Institution législative : Les enjeux phares de la rentrée parlementaire
De grandes attentes sont nourries par la session parlementaire automnale qui s’ouvre ce vendredi 13 octobre sous la présidence du souverain. Les enjeux sont de taille aussi bien sur le plan législatif que celui du contrôle. L’institution législative est très attendue sur plusieurs dossiers clés, notamment celui du rehaussement du rendement parlementaire, l’accélération du rythme législatif, la lutte contre l’absentéisme, la retraite des parlementaires…
L’amélioration de l’image écornée du Parlement auprès de l’opinion publique et la promotion du rendement parlementaire constituent une mission qui n’est pas de tout repos au vu des différentes contraintes et du contexte politique actuel marqué par des divergences des points de vue au sein même de la majorité parlementaire. La lutte contre l’absence des députés est l’un des dossiers épineux auquel devra s’attaquer le bureau de la Chambre des représentants pour donner un coup de fouet aux missions parlementaires.
Le président de la Chambre basse Habib El Malki réussira-t-il là où ses prédécesseurs ont échoué en luttant contre l’absentéisme qui mine l’action parlementaire ? En tout cas, la volonté d’appliquer les dispositions du règlement intérieur dès cette session est affichée, mais la résolution de cette problématique ne devra pas uniquement être axée sur le volet administratif. Elle nécessite l’adhésion politique de toutes les parties concernées, à commencer par les présidents des groupes parlementaires et les instances décisionnelles des partis politiques.
Au niveau de la Chambre des conseillers, le phénomène est plus accentué notamment lors de l’examen des textes dans certaines commissions ou l’adoption des projets de loi. À cet égard, l’application de toutes les dispositions du règlement intérieur s’impose. Les mesures ne doivent pas être axées uniquement sur l’aspect pécuniaire à travers les prélèvements sur les rémunérations des absentéistes. La sanction la plus dissuasive et la plus redoutée est celle de la publication de la liste des parlementaires qui s’absentent sans motif valable bien qu’elle soit considérée par les récalcitrants comme une «diffamation». Les prochaines semaines seront décisives pour la concrétisation des engagements d’El Malki. Sur le plan législatif, le projet de budget accapare l’attention des parlementaires pendant plus de la moitié de la session d’automne. On s’attend, comme à l’accoutumée, à des discussions houleuses en commissions autour de ce texte ; le premier élaboré par l’actuel gouvernement. L’opposition espère que, cette fois-ci, le ministre de l’Économie et des finances lâchera du lest pour accepter les propositions d’amendements des différents groupes parlementaires mais l’expérience démontre que l’Exécutif parvient toujours à tirer son épingle du jeu en introduisant peu de modifications à sa mouture initiale grâce au soutien de sa majorité dans la Chambre basse au grand dam de l’opposition.
Parallèlement à l’examen du projet de budget, les parlementaires sont appelés à accélérer la cadence pour faire passer des textes importants dont certains sont en suspens depuis de longs mois dans différentes commissions. On peut citer, entre autres, le projet de loi sur l’officialisation de l’amazigh qui est critiqué par le mouvement amazigh, celui sur le droit d’accès à l’information qui stagne dans la Chambre des conseillers alors que l’Exécutif espère le passer pour gagner le point qui manque au Maroc pour accéder au club des gouvernements ouverts de l’OCDE, le texte sur le Conseil national des droits de l’homme visant le renforcement des prérogatives de cet organisme, qui sera chargé de jouer le rôle de mécanisme national de prévention de la torture. La discussion de ce projet de loi n’a pas encore été entamée au sein de la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme à la première Chambre. L’Exécutif entend faire passer le texte avant la fin de l’année. Un autre projet très attendu par le patronat risque de susciter une vive polémique non seulement au sein du Parlement mais aussi au niveau de l’échiquier syndical : le projet de loi organique réglementant la grève.
D’ailleurs, à cause de la complexité du dossier, le texte n’a même pas encore été programmé à l’examen au sein de la Commission des secteurs sociaux. Les parlementaires relevant des syndicats espèrent l’ajournement de la discussion de ce projet au sein de l’institution législative jusqu’à ce que les partenaires sociaux arrivent à un consensus autour de cette question dans le cadre du dialogue social. Par ailleurs, d’autres textes à caractère social devraient bientôt franchir le cap du Parlement comme celui visant l’élaboration d’un régime de retraite au profit des catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des non-salariés exerçant une activité professionnelle libre, qui a été adoptée par les conseillers en août dernier, juste avant la clôture de la session printanière. Les députés entendent visiblement l’entériner le plus tôt possible. Ils ont, en effet, déjà achevé son examen en commission.
Au niveau de la mission du contrôle, on s’attend à des discussions animées aussi bien en commissions qu’en séances plénières. Les parlementaires de l’opposition entendent visiblement sortir l’artillerie lourde contre le gouvernement qui a déjà un premier bilan contrairement à la session précédente où le contrôle n’était pas érigé en priorité. Ainsi, la mission du gouvernement ne sera pas facile face à l’opposition qui aiguise ses armes. L’Exécutif pourra-t-il compter toujours sur la «neutralité» des parlementaires de l’Istiqlal? Rien n’est moins sûr après le changement de la direction du parti de la balance. D’après un dirigeant du PI, le Conseil national vient d’être renouvelé et il est encore tôt pour s’exprimer sur cette question.
Hayat Boufrachen
Membre du bureau de la Chambre des représentants et députée du PAM
Il faut admettre que la période écoulée était plutôt une entrée un peu forcée compte tenu du contexte de la formation du gouvernement d’El Othmani. À cela s’ajoute le renouvellement des parlementaires : plus de 60% des députés sont à leur première expérience. Il est clair que toutes les cartes vont commencer à être jetées dès cette rentrée, notamment de la part du PI qui va choisir franchement son camp. Et le PJD qui est à la veille d’un important événement de son parcours…Des propositions et des projets de lois clés sont programmés. Ainsi, les séances des questions vont être plus animées».
Rahal Mekkaoui
Président de la Commission des finances à la Chambre des conseillers
Il faut une bonne gestion du temps parlementaire pour atteindre les objectifs escomptés. Le changement de l’horaire de la séance hebdomadaire de la Chambre des conseillers qui sera dorénavant de 12h30 à 14h30 pourrait contribuer à la baisse de l’absence des parlementaires notamment lors de la phase d’adoption des textes, quoique rien ne justifie l’absentéisme…Sur le plan législatif, plusieurs textes importants sont à l’ordre du jour dont le projet de loi de Finances. Au niveau du contrôle, cette mission parlementaire sera beaucoup plus renforcée que lors de la précédente session. Le bilan du gouvernement devra être évalué».
Retraite des parlementaires : l’impasse !
La retraite des parlementaires est parmi les dossiers brûlants sur lesquels devra se pencher l’institution législative pour le clore le plus tôt possible. Ce sujet divise les parlementaires. Alors que certains espèrent un soutien de la part du gouvernement pour pouvoir réformer ce régime en faillite, d’autres estiment nécessaire de le supprimer pour mettre fin à cette polémique. Le parlementaire du PI Rahal Mekkaoui pense que la retraite des parlementaires devra être annulée car il s’agit d’un mandat électif. «Le parlementaire a pour mission de légiférer et de contrôler le gouvernement pour défendre les intérêts des citoyens. Il n’est pas élu pour débattre de sa retraite», précise-t-il. Au sein du PJD, on abonde dans la même veine mais nombreux sont ceux qui ne sont pas de cet avis. Pour le député du parti du tracteur Abdellatif Ouahbi, la suppression de la retraite des parlementaires sera une solution de facilité et il s’avère nécessaire de trouver d’autres issues. Le bureau de la Chambre des représentants a-t-il une marge de manœuvre pour sauver ce régime ? Le gouvernement ne compte pas soutenir le Parlement en la matière, comme l’a souligné le porte-parole de l’Exécutif. Il faut dire que sur le plan politique, la décision du soutien financier du gouvernement au système de retraite des parlementaires s’avère difficile à prendre dans le contexte actuel marqué par des débats houleux sur la réforme de la retraite civile.