Maroc

Le bilan des avancées et des défis

Zakia Driouich
Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, du Développement rural et des Eaux et forêts, chargée de la Pêche

À l’occasion de la 7e édition du salon Halieutis, qui se tient du 6 au 9 février à Agadir, Zakia Driouich dresse le bilan de la stratégie Halieutis, et ce, à mi-chemin de la mise en œuvre de cette nouvelle vision de développement du secteur de la pêche et l’aquaculture.

La 7e édition du salon Halieutis intervient à mi-chemin de la mise en œuvre de la nouvelle vision de développement du secteur. Quelles sont les principales réalisations qui ont été accomplies dans la continuité de la stratégie Halieutis initiale, mais aussi les défis rencontrés jusqu’à présent ?
La stratégie Halieutis a posé les bases du développement du secteur de la pêche maritime et de l’aquaculture marine. Cette stratégie s’est traduite par une forte croissance des indicateurs socioéconomiques. Ce secteur présente un potentiel considérable et des perspectives très prometteuses. Il s’est inscrit dans une dynamique de développement continu, basée sur la consolidation des acquis et des réalisations de la stratégie Halieutis. La feuille de route tracée dans ce cadre ambitionne de faire évoluer le secteur pour l’arrimer au trend mondial de l’Économie bleue.

Cette transformation se concrétise à travers une continuité de la vision de développement du secteur halieutique et aquacole afin de faire du Maroc une référence mondiale de la croissance bleue. La priorité est par ailleurs donnée à l’élément humain et à la préservation des écosystèmes marins, et ce, en créant de la richesse à tous les maillons de la chaîne de valeur. Celle-ci ouvre la voie, dans le prolongement de la politique du secteur, à de nouvelles orientations stratégiques et à la recherche de nouveaux partenariats fructueux. Ceux-ci concernent, notamment, le renforcement de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, l’échange de bonnes pratiques et de transfert de technologies, et la promotion des accords économiques.

Dans la continuité de la stratégie Halieutis, plusieurs acquis socioéconomiques importants ont été accomplis, contribuant à insuffler une nouvelle dynamique au niveau de diverses activités. Parmi celles-ci, on peut citer le renforcement des capacités des acteurs à travers la généralisation de la couverture sociale au profit des travailleurs non-salariés actifs, le renforcement du dispositif de sauvetage des vies humaines en mer et le développement des outils de formation.

Pour ce qui est de la recherche et de la pêche durable, il a été procédé au renforcement des capacités de l’Institut national de recherche halieutique (INRH), à la gestion durable des pêcheries et à la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).

En ce qui concerne la promotion de l’aquaculture, on peut citer la mise en place des plans d’aménagement aquacole et l’accompagnement des investisseurs aquacoles. La dynamisation du marché local et l’encouragement à la consommation des produits de la mer ont permis un large accès des citoyens aux ressources halieutiques nationales à haute valeur nutritive, en renforçant le réseau des marchés de gros de poissons et les marchés de proximité, tout en encourageant le développement de réseaux spécialisés de distribution des produits de la mer.

Comment votre département prend-il en compte les impacts des changements climatiques sur les ressources halieutiques et comment évoluent les indicateurs des pêcheries ainsi que leurs biomasses ?
Pour atténuer les impacts des changements climatiques et appuyer la résilience de l’océan pour une pêche durable, nous avons créé des réserves marines. Il s’agit de solutions innovantes contribuant à atténuer les impacts du changement climatique et à renforcer la résilience des mers et des océans. Elles visent à réhabiliter les zones dégradées, à protéger la biodiversité et à garantir son renouvellement.

Actuellement, nous avons trois réserves marines (Alboran, Massa et Mogador) dont la finalité est de favoriser le «développement durable» de la pêche artisanale. Nous disposons également de trois parcs nationaux mixtes avec une extension maritime, à savoir Souss-Massa, Khnifiss et Al-Hoceïma.

De surcroît, nous avons conçu un programme visant à créer quatre nouvelles réserves marines supplémentaires pour la pêche durable, situées à Agadir, Larache, Nador et Boujdour. Nous avons également délimité des zones d’interdiction de la pêche au chalut et installé des récifs artificiels dans certaines zones vulnérables, des mesures cruciales pour la protection et le renforcement de la biodiversité.

Dans la même optique, nous avons protégé plusieurs zones d’importance écologique pour les poissons et la biodiversité, telles que les zones de reproduction des poissons pélagiques et les zones rocheuses, contribuant ainsi à la restauration de l’équilibre écologique et à l’amélioration de la productivité biologique. Grâce aux mesures qui ont été instaurées et malgré la conjoncture hydro climatique difficile, la production totale halieutique réalisée dans les eaux marocaines est restée relativement stable, oscillant autour d’une moyenne de 1,4 million de tonnes ces dernières années.

En effet, dans le contexte du changement climatique, certains stocks, comme celui de la sardine, ont été impactés, toutefois, cet impact semble être compensé par d’autres espèces. La baisse des captures de sardines a ainsi été compensée par une augmentation des captures de maquereaux, chinchards et anchois, des espèces moins exploitées que la sardine, qui ont profité de la situation de réchauffement. Néanmoins, afin de retrouver le niveau du stock initial des petits pélagiques, notamment la sardine, le secrétariat d’État a entrepris plusieurs mesures de gestion afin d’assurer la durabilité de ce stock, parmi lesquelles les repos biologiques, les fermetures spatio-temporaires, le zoning…

D’autres mesures sont en cours de discussion avec les professionnels. S’agissant des céphalopodes, leurs stocks se sont améliorés dans de nombreuses zones suite aux effets des mesures de gestion mises en place. Cependant, il faut faire preuve d’une grande vigilance dans leur gestion, compte tenu de leur caractère très dynamique.

