Conjoncture : le pouvoir d’achat toujours sous pression

L’indice des prix à la consommation a progressé de 1,1% sur les huit premiers mois de 2025, malgré une maîtrise des taux annuels par rapport à 2022-2023. Toutefois, les prix qui se sont stabilisés en fonction des fluctuations conjoncturelles restent élevés face au pouvoir d’achat, générant un sentiment négatif persistant chez les consommateurs. L’économiste Mohamed Jadri appelle à une forte croissance (de 4 à 7%) pour créer de la richesse et améliorer le pouvoir d’achat des Marocains.
Entre l’inflation mesurée et l’inflation perçue ou vécue par les ménages et consommateurs, la perception reste négative quant à l’évolution du cours de la vie. Dans l’ensemble, l’indice des prix à la consommation (IPC), qui porte sur un panier fixe contenant 546 articles et 1.391 variétés, a affiché une hausse globale de 1,1% sur les huit premiers mois de l’année en cours par rapport à la même période en 2024.
Cette évolution est principalement alimentée par la hausse des prix des produits alimentaires (+1,7%), contrastant avec une progression plus modérée de 0,6% pour les produits non alimentaires. À noter que cette pondération des biens et services du panier ne correspond pas aux habitudes individuelles de chaque consommateur. Ces dernières ont été exposées à des changements de modes de consommation. Le constat est le même pour le ressenti des ménages en fonction de leur pouvoir d’achat, de la fourchette de leur salaire et revenu ainsi que de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent.
«Aujourd’hui, il faut que l’économie marocaine génère des taux de croissance de 4 à 7% dans les années à venir, pour la création de richesse et pour améliorer le pouvoir d’achat des Marocains en vue de contrecarrer ces prix qui sont aujourd’hui en dehors de la volonté d’une grande partie de la société marocaine, surtout les familles défavorisées et la classe moyenne», explique l’économiste Mohamed Jadri.
Dans le détail, les boissons alcoolisées et tabac se distinguent par une hausse significative de 3,3%, tandis que les restaurants et hôtels et l’enseignement ont enregistré des augmentations notables de 3,7% et 2,3% respectivement, signalant des pressions inflationnistes importantes dans ces secteurs. À l’inverse, le secteur du transport a connu une baisse de 3%, accompagné de légères diminutions pour la communication (-0,1%) et les loisirs et culture (-0,5%).
Les prix toujours élevés par rapport au pouvoir d’achat
«Bien que la vague inflationniste de 2022-2023 est derrière nous, puisqu’on parle d’un taux d’inflation de plus de 1% en glissement annuel, en dehors des taux de 6,7% en 2022 et 7,1% de 2023, les prix, qui se sont stabilisés, restent toujours élevés par rapport au pouvoir d’achat avec la précarité qui caractérise une grande partie de la population», ajoute Jadri.
Sur le plan régional, les disparités sont marquées, avec des villes comme Fès et Guelmim, affichant les hausses les plus élevées sur huit mois (2% chacune), tandis que Safi a maintenu une stabilité et Marrakech a enregistré une augmentation contenue de 0,5%. Cette période cumulée met en lumière une persistance des tensions sur les prix alimentaires, un moteur traditionnel de l’inflation.
Pour sa part, le mois d’août a été caractérisé par une nouvelle progression de l’IPC global de 0,5% par rapport au mois de juillet précédent, une hausse quasiment tirée par les produits alimentaires (+1,1%), l’indice des produits non alimentaires n’augmentant que de 0,1%.
«L’économie marocaine évolue dans un contexte d’incertitude où elle peut subitement être touchée par cette situation où le prix des matières premières et du baril au niveau international demeurent stables entre 60 et 70 dollars alors que la phase inflationniste est maitrisée pour l’économie marocaine. Cette poussée des prix alimentaires s’est manifestée de manière généralisée, touchant principalement les légumes (+3,4%), les fruits (+2,8%), les poissons & fruits de mer (+2,0%) et les viandes (+1,9%). Des produits de consommation courante comme le café, thé et cacao (+0,5%) ainsi que le lait, le fromage et les œufs (+0,4%) ont également contribué à cette tendance haussière.
Les pressions inflationnistes structurelles persistent à un rythme modéré
Cependant, quelques catégories alimentaires ont connu un allègement, notamment les huiles et graisses (-0,6%) et les eaux minérales, boissons rafraichissantes, jus de fruits et de légumes (-0,4%). Du côté non alimentaire, l’unique moteur notable de cette faible progression a été l’augmentation des prix des carburants de 0,4%, tandis que les meubles, articles de ménages et entretien courant du foyer ont légèrement reculé de 0,1%. Géographiquement, cette inflation mensuelle a fortement impacté la ville d’Al-Hoceima (+2,2%), Béni-Mellal (+1,4%) et Settat (+1,2%), avec Tanger et Safi suivant de près (+1,1% chacune).
Seule Dakhla a enregistré une baisse de 0,3%. En comparaison avec le mois d’août de l’année précédente, l’IPC global d’août 2025 affiche une hausse plus modérée de 0,3%, reflétant une contribution équilibrée des produits alimentaires (+0,2%) et non alimentaires (+0,3%).
Cette faible progression en glissement annuel masque des mouvements sectoriels plus prononcés au sein des produits non alimentaires. On observe des hausses significatives pour les boissons alcoolisées et tabac (+3,5%), les restaurants et hôtels (+2,9%), et l’enseignement (+2,3%), témoignant de pressions inflationnistes spécifiques et durables dans ces domaines, surtout durant le pic estival qui coïncide avec les vacances. À l’opposé, le transport a connu une déflation notable de 2,4%, ce qui est cohérent avec la tendance observée sur les huit premiers mois, et les loisirs et culture ont également vu leurs prix diminuer de 0,8%.
L’indicateur d’inflation sous-jacente, souvent considéré comme un baromètre plus fiable des tendances de fond car il exclut les produits à prix volatils et les tarifs publics, a quant à lui stagné en glissement mensuel (août 2025 vs juillet 2025) mais a enregistré une hausse de 0,7% en glissement annuel (août 2025 vs août 2024). Cette divergence entre l’IPC global et l’inflation sous-jacente suggère que si les prix des produits de première nécessité peuvent fluctuer fortement au mois le mois, les pressions inflationnistes structurelles persistent à un rythme modéré sur une base annuelle puisque les prix se sont stabilisés après les fortes augmentations.
Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO