Agriculture. La filière espagnole surveille le rapprochement maroco-britannique
La filière espagnole de fruits et légumes est soulagée après l’accord trouvé entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, garantissant la non-application des droits de douane aux produits agricoles européens. Toutefois, elle garde un œil attentif sur l’évolution des expéditions marocaines vers le marché britannique.
La filière de fruits et légumes espagnole a reçu un précieux cadeau de Noël. L’accord post-Brexit entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, portant sur les échanges commerciaux, a soulagé la filière agricole espagnole. En effet, le marché britannique constitue un important débouché pour les expéditions agricoles espagnoles, spécialement celles originaires d’Almeria.
Après l’Allemagne et la France, le marché britannique est la troisième destination des produits agricoles issus de cette région andalouse. Ainsi, les producteurs d’Almeria ont expédié des marchandises d’une valeur de 286 millions d’euros en 2019. Ce qui explique cette explosion de joie de la part de la filière ibérique de fruits et légumes. Celle-ci a vu toutefois d’un mauvais œil la signature d’un accord de continuité des échanges entre le Maroc et le Royaume-Uni.
Ce protocole, paraphé avec 48 pays pour assurer la continuité de l’approvisionnement des marchés britanniques après le Brexit, constituait une menace capitale pour la filière, en cas de retour des droits de douane sur les produits agricoles communautaires, destinés aux étals britanniques. Il faut dire que l’ardoise risquait d’être salée. À titre d’exemple, la tomate, fruit de la discorde, aurait subi une taxation qui pouvait grimper jusqu’à 14%.
Ce produit phare n’aurait plus été compétitif face à une concurrente de taille, la tomate marocaine. Ce qui explique d’ailleurs l’intensification récente des attaques contre les exportations marocaines de la part du lobby espagnol. En saisissant l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) à propos de prétendus dépassements de quotas par les exportateurs nationaux, la filière ibérique anticipait l’éventuelle perte du marché britannique, en assénant des coups à sa rivale marocaine.
Sa manœuvre avait pour objectif d’évincer un concurrent important au cas où elle venait à perdre ses privilèges sur le marché britannique, tout en mettant la pression sur les négociateurs européens. De même, sa plainte contre les exportations marocaines visait à conforter le positionnement du secteur agricole espagnol sur le marché européen, en cas de perte du débouché britannique.
Le maintien de ce lien commercial a permis de satisfaire la filière espagnole, mais celle-ci ne baisse pas pour autant la garde. Si l’accord maintient les liens commerciaux et exempte les produits agricoles européens de taxes et de droits de douane, il les soumet à une lourde machine administrative. Le Royaume-Uni est connu pour ses contrôles administratifs restrictifs et ses exigences en termes de commercialisation et de contrôle sanitaire. Ce qui pourrait augmenter les coûts des produits exportés, voire rallonger les délais de livraison… et représenter, de ce fait, une opportunité pour les exportateurs marocains.
De l’aveu de Juan Antonio Gonzalez, président de Coexphal, l’association des organisations de producteurs de fruits et légumes, «l’accord est une bonne nouvelle mais (…) Le Royaume-Uni a signé des accords de continuité avec des concurrents directs comme le Maroc et la Turquie, et ces pays ont des coûts très bas et, par conséquent, nous devons rester vigilants».
Amal Baba Ali / Les Inspirations Éco