Depuis la mise en œuvre de la stratégie Halieutis, cette feuille de route a fait de la lutte contre la pêche Illicite, non déclarée et non réglementée (INN) un axe majeur. Est-ce que le Maroc est parvenu à régler ce problème ?
Effectivement, les mesures de contrôle instaurées ont permis un bond considérable dans la lutte contre la pêche INN. Notre pays compte désormais parmi les pays avancés en la matière, notamment pour ce qui concerne la surveillance par satellites (VMS), le contrôle de la traçabilité via un processus règlementé de certification des captures et l’instauration d’un Plan national de contrôle des activités de la pêche maritime. Les résultats sont très encourageants en matière de retombées du contrôle des activités de la pêche.

En effet, l’évolution positive des indicateurs enregistrés pour la production et l’exportation nationales témoignent aussi de l’efficacité du contrôle dans la préservation de la ressource halieutique y compris les petits pélagiques qui constituent une grande part de la production.

Ainsi, la production halieutique, en volume, a affiché une croissance annuelle moyenne de 1,7% entre 2010 et 2023, passant de 1,14 million de tonnes (Mt) à 1,42 Mt. En valeur, la production halieutique a enregistré une croissance annuelle moyenne de 6,6% sur la période 2010-2023, progressant de 6,7 milliards de dirhams (MMDH) à 15,2 MMDH.

S’agissant des exportations en volume, leur croissance annuelle moyenne est de 3,9% sur la période 2010-2023, passant de 512 kT à 846 kT alors que les exportations en valeur ont affiché une croissance annuelle moyenne de 6,7% sur la période (de 13,2 MMDH à 30,9 MMDH).

L’aquaculture présente un potentiel de développement important. Le Conseil de gouvernement a adopté le projet de décret n°2.23.1032 relatif aux plans régionaux d’aménagement et de gestion. Quel est l’apport de ce texte ?
En application de l’article 11 de la loi n°84-21 régissant l’aquaculture marine, le décret n°2.23.1032 relatif aux plans régionaux d’aménagement et de gestion aquacoles vise à structurer et encadrer le développement de l’aquaculture au Maroc. Il établit un cadre détaillé pour la planification, l’approbation et le suivi des projets aquacoles, en intégrant des dimensions techniques, environnementales et socio-économiques essentielles.

Ce décret permet une gestion rigoureuse des zones dédiées à l’aquaculture, identifiées en concertation avec les autorités compétentes et les acteurs locaux.

Cette approche garantit une occupation optimale des espaces marins et assure une cohabitation harmonieuse avec les autres activités économiques. Sur le plan juridique, le texte clarifie les procédures d’approbation et d’évaluation des projets aquacoles. Il confère à l’Agence nationale pour le développement de l’aquaculture (ANDA) un rôle central dans l’élaboration et le suivi des plans, en collaboration avec l’INRH et les administrations concernées.

L’adoption d’études techniques, scientifiques et socioéconomiques détaillées assure la fiabilité et la pertinence des projets mis en place. L’aspect écologique constitue un axe fondamental du décret. Il impose des évaluations stratégiques environnementales pour chaque plan, ainsi que des études d’impact spécifiques pour chaque projet de structure aquacole, conformément à la réglementation en vigueur.

Cette exigence vise à garantir un développement respectueux des écosystèmes marins et à minimiser les impacts sur la biodiversité. Enfin, la concertation est un principe clé de ce texte, en favorisant l’implication active des professionnels du secteur, des administrations et des collectivités locales dans le processus décisionnel.

Cette approche permet une meilleure intégration des projets aquacoles dans l’économie locale et prévient les conflits d’usage avec les autres activités maritimes. En somme, ce décret marque une avancée majeure pour l’aquaculture au Maroc. Il renforce la gouvernance du secteur, garantit un développement durable et offre un cadre réglementaire stable, propice à l’investissement et à la croissance du secteur.

Le secteur de la pêche est marqué par des périodes de repos biologique de plus en plus fréquentes. Quel est l’impact de ces repos sur l’évolution de la ressource et sa durabilité ?
Le repos biologique est une mesure de gestion qui consiste à suspendre l’activité de pêche dans une pêcherie durant une période déterminée pour assurer sa durabilité. Cet arrêt coïncide en général avec les périodes de reproduction et vise à protéger les géniteurs pendant la phase de ponte.

Le repos biologique peut également être instauré pour protéger les juvéniles et augmenter la biomasse, afin d’assurer une pêche plus rentable à postériori. Le repos biologique a été instauré depuis près de 20 ans dans la pêcherie du poulpe et a permis, avec d’autres mesures, de reconstituer le stock au sud et de sauver les investissements y afférents. Le repos biologique a été également instauré dans le cadre d’une gestion adaptative de la plus importante pêcherie nationale des petits pélagiques.

Le but est de protéger la phase principale de reproduction de la sardine au niveau des pêcheries de l’atlantique centre et l’atlantique sud, conformément à l’avis scientifique de l’INRH. Cette mesure importante est prise systématiquement en concertation avec la profession en vue de minimiser autant que faire se peut l’impact socioéconomique sur les activités de pêche concernées.

Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO



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