Maroc

Avant-première de Volubilis : La fresque sociale à fleur de peau de Bensaïdi

Émotion palpable à la Mostra de Venise ce mercredi grâce à une standing ovation des plus méritées pour le réalisateur marocain Faouzi Bensaïdi. Avec «Volubilis», une fresque sociale sur fond d’histoire d’amour, le réalisateur marocain y séduit et touchera des centaines d’Italiens et de spectateurs venus du monde entier. Révélations. 

Une salle comble, la tension qui monte. Un film marocain en avant-première à Venise n’est pas rien. L’équipe du film «Volubilis» fait son entrée discrètement, prête à découvrir le film pour la première, comme les spectateurs dans la salle ayant fait le déplacement. Présenté dans la catégorie Venice Days «Giornate Degli Autori», Faouzi Bensaïdi est accueilli comme une star. «Faouzi, merci d’exister», clamera Sylvain Auzou, directeur député de ce collectif en marge du Festival, qui œuvre pour la promotion d’un cinéma indépendant de qualité sans barrière aucune en mettant l’accent sur l’originalité, l’innovation et la caractère indépendant.

Tous les ingrédients qui font de Faouzi Bensaïdi un réalisateur à part. Avec «Volubilis», il signe une fresque sociale à la fois touchante et dure et nous présente un Maroc tel qu’il est depuis sa Meknès natale, avec ses belles contradictions et ses injustices saillantes. En optant pour une ville morte, il met sûrement la mort au cœur même de l’espace narratif et visuel de sa fiction, comme si elle guettait ses personnages, mais pas vraiment. Plus que la mort, qui selon les personnages est plus douce que la vie, le film raconte l’histoire d’amour entre Malika, femme de ménage et Abdelkader, vigile dans un centre commercial. Un couple qui tente de survivre et de vivre un amour où il est difficile de montrer ses sentiments et ses marques d’affection en public. N’ayant pas de vie privée puisqu’étant contraints de vivre avec la famille envahissante d’Abdelkader, le couple se voit frustré de ne pas avoir son intimité, même marié. Néanmoins, ceci n’est pas le fond du problème puisque le couple voit sa vie basculer lorsqu’Abdelkader vit une humiliation au travail après avoir réparé une injustice, et se retrouve sans travail du jour au lendemain. Une descente aux enfers commence pour ce couple campé de façon très convaincante par Nadia Kounda et Mouhcine Malzi. Ce dernier arrive à transmettre toute cette colère, sans jamais trop en faire. Il est juste et touchant dans cette évolution intéressante du personnage. Avec son statut de vigile, son costume le faisait exister aux yeux du monde, de sa famille, le rendait fier aux yeux de sa femme. Il avait son petit pouvoir qu’il exerçait parfois de manière trop «stricte» voire dure mais son sens de l’honneur, tel un justicier des temps modernes, lui faisait oublier la misère dans laquelle il vivait. Dans ce centre commercial, il avait un certain contrôle. Jusqu’au jour où ce justicier va faire face aux limites de la justice.

En voulant empêcher une femme de passer avant des clients qui faisaient la queue pendant longtemps, Abdelkader est non seulement renvoyé mais humilié. Il ne fait pas le poids face à la «femme de…». Le réalisateur creuse ce fossé entre le riche et le pauvre, entre celui qui a la pouvoir et celui qui n’en a pas, entre l’abus de pouvoir quand on l’a. Un rôle en or pour Mouhcine Malzi, sublimé par une performance sans faute de la jeune Nadia Kounda qui porte le film sur ses épaules comme son personnage porte le fardeau d’une vie trop injuste. Femme de ménage, elle se retrouve dans une maison occupée par une femme malheureuse qui déverse son venin et son mal-être sur son personnel. Douce et naturelle, Nadia Kounda nous livre un jeu fluide et passionné. Elle ne joue pas, elle est. Elle est cette femme amoureuse qui ne peut pas vivre son amour au grand jour, elle est cette femme de ménage qui subit en silence, elle est cette épouse qui ne reconnaît plus un mari meurtri mais elle n’est jamais soumise. Elle sait se révolter et être forte quand il le faut. Faouzi Bensaïdi sait mettre en valeur ses acteurs, et son directeur de la photographie Marc-André Batigne sait les aimer en les embellissant même dans l’horreur.

D’ailleurs, le beau chez Bensaïdi a toujours un sens. Il donne de l’importance à la composition visuelle mais jamais au détriment du développement de l’intrigue et de la construction des personnages. Face au noyau du couple amoureux, le couple d’apparence heureux formé par un Faouzi Bensaïdi himself magnifiquement tyrannique et une Mouna Fettou lumineuse en bourgeoise ennuyée par la vie. Il y a aussi les parents d’Abdelkader qui vivent à ses dépens. Une mère qui essaie maladroitement de s’en sortir en mendiant dans la rue et un père alcoolique absent. Le cinéaste livre une composition stylée de gros plans sur ses personnages, de hors champs significatifs mais surtout chargés de sens. Il dresse la vie d’un couple de Marocains ordinaires dans un monde souvent surréaliste. Ce surréalisme est dessiné par un Bensaïdi parfois fellinesque voire tarentinesque quand il se permet des ellipses drôles ou érotiques sans prévenir, en soulignant l’absurde parfois avec des personnages qui auraient pu sortir d’un film d’Almodovar comme cette dame au chien, invitée d’une soirée mondaine. Il ne tombe jamais dans le cliché alors qu’il aurait pu. Au fond, le cinéaste s’interroge sur le pouvoir de l’amour. Est-ce qu’il peut tout arranger, tout surmonter ? La réponse est dans cette mise en abyme juste de la société marocaine qui a touché les coeurs de centaines de téléspectateurs. Un film plus accessible au public sans perdre son cachet de film d’auteur qui promet un beau succès dans les salles. 



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