Régionalisation avancée : Casablanca-Settat entre dans le vif du sujet

Projets industriels, mobilité, transition hydrique… Lors de sa session de juillet, le Conseil régional de Casablanca-Settat a validé une série d’initiatives à fort impact territorial, dont une prise de participation dans la société de gestion de la PLIIZ de Zenata. Une manière pour la région de prendre part au déploiement des investissements à l’échelle locale.
Le Royaume aborde les prochaines années avec un calendrier dense – Coupe d’Afrique des nations en 2025, co-organisation du Mondial 2030, accélération des mégaprojets ferroviaires, déploiement d’unités de dessalement pour parer au stress hydrique, pari industriel sur l’hydrogène vert entériné au printemps. Cette montée en cadence s’appuie sur une régionalisation avancée qui élargit la marge de manœuvre des collectivités élues.
Casablanca, poumon économique du pays, occupe une place de choix dans cette effervescence, comme en témoigne la diversité des projets. D’abord par leur ampleur. Le Conseil régional de Casablanca-Settat s’est réuni le 7 juillet autour d’un ordre du jour comptant cent dix-neuf points.
Abdellatif Maâzouz, son président, a rappelé la signature de quatre cent cinquante-six conventions, représentant un engagement cumulé de cent trente milliards de dirhams, (MMDH) dont plus du quart financé par la seule région. «À fin mars, nous sommes en avance sur le PDR», a-t-il précisé, en référence au programme de développement régional voté en début de mandat.
Passive income
Parmi les projets structurants, la plateforme logistique, industrielle et d’innovation (PLIIZ) de Zenata s’impose comme l’une des pièces maîtresses de la stratégie régionale. Cette zone de 380 hectares, appelée à accueillir à terme des activités productives à haute valeur ajoutée, mobilisera un investissement global de 2,8 milliards. Lors de la dernière réunion, la création d’une société de gestion dédiée a été validée. La région en détiendra 13% du capital, aux côtés d’acteurs institutionnels et privés.
«C’est une innovation en matière de montage financier, puisque la région ne se contente pas d’acter le projet, elle entre au capital», a fait valoir le président.
D’autres projets sont également mis en avant pour leur modèle d’exploitation. C’est le cas de la plateforme de Ahl Lgham, en cours de finalisation pour un coût supérieur à 200 millions de dirhams (MDH). Les lots y seront exclusivement proposés à la location, dans une logique de génération de revenus récurrents pour la collectivité.
La gestion des grands enjeux d’aménagement territorial appelle des réponses à la mesure des disparités persistantes, mais aussi des ambitions que la région revendique désormais ouvertement. Le Conseil a ainsi validé l’émission d’un emprunt obligataire d’un milliard de dirhams, d’une maturité de dix ans, assorti d’un différé de remboursement de deux ans. Le montage est jugé soutenable dans le contexte actuel. «C’est un financement convenable, de l’argent pas cher», a estimé le président, qui défend une approche proactive, sans alourdir le service de la dette.
Requalification du réseau
La mobilité fait également l’objet d’une montée en puissance à la hauteur des mutations urbaines en cours. Le Conseil a approuvé un protocole relatif à la mise en œuvre de la future ligne à grande vitesse entre Marrakech et Kénitra, dans une logique d’interconnexion métropolitaine.
Ce projet structurant est adossé à deux autres volets, à savoir le développement d’un Réseau express régional (RER) composé de trois lignes (voir encadré) et d’un Train régional pour une enveloppe de plus de 48 MMDH (dont 8 milliards pour le seul RER). Le montage repose sur un financement différé, en complémentarité avec les dispositifs déjà déployés, notamment les 930 bus en service.
«L’idée est de doter les citoyens d’un service de transport toutes les dix minutes», insiste le président, en soulignant la cohérence avec les politiques de mobilité urbaine lancées au cours des dernières années.
