Maroc

Espagne. Les Marocains victimes de racisme ?

La publication d’une vidéo montrant les derniers moments du jeune Marocain Ilyas Tahiri a relancé le débat autour du racisme subi par la communauté marocaine établie en Espagne. Mythe ou réalité ? Le point avec le sociologue Rachid Queraoui.

En plein débat sur le racisme envers la communauté noire aux États-Unis, voilà que l’Espagne se remémore qu’elle n’est pas étrangère aux pratiques dénoncées outre-Atlantique. La vidéo publiée par El Pais montrant les treize dernières minutes de la vie d’Ilyas Tahiri, jeune homme interné dans un centre pour mineurs manifestant des comportements violents et ayant trouvé la mort en 2019, a ravivé au sein de la communauté marocaine les vieux démons d’un racisme censé être révolu.

Pour Rachid Queraoui, professeur de sociologie à l’Université d’Estrémadure, il est prématuré de tirer des conclusions en visionnant la séquence fournie par la vidéo rendue publique. “Nous ne connaissons pas l’identité ni les origines des agents de sécurité. La plupart des agents qui s’affairent dans les centres pour mineurs sont des travailleurs marocains recrutés sur la base d’un seul critère: la corpulence physique”, atteste le sociologue selon des données recueillies auprès de ces établissements d’accueil des jeunes. Le sociologue marocain reconnaît toutefois que les incidents discriminatoires à l’encontre de la communauté marocaine sont avérés, voire condamnés. En effet, l’actualité espagnole est ponctuée d’incidents aux relents racistes avec, parfois, une fin malheureuse pour les Marocains. Le drame le plus retentissant a été cet acte criminel et xénophobe perpétré par un agent de la Guardia Civil, qui a abattu de sang-froid un citoyen marocain à l’issue d’un accident de voiture. L’agent, qui n’était pas de service, a non seulement déchargé son arme de service sur la victime mais lui a asséné des coups alors qu’elle était à terre et blessée. Condamné à 16 ans de prison, le coupable a vu sa peine revue à la baisse par le tribunal suprême qui l’a ramenée à 14 ans. Or, pour justifier d’une certaine manière cette animosité envers les migrants d’origine maghrébine, certains milieux, dont le porte-voix est le parti Vox, ne cessent de répéter que les Marocains sont des délinquants. Seulement, les chiffres démentent ces affirmations. Les dernières données sur cette question révèlent que la délinquance est l’apanage des Espagnols: les chiffres officiels indiquent que 77% des délits sont commis par des Espagnols, suivi par les citoyens de l’Union européenne avec 7,7%, les citoyens d’Amérique du Sud avec 6,6 % et, en dernier lieu, les Africains.

Cependant, 53% des Espagnols croient dur comme fer que les migrants contribuent à la montée de la criminalité. «Cela s’explique par le fait que les projecteurs soient davantage braqués sur les agresseurs d’origine étrangère”, souligne le sociologue marocain.

De plus, la communauté marocaine, plus important contingent étranger établi sur le sol espagnol, est dans le viseur des cercles de droite, y compris des radicaux. Le moindre fait et geste est passé à la loupe et «perverti» par des déclarations tendancieuses. “Dans l’imaginaire espagnol, il existe des antécédents historiques et anthropologiques qui nourrissent cette méfiance à l’égard du Marocain. Le parcours historique du voisinage et la récente immigration ont consolidé cette image dénaturée chez l’Espagnol lambda. En quelque sorte, nous sommes l’origine détestée pour des motifs qui échappent à une explication rationnelle”, ajoute le chercheur. Celui-ci rappelle les résultats de ce sondage effectué auprès des Espagnols sur la possibilité d’un mariage mixte entre un Espagnol et une personne d’origine marocaine ou africaine et dont les résultats démontrent que 90% des sondés rejettent cette hypothèse. “Je ne taxe pas la société espagnole de raciste, mais il y a des pans assez larges de la société espagnole qui manifestent de la haine à notre adresse. En tant que Marocains, nous sommes confrontés à cela dans les administrations et lieux publics”, raconte-t-il en évoquant sa propre expérience.

Concernant la délinquance des jeunes Marocains, relayée par les réseaux sociaux et amplifiée par les médias, le sociologue estime qu’il s’agit d’une question d’ordre public qui doit être débattue dans un cadre purement légal, loin de la vindicte populaire. Par ailleurs, le sociologue jette la pierre aux médias espagnols, qui cherchent le buzz en mettant en avant les origines des présumés agresseurs. “Le citoyen moyen espagnol est peu cultivé, il absorbe tout et n’a pas la capacité de déchiffrer les faits. D’où cette tendance à faire confiance aux discours d’extrême droite qui font appel aux émotions”, affirme-t-il. En revanche, Queraoui regrette que peu d’efforts soient consentis pour mettre en avant les bénéfices de l’immigration sur la société espagnole et son apport à l’économie du pays. “II n’y a qu’à regarder ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire, durant laquelle le gouvernement a fait appel à la main-d’œuvre étrangère pour sauver son économie et garantir l’approvisionnement, pour comprendre l’importance de cette présence tant dénigrée mais si vitale au pays”, conclut le chercheur.



Dépenses fiscales : l’impossible compression !


Recevez les actualités économiques récentes sur votre WhatsApp Suivez les dernières actualités de LESECO.ma sur Google Actualités

Rejoignez LesEco.ma et recevez nos newsletters




Bouton retour en haut de la page