Maroc

Les émetteurs désormais protégés par la jurisprudence

L’égalité de traitement par la loi de l’émetteur et du récepteur d’un chèque de garantie est considérée comme obsolète par les magistrats de la Cour de cassation. L’action pénale n’est pas retenue contre l’émetteur, à quelques conditions près.

C’est désormais une jurisprudence constante. La Cour de cassation a décidé, pour la troisième fois en l’espace d’une année, de ne pas retenir d’action pénale contre l’émetteur d’un chèque signé en blanc «tant qu’il est prouvé par expertise que le montant supposé de la provision n’a pas été fixé par lui». Une innovation des hauts magistrats qui porte désormais un coup d’arrêt à l’égalité de traitement entre les émetteurs et les récepteurs des chèques de garantie. «Cette égalité est théorique, car elle part du principe que le chèque est un instrument de paiement et non de crédit», martèle un des magistrats du tribunal correctionnel de Casablanca, qui ajoute: «Ainsi, celui qui l’endosse tout comme celui qui le reçoit sont juridiquement responsables. Sauf que dans la pratique, l’émetteur est dans une situation d’obligation. Une inégalité économique de fait existe entre les deux parties, donc le traitement égal est obsolète». L’alinéa 6 de l’article 316 du Code de commerce indique en effet qu’est «punie d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 2.000 à 10.000 DH, sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque, toute personne, en connaissance de cause, qui accepte de recevoir ou d’endosser un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement et qu’il soit conservé à titre de garantie». Ici, la sanction cible uniquement le bénéficiaire.

Au niveau pénal également, par ce chèque de «garantie», l’émetteur peut se retrouver dans une situation embarrassante. Pour cela, le Code pénal a sanctionné des mêmes peines toute personne qui émet ou accepte de recevoir un chèque émis tout en sachant qu’il n’est pas provisionné. Le Code pénal évoque implicitement le chèque «de garantie» dans son article 544: «Est puni des peines édictées à l’alinéa premier de l’article 540 (un à cinq ans de prison), et d’une amende de 500 à 5.000 DH, quiconque émet ou accepte un chèque à la condition qu’il ne soit pas encaissé immédiatement mais conservé à titre de garantie». Mais cette épée de Damoclès a été retirée par la jurisprudence. Selon les sources judiciaires, il s’agit d’une mesure frontale contre les agissements des établissements hospitaliers privés, qui n’exigent pas seulement un chèque de garantie, mais que celui-ci soit signé, non daté et libellé au porteur, ce qui expose lourdement l’émetteur en cas d’encaissement et le bénéficiaire en cas de poursuite judiciaire.

Dans la même affaire, la Cour de cassation a également assoupli la prescription en matière pénale. Cette dernière ne se calcule plus à partir de la date de présentation au paiement mais à la date d’émission. Rappelons que des différences existent en ce qui concerne le traitement judiciaire des chèques impayés, selon qu’il s’agisse du Code de commerce ou du Code pénal, notamment au niveau de la prescription des actions en recours du porteur du chèque. Selon le premier Code, l’action en justice se prescrit par six mois à partir de l’expiration du délai de présentation du chèque à l’encaissement, soit 20 jours pour les chèques émis au Maroc et deux mois pour les chèques émis à l’étranger. Or, le Code pénal prolonge le délai de prescription des actions contre des délits à plus d’un an, et cela peut aller jusqu’à cinq, voire dix ans. L’émission d’un chèque sans provision étant considérée par le Code pénal comme un délit, surtout quand il s’agit de l’émission simultanée de plusieurs chèques sans provision. 


Attention aux chèques émis par une personne morale

ans plusieurs affaires traitées par le Tribunal correctionnel de Casablanca, des sociétés fictives sont créées afin d’émettre des chèques en leur nom, ce qui permet d’éviter la garde à vue automatique du vrai débiteur. Ce mode opératoire est récurrent depuis fin 2013, lorsque les fraudeurs ont détecté une faille: quand c’est une personne morale qui émet le chèque, la responsabilité pénale incombe au mandataire social dont le nom figure sur le modèle 7 de la société au registre du commerce. Pour ce faire, le créancier doit s’adresser à un huissier de justice afin que ce dernier signifie le certificat de paiement au débiteur. Juridiquement, cette signification vaut injonction de payer. Donc on passe du pénal au civil, d’où la perte du caractère dissuasif de la loi. 


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