Maroc

Le bicaméralisme marocain montre ses limites

Faut-il maintenir le bicaméralisme au Maroc ? Une chose est sûre : la révision de ce système s’impose en raison des dysfonctionnements constatés aussi bien sur le plan du contrôle que de la législation. Des réajustements sont nécessaires au niveau de la mise en œuvre pour être en phase avec le chantier de la régionalisation avancée.

La production législative au Maroc est très lente, au point que le bicaméralisme, tel qu’il est pratiqué au Maroc, est vertement critiqué. Même la mission de contrôle est pointée du doigt en raison des similitudes dans le traitement des dossiers entre les deux chambres du Parlement. Bien que la Constitution de 2011 ait globalement précisé les attributions de chacune des deux chambres, députés et conseillers continuent d’exercer, dans les faits, les mêmes fonctions. Lors des séances plénières,  les mêmes questions sont posées dans les deux chambres, souvent avec le même angle d’attaque. Une perte de temps à l’heure où il est attendu des deux chambres d’être complémentaires pour donner un véritable coup de fouet à l’action parlementaire. Chacune est appelée à exprimer sa vocation pour éviter les répétitions et optimiser le temps politique. La représentativité dans la première chambre est politique tandis qu’elle est d’ordre socio-économique dans la seconde. Aussi, la différentiation dans le débat s’impose-t-elle en vue de donner au bicaméralisme son véritable sens. Jusque-là, la dualité du Parlement n’a pas visiblement porté ses fruits au Maroc, contrairement à d’autres pays.

Faut-il mettre fin au bicaméralisme ou le maintenir ? À l’heure où le Maroc a fait le choix de la mise en place de la régionalisation avancée, le bicaméralisme s’avère être une nécessité. Il faut dire qu’il pourrait constituer un véritable atout, à condition de réunir toutes les conditions nécessaires pour rendre le système performant. Dans nombre de pays, la chambre haute est l’émanation des régions, tandis qu’au Maroc, la composition de la Chambre des conseillers est particulière. La diversité de la représentation constitue un atout pour certains alors que d’autres appellent à éviter la dispersion et à renforcer davantage la représentativité des régions pour être en phase avec le chantier de la régionalisation avancée. À titre d’exemple, en France, le Sénat est le représentant des collectivités territoriales. Le parlementaire du PJD et président de la commission de l’enseignement et des affaires culturelles et sociales Abdelali Hamieddine pointe du doigt la composition de la Chambre des conseillers, qui n’existe nulle part, ainsi que la non-appropriation de la mission de cette institution par tous les acteurs dont le gouvernement. «Et même avec la composition actuelle, l’efficacité aurait pu être meilleure si tous les acteurs s’étaient approprié la mission de la Chambre des conseillers. Jusque-là, la déconcentration et la structure sociale n’y sont pas assez présentes», dit-il. Une analyse approfondie du système nécessite l’implication de tous les acteurs.

D’aucuns estiment que la révision escomptée devra porter en premier lieu sur la manière avec laquelle est mis en œuvre le bicaméralisme. Il ne faut pas faire endosser l’entière responsabilité des dysfonctionnements du bicaméralisme à la Chambre des conseillers, mais la réflexion doit plutôt porter sur l’action parlementaire dans sa globalité, de l’avis de Rahal Mekkaoui, parlementaire istiqlalien et président de la Commission des finances, qui défend bec et ongles la valeur ajoutée de la Chambre des conseillers. Il ne suffit pas de mettre le doigt sur les maux de l’institution législative; encore faut-il les corriger. Une nouvelle approche de travail visant la complémentarité entre les deux chambres est à mettre en place, selon certains parlementaires. L’optimisation de l’efficacité du Parlement passe également par la mobilisation des parlementaires et la lutte contre le fléau de l’absentéisme qui frappe de plein fouet l’institution législative. La question des moyens se pose également avec insistance. Le manque d’accompagnement technique et humain des parlementaires déteint, en effet, sur la qualité de la production législative et de la mission parlementaire de contrôle du gouvernement.


Leçon d’histoire

Le premier Parlement élu au Maroc était bicaméral. L’État d’exception a écourté cette première expérience. La Constitution de 1970 a instauré un Parlement monocaméral, élu pour six ans. Les législatures de 1977, 1984 et 1993 étaient monocamérales. La Constitution de 1996 a réintroduit le bicaméralisme. La Chambre des conseillers pouvait même mettre en cause la responsabilité politique du gouvernement par le biais de la motion de censure. La loi fondamentale de 2011 a maintenu le bicaméralisme, mais en révisant les attributions de la chambre haute pour, entre autres, mettre fin aux situations de blocage législatif qu’avait connues la période précédente. La suprématie a été accordée à la chambre basse. Quels que soient les amendements introduits par les conseillers aux textes, le dernier mot revient aux représentants. En outre, même au niveau de l’interpellation du gouvernement, la Chambre des conseillers n’a plus, depuis 2011, la prérogative de voter la motion de censure, contrairement à la Chambre des représentants.


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