Le pacte de Marrakech divise l’Europe
L’Union européenne a perdu sa crédibilité avec ses divisions sur le pacte mondial sur les migrations et c’est « nuisible » pour son image, a déploré vendredi le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn, dans un entretien avec l’AFP.
« La décision prise par l’Autriche de rejeter le pacte pendant sa présidence a été très nuisible pour l’image de l’UE. Après cela d’autres pays ont suivi », a-t-il jugé.
« L’UE ne compte plus en tant que telle », déplore Jean Asselborn, également ministre de l’Immigration et des Affaires européennes, qui se rendra lundi à Marrakech pour adopter le Pacte de l’ONU au nom du Luxembourg.
La Lettonie a rejeté le Pacte jeudi et est venue s’ajouter à la Hongrie, l’Autriche, la Pologne, la République tchèque, la Bulgarie et la Slovaquie. L’Italie a gelé sa signature et en Belgique, l’opposition des nationalistes flamands au texte a provoqué une crise au sein de la coalition au pouvoir.
« La décision de l’Autriche a poussé les partis identitaires associés dans les coalitions de gouvernement à pratiquer le chantage », s’insurge Jean Asselborn, dont la notoriété doit beaucoup à son altercation sur l’immigration avec le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini ponctuée par un « merde alors ».
« Je crois que le mot populiste est impropre. Il s’agit de partis identitaires, qui font peur aux gens avec la migration. C’est très grave », dénonce-t-il.
« Nous devons avoir des règles pratiques communes pour combattre la cause des départs à la source », insiste-t-il. « L’Europe doit être solidaire. Elle ne doit pas laisser la charge reposer sur deux ou trois pays qui sont la frontière. C’est ce qui s’est passé avec l’Italie et on a vu les conséquences avec le résultat des élections », souligne-t-il. Les deux formations arrivées en tête lors des élections générales italiennes en mars 2018 ont été la coalition de centre droit dominée par la Ligue, un parti d’extrême droite identitaire, et le Mouvement 5 étoiles, une formation populiste.
Jean Asselborn s’est dit inquiet pour l’Espagne, et pour la Grèce « dont les îles sont surpeuplées ».
« Penser résoudre le problème sur une base volontaire et sans solidarité ne marchera jamais », soutient-il. « Il faut un système de quotas pour savoir quelle est la prise en charge de chacun en période de crise », explique-t-il.
« Si une nouvelle catastrophe survenait comme en 2015, nous sommes moins préparés aujourd’hui », soutient-il.
« L’Europe sera confrontée au problème des migrations pendant des décennies. S’il y a un thème à traiter par les Nations Unies, c’est bien la migration, car il faut une coopération entre les pays de départ, les pays de transit et les pays de destination », souligne-t-il.
Le Pacte mondial sur les migrations de l’ONU adopté en juillet et qui doit être avalisé lundi à Marrakech, au Maroc, vise à renforcer « la coopération relative aux migrations internationales sous tous leurs aspects ». « La souveraineté nationale reste intacte, aucun Parlement ne doit le ratifier », a insisté Jean Asselborn. Le Pacte n’est juridiquement pas contraignant, mais les pays qui l’ont rejeté ont fait valoir qu’ils voulaient conserver une gestion nationale des migrations et qu’ils redoutent l’utilisation du Pacte lors de recours devant la justice.