En parallèle, plusieurs aménagements secondaires ont été actés pour accompagner la transformation des réseaux de circulation. La réhabilitation de la route côtière RR322 mobilisera 340 MDH, dont 100 millions déjà engagés. Des opérations sont aussi prévues pour fluidifier les accès à Sidi Bernoussi, tandis qu’à Berrechid, l’entrée de la ville sera aménagée pour un coût équivalent.
À El Jadida, le boulevard Khalil Gibran fera, quant à lui, l’objet d’une requalification complète, pensée pour en assurer la traversée continue d’un bout à l’autre de la ville. Le registre environnemental n’est pas en reste. Une deuxième station de traitement des déchets verra le jour à Mediouna, dans le prolongement du dispositif existant. En ce sens, la région a engagé plusieurs leviers pour améliorer la gestion de la ressource en eau.
À Settat, Berrechid, Sidi Bennour et El Jadida, des unités de dessalement d’eau de mer ont déjà été mises en service. L’ensemble représente un investissement de 400 MDH. Ces équipements visent à sécuriser l’approvisionnement dans les territoires les plus exposés. Dans le même registre, un dispositif de réutilisation des eaux usées traitées a été validé. Une station d’épuration dédiée, en phase de finalisation, mobilise 219,5 MDH. Elle permettra d’irriguer les espaces verts et golfs situés dans la zone périurbaine. Sa mise en service est attendue d’ici la fin de l’année.
Communication institutionnelle
Cette stratégie se double d’un effort accru sur le terrain de la communication. Une large campagne, de juillet à mars 2027, vise à mieux faire connaître le rôle de la région dans les politiques publiques.
«Peu de citoyens comprennent que la région est impliquée dans la plupart des chantiers structurants», a reconnu le président. Neuf axes de communication ont été définis, pour un total de 180 messages diffusés à travers différents canaux (presse écrite, radio, plateformes numériques). Un nouveau portail numérique viendra compléter le dispositif.
«Nous allons amplifier cette campagne à l’occasion de la Coupe d’Afrique des Nations, pour toucher un public élargi et mieux ancrer les projets dans le débat public», soutient la présidence du conseil.
Au-delà des grands équipements, plusieurs volets à dimension sociale ont également été examinés. Des conventions ont été adoptées pour la réhabilitation d’écoles en milieu rural, le renforcement des centres de santé ou encore le soutien à l’inclusion des personnes en situation de handicap. Des programmes de formation ciblés sont également prévus, dans les domaines de la transition énergétique, du recyclage, de l’agriculture durable ou de la gestion territoriale. Autant d’initiatives qui s’inscrivent dans une logique d’équité spatiale à l’échelle des 154 communes que compte la région.
Réseau RER, future épine dorsale du Grand Casablanca
Pensé comme un complément au futur tracé de la Ligne à grande vitesse entre Kénitra et Marrakech, qui traversera Casablanca selon un axe nord-sud, le Réseau express régional (RER) marque une nouvelle étape dans l’articulation de la métropole à son arrière-pays.
Doté de trois lignes et d’un budget global de 8 milliards de dirhams, ce nouveau schéma ambitionne de transformer en profondeur la mobilité du quotidien des Casablancais. Ainsi, trois lignes complémentaires viendront mailler le territoire en desservant à la fois les polarités denses et les zones en développement de la métropole.
La plus étendue, la ligne 1, desservira quinze stations entre Benslimane, les pôles universitaires de Mohammedia et Nouaceur, pour un trajet d’environ 1h11. Plus ramassée, la ligne 2 assurera une liaison directe entre Casa-Port et Benslimane, en passant par Ain Sebaâ, Sidi Bernoussi et Zenata par un parcours effectué en 32 minutes. Enfin, la ligne 3 connectera Casa-Port à l’aéroport Mohammed-V, via le sud de la ville et la commune de Bouskoura, pour un trajet estimé à 55 minutes.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO