Maroc

«Il faut un partenariat pragmatique entre l’UE et l’Afrique»

Dacian  Cioloș, Ancien Premier ministre de la Roumanie et ex-commissaire européen à l’Agriculture

Pour l’ancien Premier ministre de la Roumanie et ex-commissaire européen à l’Agriculture, l’UE et l’Afrique doivent être plus pragmatiques dans leur partenariat. Dacian Cioloș appelle à renforcer l’Union africaine en lui donnant plus de prérogatives pour négocier au nom des États africains.

Les Inspirations ÉCO : Pensez-vous que le partenariat UE-Afrique doit évoluer?
Dacian Cioloș : Je ne défends pas la position de l’Union européenne, mais je suis pour un partenariat pragmatique entre l’UE et l’Afrique. J’ai été commissaire à l’Agriculture de l’UE, et j’ai assisté à beaucoup de discussions qui ne débouchaient que sur peu de faits concrets. Un partenariat pragmatique entre l’Afrique et l’Europe revient à assumer les responsabilités d’un côté comme de l’autre. Nous avons de nombreux instruments pour mettre en œuvre ce partenariat, mais qui ne sont pas utilisés de manière convergente. Je pense qu’il est temps, du côté de l’UE comme de l’UA, d’aborder avec pragmatisme et cohérence ces différents types d’instruments. L’UE est le principal bailleur de fonds de l’Afrique, dans le cadre des programmes de coopération. Mais on n’en voit pas suffisamment les effets.

Les accords de partenariats commerciaux (APE) entre l’UE et l’Afrique sont très critiqués. Sont-ils bénéfiques pour l’Afrique, selon vous?
Les accords commerciaux sont souvent critiqués en Afrique mais aussi dans l’UE. À mon avis, il faut voir ces partenariats commerciaux dans une perspective de développement. Non pas pour faire de l’Afrique un marché pour les produits européens et faire fuir les compétences africaines vers l’UE, mais plutôt faire en sorte que ces partenariats aillent de pair avec le renforcement de l’Administration publique, la mise en place de vraies politiques publiques dans les États africains, et l’efficacité dans le développement économique. Ce dernier point se traduit notamment par la lutte contre la corruption, le renforcement de la justice et tous les autres instruments qui attirent les investissements étrangers.

Concrètement, que proposez-vous pour de meilleurs APE?
Les APE doivent être négociés en prenant en compte le développement des pays africains, notamment en termes de formation et d’industrialisation. Une politique commerciale ne doit pas être faite de manière à ce que l’Europe envahisse l’Afrique. Une politique commerciale doit être un instrument de développement des pays africains, de protection des secteurs vitaux et fragiles dans économies africaines. De plus, l’Afrique doit être en mesure d’exporter des produits qui apportent de la valeur ajoutée à son économie.

L’efficacité des financements européens en Afrique est également remise en question. Comment solutionner ce problème?
Il est clair pour tout le monde, aussi bien en Afrique que pour l’UE, que si nous parlons de développement économique, cela ne se limite pas uniquement à des discussions entre gouvernements. Nous devons intégrer le secteur privé et faire un suivi des financements. La faiblesse de l’Europe dans ses relations avec l’Afrique est qu’elle injecte beaucoup d’argent, mais a une faible capacité d’assistance technique. Il en est d’ailleurs de même pour l’Afrique qui ne dispose pas de cette aptitude technique dans la gestion des fonds.

Vous estimez que l’UA n’a pas toujours les coudées franches dans ses négociations avec l’UE. Pourquoi?
Nous discutons souvent de sujets sur lesquels l’Union africaine n’a pas de responsabilités clairement définies. Il y en a d’autres sur lesquels elle a des responsabilités. Mais sur tous les aspects liés à la politique commerciale, à la réforme des États, et sur bien d’autres sujets comme le secteur agricole et les investissements, nous négocions certes avec l’UA, mais le pouvoir de décision résidait plutôt au niveau sous-régional, voire des États. À mon avis, au-delà de ce type de réunions, il faut voir si on ne trouve pas d’autre instance au niveau africain, afin de donner des responsabilités plus claires à l’UA. Ainsi, si des décisions sont prises, nous aurons l’assurance qu’elles seront bien exécutées. Sinon, on ne fera que reporter tout le temps.

En tant qu’ancien commissaire européen à l’Agriculture, quel regard portez-vous sur le secteur agricole africain?
Sur la question du foncier, l’Afrique a une richesse établie, mais s’il n’y a pas une politique claire de la gestion de ce foncier, le continent risque de louer ces terres qui seront alors surexploitées, et au bout d’une décennie, ces terres deviendront pauvres et sans valeur. Il faut donc une politique claire afin d’empêcher que la fertilité de ces terres ne soit détruite. Ensuite, la politique foncière doit être liée aux bénéfices des populations locales. Même si on loue des terres, il faut une approche claire qui puisse garantir les retombées des populations locales. Concernant les investissements pour la mécanisation de l’agriculture africaine, je dirai juste que la valeur ajoutée ne provient pas de la production de matières premières, mais plutôt de la commercialisation. Est-ce que l’on produit pour l’auto-consommation? Pour les marchés locaux ou pour l’export? Si une réponse claire est apportée, on verra alors quelle approche d’investissement adopter.  



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