Maroc

«L’Afrique doit produire avec des technologies moins coûteuses»

Ahmed Essadki : Président de l’Association des experts africains en sécurité sanitaire des aliments

Les ÉCO :  Qu’est-ce qui a motivé la création de votre association ?  
Ahmed Essadki : Aujourd’hui, on constate un flux important de produits importés des différentes régions du monde en direction de l’Afrique. Ces échanges, qui se font en faveur des pays développés, se matérialisent par l’importation massive de produits finis. C’est notamment le cas du commerce avec l’Europe, qui vend beaucoup de produits finis au continent africain, alors qu’elle n’importe pratiquement que des matières premières. Ce flux de produits finis en direction de l’Afrique se fait sans le respect des normes établies par les Africains eux-mêmes. Il faut dire qu’il n’existe, en réalité, pas de normes fixées par les États africains. Même à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’Afrique n’a pas une voix forte pour se défendre. La création de l’Association des experts africains en sécurité sanitaire des aliments vise à répondre à cette absence de structure africaine dans l’établissement des normes. L’association est donc le premier maillon de taille en mesure de donner un avis africain à propos de ces échanges.

Quels sont les objectifs de votre entité ?
L’idée est de créer une masse critique d’experts africains qui permettent de faire respecter les normes et les réglementations internationales en matière de commerce et d’échanges, afin d’encourager les industriels à vendre aux pays africains des technologies moins chères. Le constat qui se dégage est que les techniques proposées aux pays africains ne sont pas toujours les meilleures et les moins chères. Cela est par exemple valable dans le secteur agricole, ce qui handicape la compétitivité des produits africains.

Comment est constituée votre association ?
L’Association est composée de membres venus d’un peu partout. Nous avons des collègues et confrères issus de pays africains, notamment du Bénin. Par ailleurs, nous avons reçu des manifestations d’intérêt de la part d’acteurs opérant au Tchad, au Kenya, et en République démocratique du Congo. Quant au bureau, il est constitué de professionnels évoluant dans le secteur privé, mais aussi dans le monde universitaire. Des établissements publics y sont également représentés, à l’instar de l’Office national de sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA), du Laboratoire d’analyse des produits alimentaires et de l’Institut national d’hygiène. Les membres de l’association travaillent bénévolement. Nous comptons établir notre siège à Dakhla, dans le Sud marocain, afin de mieux symboliser notre proximité avec l’Afrique subsaharienne. Un institut de formation sur les technologies de fabrication de ces produits est également au programme. Il permettra aux acteurs subsahariens de venir renforcer leurs compétences.  

Quelle est votre stratégie pour faire connaître votre association sur le continent ?
 Nous comptons sur la presse pour avoir une bonne diffusion auprès des pays africains. Par ailleurs, nous avons eu des contacts avec le directeur général de Casablanca Finance City Autority (CFCA), afin d’étudier les moyens de profiter des facilités offertes par la place financière pour mieux se projeter en Afrique.

Selon vous, comment le public africain peut-il arriver à une prise de conscience sur l’importance des normes en termes de production ?
Avant tout, il est regrettable de constater que la compréhension des enjeux dans ce domaine était plus palpable lors de la période des indépendances que maintenant. Je pense que cette prise de conscience devra désormais être plus rapide avec la sensibilisation. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais les intellectuels africains doivent être les premiers à comprendre ces enjeux. La situation l’exige, car l’Afrique n’utilise pas encore les meilleures pratiques en termes de fabrication des produits dédiés à la consommation locale ou à l’exportation.

De quel type de technologies faut-il s’équiper afin que les pays africains améliorent leur production ?
Il faut souligner que des technologies de production moins chères existent sur le marché. Elles coûtent à peine 15% de l’investissement que les professionnels consentent pour s’équiper actuellement. Le problème est que ce type de technologies n’est pas connu de tous. Les fournisseurs des pays développés ne communiquent pas beaucoup sur ces technologies. Notre but est justement de sensibiliser les professionnels à ces technologies plus économes. Et pourtant, on peut les retrouver facilement dans le «Codex Alimentarius» (ndlr, le «Codex Alimentarius» ou code alimentaire permet de mettre au point des normes alimentaires internationales harmonisées destinées à protéger la santé des consommateurs et à promouvoir des pratiques loyales en matière de commerce de denrées alimentaires).

Enfin, votre association a-t-elle besoin de soutiens particuliers pour son bon fonctionnement, notamment de l’État ?
Pour le moment, nous ne demandons pas grand-chose à l’État. Je pense qu’avec le cadre réglementaire qui encadre l’environnement d’exercice des associations, il est possible d’avoir les outils nécessaires à notre bon fonctionnement sans trop de difficultés. Je fais notamment référence au matériel technique dont nous aurons besoin. Nous sollicitions davantage la bonne volonté des particuliers et des entreprises pour nous assister dans l’acquisition de consommables.   



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