Fès-Meknès : une sombre saison de trituration en perspective
Entre hausse spectaculaire des prix et effondrement de la production d’olives, la filière huile d’olive vit une année noire dans la région de Fès-Meknès, centre névralgique de l’oléiculture du Royaume.
La culture de l’olivier représente l’un des piliers de l’agriculture dans la région de Fès-Meknès, qui concentre 40% des oliveraies du Maroc. Autant dire que la filière oléicole, des champs jusqu’à l’huile sur les tables, est vitale pour des milliers de familles. Cette année, pourtant, tous les voyants sont au rouge. Des professionnels que nous avons rencontrés s’inquiètent notamment du fait qu’en quelques jours, le prix payé aux agriculteurs pour leurs olives ait littéralement explosé, grimpant de 10 à plus de 16 DH le kilogramme (+60%). «À ce prix-là, difficile de tirer notre épingle du jeu», déplore le propriétaire d’un moulin à la commune d’Azzaba. Et ce, malgré un bon rendement en huile de 19 litres par quintal d’olives, contre 14 à 16 auparavant. En effet, dans le même temps, le coût du litre a flambé pour atteindre 87 DH à sa sortie de l’unité de trituration. De quoi faire grimacer les consommateurs… et menacer directement la filière si cela perdure. Le prix du litre atteint facilement 90 DH à Fès ou Meknès. Il dépasse les 100DH dans des villes comme Rabat ou Casablanca.
Une sous-activité qui dépasse 60%
La raréfaction de la matière première, l’olive, affecte lourdement le fonctionnement des unités de trituration de Fès-Meknès. Lors de notre visite, nous avons constaté un fort ralentissement de l’activité de transformation, la plupart des huileries tournant au ralenti faute d’un approvisionnement suffisant. «Nos cadences de production ont été divisées par deux, voire plus dans certains zones, avec près de 60% de sous-activité», déplore Zahouani, le propriétaire d’une huilerie de trituration à Aïn Bida (commune rurale relevant de la préfecture de Fès). Bien que moins rentables en termes de volumes produits, les systèmes de trituration traditionnels ont toujours la faveur des ménages de la région. D’ailleurs, des agriculteurs et des consommateurs locaux le confirment.
Malgré un différentiel de productivité de près de 2 litres à l’avantage des unités modernes en 2 ou 3 phases (continues), le choix du moulin ancestral prédomine pour les petites productions familiales. Et pour cause, le processus lent et discontinu, tout comme le broyage des olives à la meule de pierre, préserveraient mieux les propriétés du goût et des arômes de «l’or vert» de Fès-Meknès. Un gage de qualité qui vaut bien quelques litres en moins, d’autant plus que les modes traditionnels limitent aussi l’utilisation de l’eau chaude dans le cycle de trituration.
Incertitude
Selon la plupart des agriculteurs, le pire est à craindre, car la région risque tout simplement de manquer d’olives à triturer. Dans certaines communes dans la province de Sefrou, la sécheresse et des parasites ont fait des ravages. Résultat : la production a plongé de 70% par rapport à une année normale dans les oliveraies non irriguées, après un premier effondrement de 80% lors de la précédente campagne. Face à de maigres récoltes, plusieurs agriculteurs ont jeté l’éponge, incapables d’assumer les coûts de cueillette. «On ne produira même pas assez pour payer les journaliers», lâche un exploitant affligé devant ses oliviers chétifs dans la commune de Tazouta. Seuls les domaines équipés de systèmes d’irrigation s’en sortent, avec des baisses de près de 50%. Cette année désastreuse souligne la vulnérabilité de la filière oléicole régionale aux aléas climatiques. Et sans doute l’urgence d’accélérer sa modernisation technologique et écologique, pour la rendre plus résiliente.
Mehdi Idrissi / Les Inspirations ÉCO