Finance digitale : Le Maroc inspire l’Afrique subsaharienne
Pour la deuxième année consécutive, l’Africa Banking Forum, organisé par i-conférences, s’est délocalisé à Dakar. Une initiative traduisant la volonté du royaume chérifien de partager son expérience en matière bancaire.
La finance digitale est devenue une réalité en Afrique avec l’usage accru des nouveaux moyens de paiement (e-banking, mobile money, walletts). Les banques elles-mêmes multiplient les initiatives, soit en «in housing» (développement interne), soit dans le cadre de partenariats ou de mutualisations. «Ce processus d’ubérisation était jusque-là connu dans le monde occidental, mais comme dans certains domaines de haute technologie (comme la monétique), l’Afrique est en train d’avancer beaucoup plus vite que certaines économies développées», observe Jean-Pierre Carpentier, dg de la Brigde Bank Côte d’Ivoire. En plus de l’Afrique de l’Est, notamment le Kenya, véritable laboratoire d’innovations financières, Jean-Pierre Carpentier cite le Maroc comme étant un pays «très avancé» en matière de finance digitale. Blaise Ahouantchédé, directeur général du groupement interbancaire monétique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (GIM-UEMO) est aussi d’avis que le Maroc a beaucoup à apprendre aux autres pays africains. «C’est pourquoi, en tant que membre du comité scientifique de l’Africa Banking Forum, j’avais insisté pour qu’on délocalise la rencontre, de temps en temps, du Maroc vers d’autres pays du continent pour les faire bénéficier de l’expertise marocaine en matière financière», explique-t-il.
Chantiers électroniques
Selon Henry Aussavy, membre d’i-conférences, l’enjeu aujourd’hui, c’est de «s’inspirer du modèle bancaire traditionnel pour réinventer, grâce aux TIC, un nouveau modèle pour l’Afrique». En effet, la révolution digitale offre à l’Afrique l’opportunité de faire un «saut générationnel». Toutefois, d’après certains experts, la règlementation du secteur n’avançe pas au même rythme que la technologie. Ainsi l’Afrique accuse du retard sur des chantiers prioritaires comme la signature électronique, la banque virtuelle, la crypto-monnaie, etc. Cette année, les organisateurs ont aussi voulu mettre le focus sur les synergies à développer entre les banques et les organismes de microfinance, dans le but d’accélérer les efforts de l’inclusion financière et de la croissance économique en Afrique.
La Déclaration de Dakar
Des discussions et échanges qui ont animé la 9e édition de l’Africa Banking Forum (15-16 mai), sont ressortis un certain nombre de conclusions et recommandations visant à renforcer la collaboration et l’échange d’expériences pour améliorer la gouvernance bancaire et renforcer l’implication des banques dans le financement des économies. Dans cette «Déclaration de Dakar», les 300 participants en provenance de 25 pays appellent l’ensemble des acteurs (gouvernements, banques centrales, banques commerciales) à faciliter la mise en place d’instruments et de moyens pour une meilleure intégration bancaire régionale. Ils ont aussi plaidé pour une législation qui, tout en s’inspirant des normes internationales de protection des épargnants, tiendrait compte des réalités économiques et sociales des pays africains en favorisant le financement du développement et l’inclusion financière. À cet effet, les professionnels du secteur préconisent la création d’un groupe de réflexions à l’initiative des banques centrales, qui réunirait lesdites banques pour assurer la gouvernance numérique, mieux encadrer la concurrence virtuelle dans le domaine de la banque et émanant des innovations technologiques.
Younes Masloumi
BMCE Bank of Africa et vice-président du Club des dirigeants de banques africaines
Les Inspirations ÉCO : Comment appréhendez-vous la sécurité des données à l’heure de la banque digitale ?
Younes Masloumi : Le problème de la sécurité ne concerne pas uniquement les banques. C’est devenu un problème mondial. Nous avons tous suivi, il y a quelques jours, la gigantesque cyberattaque mondiale (…) Il est clair que les banques, compte tenu de la sensibilité des informations dont elles disposent, ont toujours eu le souci de protéger les clients en développant les meilleurs systèmes de sécurité pour que les clients se sentent en sécurité au moment de déposer leurs avoirs dans les banques.
Quelles sont les leçons que le Maroc peut partager avec le reste de l’Afrique dans ce domaine ?
Le Maroc est réputé pour son système bancaire. Avec la forte présence des groupes marocains en Afrique de l’Ouest, Centrale et de plus en plus en Afrique de l’Est, nous sommes disposés à partager notre expérience avec tous ces pays.
Comment voyez-vous l’arrivée de nouveaux acteurs comme les opérateurs de télécommunications dans la finance ?
Ces nouveaux acteurs vont jouer un rôle très important dans le monde de la finance. D’ailleurs, ils ont poussé les banques à repenser leur business model dans la mesure où, depuis une dizaine d’années, il y a une sorte d’imbrication entre le monde physique et celui virtuel. Donc, les banques sont obligées de composer, de développer des partenariats avec ces sociétés qui développent des solutions digitales pour essayer de trouver le meilleur moyen de combler un faible taux de bancarisation.