Maroc

Évolution de la fécondité : bilan et perspectives

La mue démographique du Royaume ces dernières décennies ne manque pas de panache. Parti d’une époque où la fécondité battait son plein, le pays a graduellement glissé vers une nouvelle ère, où le nombre d’enfants par femme a considérablement régressé.

La mutation sociale a remis les pendules à l’heure. Grâce à une éducation de plus en plus accessible, des unions retardées et une émancipation féminine croissante, le taux de fécondité s’est finalement stabilisé au fil du temps. C’est ce qui ressort d’un récent rapport sur la fécondité au Maroc, du Policy Center for the new South.

Petit cours d’histoire
Il y a un peu plus d’un demi-siècle, le Maroc se trouvait dans une ère où la notion de fécondité élevée était profondément enracinée dans les normes sociales et culturelles. À cette époque, les femmes, pour la plupart analphabètes, étaient confrontées à un taux alarmant d’analphabétisme, parmi les plus élevés au monde. Les statistiques révélaient que 96% d’entre elles étaient incapables de lire ou d’écrire, avec des disparités marquées entre les milieux urbains et ruraux, où respectivement 88% et 99% des femmes étaient touchées par cette situation.

Dans ce contexte, le rôle traditionnel de la femme se limitait principalement à la reproduction et à l’éducation des enfants, avec le mariage des adolescentes largement répandu. Le comportement des jeunes couples ne favorisait guère la limitation de la descendance, et l’utilisation de moyens contraceptifs modernes restait marginale, ne dépassant pas 8% de la population féminine. Ainsi, l’indice synthétique de fécondité oscillait autour de 7 enfants par femme, un chiffre qui reflétait un fort penchant procréateur au sein de la société marocaine.

Cependant, le rapport souligne qu’à partir des années 1970-1980, le pays a commencé à observer les prémices d’une évolution démographique majeure. Cette période marque le début de la deuxième phase de transition démographique, caractérisée par une baisse progressive de la mortalité, suivie de près par une diminution de la fécondité. Les changements économiques, sociaux et culturels ont incité les femmes marocaines à reconsidérer leur comportement procréateur, entraînant une diminution significative du nombre d’enfants par femme. Les résultats des enquêtes démographiques menées entre 2009 et 2010 ont révélé une baisse notable de la fécondité, avec une moyenne nationale de 2,2 enfants par femme, approchant ainsi le seuil de remplacement des générations fixé à 2,1 enfants par femme. Cette tendance est particulièrement marquée dans les zones urbaines, où le taux de fécondité est descendu à 1,8 enfant par femme.

Par ailleurs, l’écart entre le milieu rural et le milieu urbain se réduit au fil des années. Le nombre moyen d’enfants par femme en milieu rural était initialement de l’ordre de 2,7, mais il a progressivement diminué pour atteindre 2,5 enfants par femme en 2014, s’alignant ainsi sur le niveau observé en milieu urbain. Les efforts des pouvoirs publics en faveur de la maîtrise de la variable démographique ont été constants, avec des plans de développement économique et social s’étalant sur plusieurs décennies.

Ces plans ont régulièrement souligné les conséquences négatives d’une croissance démographique élevée sur les différentes variables socio-économiques. Des mesures ont été adoptées pour permettre aux femmes de réguler leur descendance, notamment à travers des programmes de planification familiale instaurés dès les années 1960. Ces initiatives ont été renforcées par des actions en matière de santé maternelle et infantile vers la fin des années 1980, ainsi que par l’adhésion du Maroc au programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) en 1994, plaçant la question de la reproduction au cœur des priorités nationales.

Au cours de la période 1960-2010, l’âge moyen au premier mariage a augmenté de manière significative, passant de 17,5 ans à près de 26,6 ans pour les femmes et de 24,4 ans à 31,4 ans pour les hommes. Cette tendance a été un facteur déterminant dans la réduction de la fécondité, selon les experts, expliquant près des deux tiers de la baisse observée durant les années 1970 et 1980.

En outre, le recours à la contraception s’est intensifié, avec un taux de prévalence contraceptive dépassant les 70% dans les deux milieux en 2018. Ces différents éléments ont créé un environnement propice à la réduction de la fécondité au cours de la période 1960-2010, s’inscrivant ainsi dans le schéma classique de transition démographique.

Légère reprise de fécondité en 2010
Depuis 2010, une légère reprise de la fécondité chez les Marocaines semble se dessiner, marquée par une augmentation modeste du nombre moyen d’enfants par femme. Les données recueillies lors de différentes enquêtes révèlent cette tendance, passant de 2,2 enfants par femme en 2009 à 2,4 en 2018 selon le ministère de la Santé, puis revenant à 2,3 en 2019 d’après l’enquête panel des ménages menée par l’Observatoire national du développement humain.

Cette hausse semble être plus notable dans les zones urbaines, où la fécondité des femmes avait précédemment atteint un niveau inférieur au seuil de remplacement des générations lors du recensement de 2004, pour ensuite augmenter lors du recensement de 2014, comme le confirment les enquêtes ultérieures. Malgré une utilisation généralisée des moyens contraceptifs, autour de 70% à l’échelle nationale, l’âge au premier mariage émerge comme un facteur déterminant influençant le comportement procréateur des couples en faveur d’une augmentation de la fécondité.

Cette tendance semble indiquer une sortie du schéma classique de baisse de la fécondité observée de manière constante entre 1960 et 2010. Les projections démographiques pour la période 2014-2050, élaborées sur la base des données du recensement de 2014, prévoyaient une continuation de la baisse de la fécondité, bien que les premiers signes du taux de remplacement des générations aient été détectés dès 2004. En parallèle, l’accès croissant des filles à l’éducation constitue une évolution majeure.

Cependant, malgré ces progrès, l’accès des femmes au marché du travail reste limité, avec des opportunités moins nombreuses que pour les hommes. Les difficultés d’intégration professionnelle et les disparités d’emploi entre hommes et femmes persistent, selon les données du Haut-commissariat au plan depuis 2010.

Kenza Aziouzi / Les Inspirations ÉCO


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