Maroc

Plastiques et métaux lourds : le maquereau et le saint-pierre marocains contaminés ?

Une étude scientifique maroco-européenne révèle la présence inquiétante de microplastiques et de métaux lourds dans le maquereau et le saint-pierre pêchés au large des côtes atlantiques marocaines. Si les risques sont jugés négligeables pour les adultes, les enfants sont davantage exposés.

Ils sont présents sur toutes les tables, frits, grillés ou cuits au four. Le maquereau et le saint-pierre, deux poissons largement consommés au Maroc, viennent d’être passés au crible par une équipe de chercheurs. Et leurs conclusions soulèvent de sérieuses interrogations.

Dans les estomacs des spécimens analysés, des microplastiques et des métaux lourds ont été détectés à des niveaux significatifs, bien qu’encore sous les seuils réglementaires.

L’étude, à paraître le 1er septembre 2025 dans la revue Science of the total environment, apporte des données inédites sur la pollution marine le long de la côte atlantique nord et centrale du Maroc et sur ses conséquences potentielles pour la santé humaine.

Des poissons familiers, des polluants invisibles
Les chercheurs ont étudié 122 poissons, dont 96 maquereaux (trachurus trachurus) et 26 saint-pierres (zeus faber), prélevés sur le plateau continental marocain. Le résultat est sans appel : «46% ont ingéré des microplastiques», principalement sous forme de fibres.

L’analyse a permis d’identifier trois polymères : le polyamide, le polystyrène et l’acrylique. En ce qui concerne les métaux lourds, les résultats sont tout aussi significatifs. Du mercure, du cadmium et du zinc ont été retrouvés dans près de 97% des poissons analysés.

Autrement dit, presque tous les spécimens portaient des traces de ces substances. Même si les quantités mesurées restent en dessous des limites autorisées, les chercheurs ont pu établir un classement clair selon leur concentration. Le cadmium est le plus présent, suivi du mercure et du zinc, avec des moyennes respectives de 3,24, 2,75 et 2,73 microgrammes par kilo de poids sec.

Des risques différents selon l’âge
Les auteurs ont utilisé plusieurs indicateurs d’évaluation des risques, comme l’indice de danger (HI) et l’apport quotidien estimé (EDI). D’après leurs calculs, «l’EDI est inférieur à l’apport quotidien maximal tolérable pour les adultes et les enfants». Autrement dit, les niveaux de pollution observés ne présentent pas de risque immédiat si la consommation reste modérée. Mais certains scénarios posent problème.

L’étude souligne que «des risques pour la santé peuvent survenir pour les enfants s’ils consomment du trachurus trachurus (maquereau) plus de trois fois par semaine et du Zeus faber (saint-pierre) plus de cinq fois par semaine». Dans ces cas, l’indice de danger dépasse le seuil critique de 1, traduisant un potentiel effet toxique non négligeable.

Pollution diffuse, pollution persistante
L’étude rappelle que «chaque année, 8 à 15 millions de tonnes de plastique atteignent les océans, la plupart par une vingtaine de rivières». Ces microplastiques proviennent des eaux usées, du ruissellement, de la pêche, de l’aquaculture ou des activités offshore. Une fois dans la mer, ils sont susceptibles d’être ingérés par les poissons, soit directement, soit via la chaîne alimentaire.

Ces particules plastiques posent problème non seulement par leur présence physique, mais aussi par leur capacité à transporter d’autres contaminants. «Le rapport surface/volume élevé des MP améliore leur capacité à absorber les polluants présents dans l’eau», y compris les hydrocarbures, les pesticides et les métaux lourds.

Deux espèces, deux habitats, une même alerte
Le maquereau, espèce semi-pélagique, évolue en pleine mer jusqu’à 350 mètres de profondeur. Le saint-pierre, lui, est un prédateur bentho-pélagique, fréquentant les fonds marins jusqu’à 400 mètres. Ces habitats différents permettent de comparer les sources et les dynamiques de pollution.

Les chercheurs ont constaté que les maquereaux étaient plus souvent contaminés par des microplastiques que les saint-pierres. Mais en ce qui concerne les métaux lourds, les deux espèces sont largement touchées, sans grande différence.

Cette pollution généralisée s’expliquerait par plusieurs facteurs, notamment le mode de vie du poisson, son alimentation, sa taille ou encore les courants marins qui influencent la dispersion des polluants. L’étude précise toutefois qu’il n’y a pas de lien direct entre la présence de microplastiques et celle de métaux lourds. Autrement dit, un poisson peut contenir des plastiques sans forcément accumuler plus de métaux, et inversement.

Mieux surveiller, mieux comprendre
L’étude a mobilisé plusieurs indicateurs pour évaluer l’exposition humaine et environnementale : le PHI (indice de danger polymère), le BAF (facteur de bioaccumulation) et le MPI (indice de pollution des métaux). Ces outils permettent de quantifier les risques à la fois pour les écosystèmes marins et pour les consommateurs.

«D’autres recherches sont nécessaires pour explorer les interactions entre les microplastiques et les métaux lourds dans les poissons commerciaux, ainsi que l’influence du type d’habitat, de l’alimentation et de la circulation océanique», insistent les auteurs.

Un littoral sous surveillance

Les poissons analysés dans cette étude ont été pêchés le long de la façade atlantique du Maroc, sur le plateau continental des régions nord et centre du littoral. La collecte des échantillons a eu lieu en mars 2018, à bord du chalutier scientifique Charif Al Idrissi, dans le cadre d’une mission de prospection menée par l’Institut national de recherche halieutique (INRH).

L’opération a couvert une large bande côtière, entre les côtes de Larache au nord et Tantan au sud.

Cette zone est stratégiquement importante, car elle abrite une biodiversité marine riche mais est également soumise à une forte pression anthropique, avec la concentration de nombreuses activités industrielles, portuaires et urbaines. C’est ce contexte qui a motivé les chercheurs à y évaluer la contamination des espèces les plus consommées.

Faiza Rhoul / Les Inspirations ÉCO



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