Les Cahiers des ÉCO

Que gagne-t-on d’une fusion ?

Après l’annonce de la fusion-absorption des deux opérateurs du crédit à la consommation Salafin et Taslif, les langues se délient pour les rumeurs les plus folles sur le marché. Cela va du montant de la transaction, du nouveau mode de gouvernance jusqu’à un éventuel plan social. Or, les deux groupes ont bien précisé lors d’une récente conférence l’avenir de la nouvelle Salafin. Mais au final, à quoi sert une opération de cette envergure ? Détails

«C’est sans doute l’opération la plus emblématique du secteur financier après celle de BCM et Wafabank», annonce d’emblée cet avocat d’affaires, en parlant de la fusion-absorption qui unira Salafin et Taslif. Ce projet représente, comme l’avait défini le top management des deux entités (voir www.leseco.ma), la matérialisation d’un partenariat conclu en 2015 entre les groupes BMCE Bank of Africa et Saham Finances. Les deux sociétés qui collaborent déjà sur le volet bancassurance et sur le volet assistance, ont décidé de sceller encore plus leur alliance en créant l’un des plus importants acteurs de référence du crédit à la consommation. Il faut dire que les fusions-acquisitions constituent un mode de croissance qui permet aux entreprises de renforcer leur position concurrentielle, d’accéder à de nouveaux marchés, de s’internationaliser (présence des deux groupes dans plusieurs pays d’Afrique), d’acquérir de nouvelles compétences et de se diversifier. Un bon signe pour l’économie ? L’on peut dire, puisque partout dans le monde et dans de nombreux secteurs, les opérations de fusions-acquisition ont connu une forte augmentation ces dernières années. Qu’elles soient bancaires ou non, les fusions jouent un rôle primordial dans la restructuration du tissu économique, avec quelques opérations de premier plan comme le rapprochement entre Medtronic-Covidien (32 milliards d’euros), Lafarge-Holcim (29 milliards d’euros) ou encore SFR-Numericable (17 milliards d’euros).

Nouvelle identité visuelle
Pour ce qui est de Salafin et Taslif, l’opération sera accompagnée d’une augmentation de capital de Salafin réservée aux actionnaires de Taslif. La parité d’échange a été fixée à 1 action Salafin pour 39 actions Taslif. Le groupe Saham -à travers sa filiale Saham Assurance- verraa ensuite ses actions se diluer dans le capital de Salafin pour se fixer à 13% mais gardera le rôle d’un actionnaire actif pour le pilotage du nouveau Salafin et qui dévoilera sa nouvelle identité visuelle ce jeudi 15 février. Néanmoins, ce type d’opération est marqué par quelques difficultés. «Les 100 jours après une fusion sont primordiaux», souligne l’expert. Ces opérations connaissent un taux d’échec très élevé, supérieur à 50% d’après les statistiques, quels que soient les indicateurs utilisés, boursiers ou opérationnels. Mais qu’est ce qui explique cet attrait pour les fusions ? Il faut noter qu’il existe une forte corrélation entre la performance des marchés actions et les volumes de rapprochements entre sociétés : au cours des vingt dernières années, les volumes de fusions-acquisitions dans le monde ont toujours atteint un haut de cycle dans les phases de reprise des marchés actions. De plus, le coût du capital qui se révèle très intéressant. «Ce qui favorisera des valorisations d’entreprises plus élevées et des volumes de fusions-acquisitions plus importants», commente un analyste. Avec plus d’un milliard de fonds propres, Salafin pourrait ainsi suivre, voire dépasser l’évolution du marché. Il sera, dès la fusion, parmi les acteurs majeurs en termes de PNB (estimation de 500 MDH), de résultat net de rentabilité des fonds propres. En Bourse, Salafin pourrait atteindre une capitalisation boursière de 2,5 MM DH. Outre ces facteurs, l’environnement macroéconomique est semble-t-il très déterminant sur la prise de décision par les entreprises. «Les entreprises sont généralement plus disposées à la prise de risques quand la croissance économique est au beau fixe», souligne l’analyste. Selon le ministère des Finances, la croissance de l’économie marocaine devrait s’établir à 4,6% en 2017 contre 1,2% en 2016. Pour 2018, plusieurs organismes tablent sur une croissance modérée aux alentours de 3%. «Par contre, quand les perspectives de croissance sont relativement modestes, ces opérations de fusion-acquisition offrent aux entreprises un moyen efficace d’accélérer l’évolution de leurs activités», poursuit l’expert.

La crainte de plans sociaux
De plus, l’expérience le démontre comme dans le cas de plusieurs sociétés internationales, où des éléments exceptionnels comme les problématiques fiscales ont pu être un facteur de motivation supplémentaire. Celles-ci ayant dans certains cas cherché à transférer leur résidence fiscale dans le pays de la cible pour optimiser leur taux d’imposition. Toutefois, l’exemple le plus récent (2015) de la fusion entre les deux géants de la pharmacie, l’américain Pfizer et l’irlandais Allergan, a relancé le débat sur l’évitement fiscal des multinationales. Du coup, aux États-Unis comme en Europe, les politiques tentent d’organiser la riposte. Cela étant dit, – sous réserve qu’elles soient bien évaluées et bien exécutées – le recours aux fusions-acquisitions peut être un puissant levier permettant de favoriser l’utilisation optimale des ressources productives (capital et emploi). Et elles sont alors incontestablement bénéfiques aux entreprises et à l’économie en général. Pourtant, souvent prédomine une vision potentiellement déformée des effets de ces restructurations. En effet, les craintes de plans sociaux dans ces cas là persistent. «Or, ces cas extrêmes se concrétisent généralement au cours d’OPA hostile…», tempère cet avocat. Selon lui, les contrats de travail sont transférés au nouvel employeur. Il persiste «tous les contrats -y compris ceux à durée déterminée- des salariés affectés par le transfert, en cours à la date du changement d’employeur doivent être transmis au nouvel employeur». Une fois le transfert opéré, le salarié comme le nouvel employeur doivent impérativement s’y soumettre et poursuivre la relation contractuelle. Si le salarié ne veut pas passer au service du nouvel employeur, il ne peut que démissionner et ne saurait se prétendre licencié. De même, le transfert ne constitue pas, en tant que tel, un motif valable de licenciement. Dans notre cas, le management du groupe Saham assure que les 100 employés de Taslif ont pris connaissance de l’opération lors d’un comité d’entreprise. Les actionnaires des deux groupes se sont ensuite engagés à ce qu’aucun plan social ne soit déployé. En revanche, le management de Salafin a indiqué que l’organisation sera revue pour s’adapter aux besoins de la stratégie.  


Fusions Acquisitions dans la région MENA

Selon le cabinet de conseil américain A.T. Kearney, la baisse du nombre de transactions n’a pas affecté la montée de la valeur des mégadeals dans la région MENA. La deuxième moitié de 2016 a été un semestre record pour les fusions et acquisitions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) depuis 2013 avec des transactions de 30,5 milliards de dollars – presque trois fois la première moitié de l’année. Ces mégadeals ont mené cette activité exceptionnelle avec quatre transactions de plus de 1 milliard de dollars, cumulant jusqu’à 24,2 milliards de dollars. La transaction la plus importante concernait les services financiers. Il s’agit de la First Gulf Bank et la National Bank of Abu Dhabi qui ont convenu d’une fusion d’une valeur de 14,8 milliards de dollars, créant ainsi la plus grande banque des Émirats arabes unis avec des actifs d’environ 178 milliards de dollars. Les autres méga-cats concernaient des expéditions maritimes et des acquisitions d’intérêts dans des sociétés opérant dans des concessions pétrolières et gazières en Égypte et aux Émirats arabes unis. Aussi, parmi les transactions qui ont marqué la première moitié de l’année figurent le rachat par l’allemand Allianz de la filiale marocaine Zurich Assurances pour 244 millions d’euros, ou encore l’acquisition pour 340 millions de dollars d’Emerging Markets Payments par le dubaïote Network International. 


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