Formation : dans la guerre de l’IA, le Maroc aligne 11.000 ingénieurs

La capacité à former des ingénieurs capables de s’adapter à la complexité et à la vitesse de l’évolution technologique est le nerf de la guerre dans la compétition mondiale de l’IA. Pour le Maroc, on ajoutera aussi la capacité à retenir sur place ses ingénieurs qui sortent de grandes écoles et des facultés. La vitrine marketing des établissements de formations se transforme à grande vitesse.
Dans la compétition mondiale sur la maîtrise de l’intelligence artificielle et de ses applications à l’économie, le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent mais la capacité à former des ingénieurs à la complexité, capables de s’adapter au rythme effrayant des évolutions technologiques.
Le Maroc forme chaque année près de 11.000 ingénieurs, qui sortent de ses grandes écoles historiques, de facultés des sciences et techniques, et des écoles nationales des arts et métiers. Avec 1,5 million d’ingénieurs par an, la Chine est l’incontestable champion du monde.
La France, dont les écoles d’ingénieurs accueillent un important contingent d’élèves marocains, forme 40.000 ingénieurs contre 100.000 pour les Etats-Unis. Le Maroc se distingue par ailleurs avec 42% de femmes parmi les 24.000 diplômés ingénieurs et techniciens du pays, ce qui le place en tête de la liste pour l’égalité des sexes dans le domaine de l’ingénierie, selon une étude de l’Unesco. À titre d’exemple, si en France CentraleSupélec n’accueille que 19% de jeunes femmes, l’Ecole centrale de Casablanca en compte 36%.
Ces résultats sont issus d’une politique résolument pro-industrielle donnant des moyens importants aux formations d’ingénieurs et les valorisant auprès des plus jeunes, hommes et femmes indistinctement. Tous les domaines qui gravitent autour de l’informatique, de l’intelligence artificielle, de la cybersécurité, et tout ce qui touche aux data science, redessinent la vitrine marketing des établissements de formation, confie le responsable pédagogique d’une grande école d’ingénieurs à Rabat. Tous ont procédé à un rafraîchissement de leur offre pour coller au plus près à la révolution de l’intelligence artificielle (IA), avec l’avantage à ceux qui font preuve d’agilité.
Les techniques de pointe de l’IA et de la data science touchent tous les domaines, de la santé à la sécurité en passant par l’éducation. Aujourd’hui l’IA et la data science sont considérées comme une ressource stratégique non seulement par les opérateurs économiques, mais aussi les pouvoirs publics.
Toutes les écoles et les facultés qui forment les ingénieurs le mettent en avant dans leur offre. Reste un sujet tabou chez tout le monde, notamment l’obsolescence qui frappe une partie des profs qui ne sont pas recyclés, et qui risquent d’être emportés par la vague IA.
Chez la discrète Ensias, une des écoles les plus réputées du marché, les six filières-maison ont été revues de fond en comble avec une visibilité particulière au cloud, à la cybersécurité, à l’intelligence artificielle, à la data et au software sciences. Par ailleurs, la filière SSI a cédé place à la filière CyberSecurity, Cloud and Mobile Computing.
Pour la direction, «cette transformation est motivée essentiellement par l’ajout d’une option sur le Cloud and Mobile Computing, une spécialité très prisée par le marché surtout dans le cadre de la stratégie nationale vers un Cloud souverain».
Chez les «historiques» tels que l’EMI, l’École Hassania, l’ENSEM comme chez les «nouveaux» acteurs, on retrouve une réforme transversale : le module d’intelligence artificielle est obligatoire dans le cursus ainsi que l’anglais (qu’il faut justifier par une certification).
La langue de Shakespeare étant la langue de la science et de la technologie, tout ingénieur doit désormais disposer de compétences minimales dans cette langue. Les publications scientifiques et techniques sont en effet majoritairement en anglais.
De même, les congrès et les symposiums internationaux sont généralement tenus dans la langue de Shakespeare. Les chercheurs et les professionnels du monde entier utilisent l’anglais pour communiquer les résultats de leurs recherches.
Ce que demandent les entreprises
Confrontées à une concurrence de recruteurs internationaux, les entreprises marocaines font aujourd’hui peu de distinction de traitement entre un diplômé d’une école d’ingénieurs et un autre de l’université. Les deux types de formation sont, pour le monde économique, plutôt complémentaires.
Les diplômés de l’université sont plus spécialisés et ont acquis durant leurs études de réelles capacités de recherches, tandis que les ingénieurs sont plus généralistes et disposent d’une grande capacité à mettre en pratique leurs savoirs. Cette différence des profils de diplômés est précisément ce qui est recherché par les entreprises.
Ingénieur, technicien : Comment ces labels se déclinent ailleurs
Dans de nombreux pays anglo-saxons, si le terme de «technicien» est globalement utilisé, la sémantique tend à se rapprocher des formations d’ingénieur : En Allemagne, les «Techniker» sont formés en trois ans au sein d’une université technique sous la forme d’un apprentissage.
Ce système jouit d’une très bonne image dans le pays et est valorisé sur le marché du travail. Aux États-Unis, les «Professional Engineers» sont formés à l’université au sein de cursus durant quatre années et les «Engineering Technicians» détiennent généralement un «associate degree», acquis en deux ans. Si la distinction entre ingénieurs et techniciens existe, les appellations sont proches et valorisantes.
Au Royaume-Uni, l’ensemble des titres est encadré et protégé par l’Engineering Council, l’instance de régulation des métiers de l’ingénieur. Cette instance distingue quatre types de profils, répondant chacun à des formations et qualifications différentes. Ainsi le statut de «chartered engineer» requiert un diplôme de niveau master au minimum, tandis que celui d’incorporated engineers exige une licence.
Le rang d’information & communications technology technician (ICT Tech) nécessite le plus souvent d’avoir suivi des études, dans le domaine des TIC, en software ou hardware. Enfin, le titre d’engineering technician (EngTech) exige le plus souvent un apprentissage.
Abashi Shamamba / Les Inspirations ÉCO