À quand la réforme globale ?
Le gouvernement compte entamer la mise en place de la réforme globale des systèmes de retraite. Une étude en cours, menée par l’ACAPS, permettra au gouvernement de ficeler une loi-cadre fixant les étapes majeures pour la convergence vers un système bipolaire.
Le chef de gouvernement parviendra-t-il à mettre sur les rails la réforme globale des systèmes de retraite ? Face au bras de fer des centrales syndicales, sa mission ne s’annonce pas de tout repos. Quoiqu’il en soit, El Othmani ne pourra pas ajourner cette réforme attendue depuis de longues années. Ce dossier épineux est inscrit à l’ordre du jour du round du dialogue social en cours. Le dossier du pôle public de la retraite devra être discuté au sein de la commission du secteur public tandis que la situation de la CNSS devra être examinée par la commission du secteur privé. Mais visiblement, le sujet ne constitue pas une priorité pour les partenaires sociaux qui comptent passer au crible d’autres points jugés prioritaires ; du moins pour le moment. Le gouvernement, lui, entend entamer cette réforme qui ne pourra pas se faire du jour au lendemain. «Ce n’est pas un choix, mais une nécessité», selon Abdelhak Elarabi, chargé du dossier social au sein du cabinet du chef de gouvernement.
Le compte à rebours est enclenché. Le ministère de l’Économie et des finances a confié une étude sur les systèmes de retraite à l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS). La présidence du gouvernement s’attend à l’accélération de la cadence pour la finalisation de cette étude avant la fin de l’année en cours. Ses conclusions permettront de tracer la voie de la réforme globale dans le cadre d’une loi-cadre qui devra préciser les étapes majeures permettant la convergence vers deux pôles (public et privé). Cette loi devra reprendre les principes directeurs de la réforme globale du secteur de la retraite et établir un échéancier précis de sa mise en œuvre. En parallèle à cette étude, le gouvernement devra se pencher avec les acteurs concernés sur l’examen de la réforme paramétrique du Régime collectif d’allocation de retraite (RCAR ) et celle de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) à la demande de ces deux caisses. Plusieurs points sont à discuter pour la réforme de la CNSS dont l’augmentation de la pension de retraite qui est jugée dérisoire et la réforme paramétrique (cotisations, âge…). À termes, la réforme globale de la retraite du secteur devra aboutir à la mise en place de trois tranches : régime de base, régime complémentaire obligatoire et une option facultative. S’agissant du RCAR – un régime destiné aux agents des établissements publics et agents temporaires de l’État et des collectivités locales -, la caisse a tiré la sonnette d’alarme pour entamer la réforme avant d’arriver à une situation alarmante et ceci en vue d’éviter le scénario de la CMR. À termes, ces deux caisses devront fusionner pour constituer un pôle public. Cet objectif n’est pas facile à atteindre en raison des grandes divergences entre ces deux caisses, comme le précise Elarabi. Il faudra des années avant d’atteindre cet objectif. En effet, la mise en place d’un pôle public nécessite nombre de préalables et de nouvelles réformes qui risquent d’être douloureuses pour les salariés. La réforme de la CMR que le gouvernement de Benkirane a passé au forceps en 2016 est insuffisante car le problème n’est repoussé que d’uniquement quatre ou cinq ans. Elle visait le prolongement de la durée de maintien des réserves de la CMR de quelques années dans l’attente de la création du pôle public de la retraite. Cette étape transitoire s’assignait aussi pour objectif d’instaurer une couverture sociale (retraite et assurance maladie) en faveur des actifs non-salariés ainsi que l’augmentation progressive de la pension minimale à 1.500 DH. Cette réforme reste partielle, selon la Cour des comptes car elle a porté sur une réforme paramétrique du régime des pensions civiles, sans toutefois aborder les paramètres de fonctionnement des autres régimes de retraite, principalement ceux gérés par le RCAR et la CNSS. Aujourd’hui, le gouvernement entend baliser le terrain pour une seconde étape visant le basculement vers un système de retraite bipolaire dans la perspective d’aboutir à un régime de retraite unique à long terme.
Pensions civiles : le détail de la réforme
La réforme paramétrique du régime des pensions civiles s’imposait. Le régime a en effet enregistré depuis 2014 un déficit technique de 936 MDH, atteignant 2,677 MMDH en 2015 et 4,76 MMDH en 2016. La date d’épuisement total des réserves de la CMR était estimée à 2022 si aucune réforme n’était introduite, permettant d’améliorer ses ressources et limiter ses engagements. La mise en œuvre de la réforme en 2016 a reposé sur plusieurs axes dont le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite des fonctionnaires et agents affiliés au régime des pensions civiles à 63 ans au lieu de 60 ans, de manière progressive à raison de 6 mois par année : 60 ans pour les personnes nées avant 1957 jusqu’à 63 ans pour les personnes nées en 1962 et au-delà. La cotisation tant salariale que patronale a augmenté de 10 à 14% de manière progressive : 11% à partir d’octobre 2016, 12% à partir de janvier 2017, 13% en 2018 et 14% en 2019. L’annuité de la pension de retraite est passée de 2,5% à 2% pour la période commençant le 1er janvier 2017 alors que la période antérieure à cette date conserve un taux de 2,5% lors de la liquidation de la pension. L’annuité de la retraite anticipée est passée de 2% à 1,5% (cette règle n’est cependant pas applicable si l’affilié justifie de 41 ans de service effectifs). De même, le taux de 2% est maintenu pour la période antérieure à cette date. À cela s’ajoute la modification progressive de l’assiette de liquidation de la pension sur la base de la moyenne des salaires des huit dernières années (96 derniers mois) au lieu du dernier salaire. Cette mesure est appliquée progressivement en considérant la moyenne des 24 derniers mois en 2017, 48 mois en 2018, 72 mois en 2019 et 96 mois en 2020.