BIM : ce qui va changer au Maroc
La filiale marocaine de BIM va céder 35% de ses parts à Blue Investment Holding. Une opération qui intervient dans un contexte de reprise post-Covid-19 et de pression sur la chaîne de distribution discount turque au Maroc.
BIM opère un virage au Maroc. La chaîne de distribution discount turque a l’ intention de vendre 35% de parts de sa filiale marocaine à Blue Investment Holding. Ce dernier est détenu par Helios Investment Partners, un gestionnaire de fonds basé à Londres, mais très actif sur le marché africain. D’après les éléments rapportés par la presse turque, la valeur de l’opération est estimée à 86,4 millions de dirhams. Le management du spécialiste des superette de proximité explique que cette vente «vise à maintenir et à développer la tendance de croissance actuelle de BIM Stores SARL au Maroc, et à parvenir à une localisation dans la région avec des investisseurs spécialisés pour créer davantage de valeur». Il faut dire que cette opération qui devrait être finalisée sous réserve de conditions, y compris une approbation par l’autorité de la concurrence du Maroc, n’est pas une surprise pour plusieurs raisons. D’abord, elle avait été annoncée récemment par la marque turque elle-même. En effet, dans un communiqué de presse diffusé fin octobre, le groupe de distribution avait fait part de son intention d’évaluer les options stratégiques de sa présence au Maroc, y compris les alternatives de partenariat avec des investisseurs locaux ou internationaux. Cette annonce n’avait rien d’anodin puisqu’elle a eu lieu au lendemain de la révision de l’Accord de libre-échange avec la Turquie, considérée comme une belle victoire pour l’économie marocaine. Pour la petite histoire, depuis son entrée en vigueur en 2006, les échanges entre les deux pays, pour la période 2006-2019, ont presque triplé pour atteindre 31,8 milliards de DH. Cette hausse des flux commerciaux a largement profité aux Turcs, en générant un déficit commercial de 19,5 milliards de DH en défaveur du Maroc. Il fallait donc un rééquilibrage, ce qui fut fait.
Les raisons de la vente
Un autre événement en lien avec celui qu’on vient d’évoquer expliquerait ce virage à 35 degrés des Turcs au Maroc. L’on se rappelle encore, il y a quelques mois, de l’injonction faite par le ministre du Commerce et de l’industrie à l’enseigne de distribution turque de «vendre marocain ou de partir». Pour Moulay Hafid Elalamy qui reprochait à BIM de ne pas vendre marocain, la stratégie du discounter au Maroc consistant à casser les prix, ce qui nécessite un important volume d’affaires pour trouver un équilibre, constitue une sérieuse menace à l’encontre des petits commerces de quartier. Or, le spécialiste du hard-discount, présent au Maroc depuis 2009, ouvre chaque année en moyenne 50 points de vente. Pour sa défense, BIM qui emploierait près de 3.000 personnes, dont une majorité de Marocains, dans les quelque 500 magasins de la chaîne implantés dans le royaume, avait rétorqué qu’il achetait 85% de ses produits localement. Une thèse qui ne convainc pas au Maroc. Acheter localement ne signifie pas forcément qu’il s’agisse de produits marocains, dit-on. Enfin, les Turcs ont plusieurs raisons de s’allier à des partenaires internationaux tels que Helios Investment Partners qu’on ne présente plus en Afrique. Avec un large éventail d’investisseurs de premier plan, notamment des fonds d’investissement souverains, des fonds de pension privés et publics, des fondations, des family offices, ainsi que des institutions de financement du développement, la firme basée à Londres, qui évolue sous les manettes opérationnelles de la Marocaine Zineb Abbad El Andaloussi, est axée sur le marché africain. Depuis sa création en 2004 par les financiers nigérians Tope Lawani et Babatunde Soyoye, elle ne cesse de se positionner sur le continent africain en multipliant les investissements minoritaires ou les prises de contrôle dans des PME et grandes entreprises leaders sur leurs marchés. Début juillet dernier, elle a décroché un filon de 100 millions de dollars de CDC Group, l’institution de financement du développement appartenant au gouvernement britannique. Les fonds auraient été investis dans des entreprises leaders à travers l’Afrique, où Helios est actif dans une trentaine de marchés. Les 35% de la filiale marocaine de BIM ne représentent alors qu’une petite bouchée pour la firme qui ne se prive pas de profiter de la reprise post-Covid-19 des économies africaines, très prometteuses du reste.
Khadim Mbaye / Les Inspirations Éco