Inclusion financière : la technologie, un levier stratégique
Les panélistes ont partagé leurs visions, afin d’analyser la manière dont la technologie, les partenariats stratégiques et une réglementation adaptée sont essentiels pour transformer le paysage financier du pays et atteindre une inclusion économique véritable et durable.
L’inclusion financière au Maroc se transforme rapidement grâce à l’adoption de nouvelles technologies. Les fintechs, les assurances tech et l’utilisation des données modifient en profondeur les modèles d’affaires et les approches des acteurs traditionnels.
Cet article explore comment ces évolutions, portées par des partenariats stratégiques et une réglementation adaptée, façonnent l’avenir de l’inclusion financière dans le pays. Ces perspectives ont été partagées par les experts composant le panel du débat organisé par Les Inspirations ÉCO dans le cadre du Cercle des ÉCO, le 6 juin dernier, réunissant Hakima Alami, Mehdi Benbachir, M’Hamed El Moussaoui, et Xavier Reille.
Révolution des données
Pour Xavier Reille, l’avenir de la finance est passionnant, marqué par une révolution technologique sans précédent.
«L’essor des fintechs et des assurances tech transforme le paysage financier, rendant les dix prochaines années très différentes des précédentes. La data est le moteur de cette transformation. Sans données, il est impossible de développer des solutions adaptées pour des segments spécifiques tels que les jeunes, les femmes, les TPE et les petits exploitants agricoles», explique-t-il.
Pour changer de modèle économique, il faut changer de méthode d’appréhension de la clientèle, en se basant sur des informations telles que les habitudes de paiement des factures d’électricité ou des services téléphoniques.
Cette approche, similaire au profiling, est au cœur de la nouvelle révolution des données. La Banque centrale du Maroc joue un rôle crucial dans cette transformation, en développant l’infrastructure nécessaire comme le bureau de crédit et le registre électronique de sûreté. «La nouvelle loi sur le bureau de crédit permettra de collecter des données non bancaires, facilitant ainsi l’accès au crédit pour de nombreux Marocains». La révolution technologique devrait permettre de faire passer le taux de détention de 44% à 66%, dans les trois prochaines années», espère Xavier Reille. Il souligne également l’importance des fintechs marocaines qui innovent et concurrencent les banques traditionnelles, comme Sowit dans l’agritech, qui collecte des données sur les petits fermiers.
Partenariats et performances
Le Maroc a réalisé des progrès significatifs en matière d’inclusion financière, malgré les nombreux défis. Les enquêtes Findex de la Banque mondiale en attestent, faisant ressortir une progression de 20% entre les deux dernières enquêtes. La collaboration entre la Banque centrale, le ministère des Finances et les autres acteurs est une des clefs de cette réussite.
M’Hamed El Moussaoui estime également que les prochains progrès seront principalement dus à la technologie. «La technologie nous offre des opportunités sans précédent pour inclure financièrement les segments les plus éloignés du système bancaire traditionnel».
Pour réussir, il identifie trois éléments essentiels : la collaboration entre les banques, les établissements de paiement et les associations de microcrédit ; le développement du paiement mobile ; et un cadre réglementaire favorable, notamment l’open banking qui offrira plus de marges de manœuvre aux fintechs.
«Aucun de ces trois acteurs ne peut réussir seul à déployer l’inclusion financière dans le monde rural, qui compte parmi les objectifs prioritaires de la stratégie nationale… Ils doivent travailler ensemble à la création d’écosystèmes idoines», affirme M’Hamed El Moussaoui.
La Banque centrale a identifié dans sa stratégie les zones rurales où il manquait un point d’accès, agence bancaire, établissement de paiement ou AMC, rappelle Hakima Alami. La densité de population de ces zones, par exemple en dessous de 10.000 habitants, peut rendre ineffective l’ouverture d’une agence bancaire. La représentante de BAM souligne l’importance du travail effectué par les banques, comme Al Barid Bank, dont l’effort de création d’agences mobiles a permis de répondre à certaines de ces problématiques.
«Les agences mobiles sont une solution innovante pour apporter des services financiers de base aux populations rurales», précise M’Hamed El Moussaoui.
Le modèle de distribution des établissements de paiement a été également adapté, ainsi que celui des infrastructures télécoms, dont les régulateurs ont été approchés, «afin que demain il n’y ait plus de zone blanche au Maroc».
Agilité et innovation
Hakima Alami met en avant l’importance du développement des compétences, pour le régulateur. La Banque centrale adapte continuellement ses outils de surveillance en se basant sur les meilleures pratiques internationales. Elle travaille de même avec la direction générale des cyber-risques qui constituent un sujet clé pour l’ensemble des acteurs. Cette veille technologique est cruciale pour garantir la stabilité financière et développer des systèmes de paiement résilients.
Mehdi Benbachir souligne l’importance de l’agilité pour les banques. «Nous avons adopté une organisation agile, utilisant des concepts comme les ‘tribes’, ‘squads’ et ‘sprints’. Cette approche collaborative avec les fintechs et autres établissements permet d’accélérer les projets et de mieux répondre aux besoins des clients».
La différenciation des canaux et des segments est essentielle pour atteindre l’objectif d’inclusion économique. «Pour une inclusion réussie, nous devons adapter nos services et nos produits aux spécificités de chaque segment de clientèle», ajoute-t-il.
En conclusion, l’avenir de l’inclusion financière au Maroc est étroitement lié à l’innovation technologique et à la collaboration entre différents acteurs. Pour comprendre pleinement les besoins des clients et offrir des solutions adaptées, une approche holistique intégrant les fintechs et les nouvelles technologies est nécessaire. L’objectif ultime reste l’inclusion économique, qui ne peut être atteinte sans une compréhension complète et une réponse adéquate aux besoins diversifiés des clients.
Murtada Calamy / Les Inspirations ÉCO