ne dépassent pas 0,9% de la population. Paradoxalement ces stocks sont généralement plus limités dans les grands centres urbains. L’insuffisance des stocks de produits sanguins s’explique également par l’insuffisance des infrastructures d’accueil et de traitement, sans oublier les problèmes organisationnels et de ressources humaines insuffisantes.