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Guerre en Ukraine : une crise migratoire pas comme les autres

À l’issue de la première semaine de l’invasion russe, soit au 3 mars 2022, plus de 1 million de réfugiés (2,3% de la population ukrainienne) ont quitté l’Ukraine à destination de pays européens limitrophes, notamment la Pologne, mais aussi des autres pays comme la Hongrie, la Moldavie ou la Slovaquie. Alors que le flux des réfugiés est sur le point de devenir la plus grande crise migratoire en Europe depuis la Seconde guerre mondiale, la réaction des pays européens est très différente comparée à celle suscitée par la crise des réfugiés syriens ou afghans.     

Le flux des réfugiés ukrainiens risque d’exploser dans les prochains mois. L’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) estime le potentiel des réfugiés durant les tout prochains mois entre 4 et 7 millions de personnes, dépassant largement le total des arrivées de migrants et réfugiés en Europe lors des sept dernières années.

Alors que la crise migratoire de 2015 avait menacé de faire désintégrer l’Union européenne, dont les États membres ne se sont toujours pas mis d’accord sur un système de redistribution des immigrants irréguliers et réfugiés, la crise migratoire ukrainienne semble se dérouler sans provoquer trop d’inquiétudes dans les pays européens, outre la gestion de l’assistance humanitaire, toujours difficile.

Loin, en tout cas, de l’hystérie générée il y a tout juste quelques mois par quelques milliers de réfugiés irakiens et afghans poussés par la Biélorussie à tenter d’entrer dans des pays de l’Union européenne par les frontières de la Pologne et de la Lituanie entre septembre et novembre 2021, et qui ont été refoulés et considérés comme une «menace hybride», c’est-à-dire, un acte de guerre, au point de déclencher la construction d’une clôture au niveau de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie.

Cette fois, le sort du peuple ukrainien semble préoccuper beaucoup plus que l’impact du flux des réfugiés sur les sociétés européennes.

Les dispositions de la Directive sur la protection temporaire de 2001 activées
Au contraire, l’UE a activé le 3 mars, et pour la première fois, des dispositions de la Directive sur la protection temporaire de 2001 -jamais appliquée auparavant- qui prévoient un accueil illimité de réfugiés en cas de crise, avec l’octroi automatique et immédiat de la condition de réfugié sans devoir présenter une demande d’asile et, donc, sans passer par le long processus administratif de reconnaissance, avec le droit d’accès aux services essentiels – hébergement, aide alimentaire, assistance sanitaire, éducation- et un permis de travail pour une première période de trois ans.

Paradoxalement, c’est un des pays les plus acharnés dans son opposition à tout type d’ouverture envers les réfugiés de pays tiers, la Pologne, qui est devenu le champion de cet accueil des Ukrainiens déplacés suite à la guerre, annonçant qu’elle est prête à accueillir «autant d’Ukrainiens qui arriveront à nos frontières». Et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, proclamait que «tous ceux qui doivent fuir des bombes de Poutine seront les bienvenus avec les bras ouverts».

Des réfugiés pas comme les autres
En attendant l’impact de ce nouveau flux à plus long terme, et la réponse européenne qui, entre autres, dépendra de la durée de la guerre et de l’ampleur que prendront les flux de réfugiés, voilà quelques raisons expliquant cette réaction très différente. La guerre d’Ukraine est européenne, et la solidarité avec les réfugiés ukrainiens est comprise comme une dimension du positionnement unanime contre la Russie.

Les guerres en Syrie, en Afghanistan, en Libye ou en Ethiopie, ne causent pas les mêmes émois dans les opinions publiques européennes comme le ferait une guerre se déroulant sur le sol européen. Seconde raison, plusieurs pays européens comptent déjà une diaspora ukrainienne significative. Il s’agit de travailleurs migrants arrivés depuis les années 1990, dans un flux continu avec peut-être un million en Pologne (dont 330.000 avec un permis de résidence) et plus de 200.000 en Allemagne, en Italie ou en République tchèque. Ces réseaux de parents et amis de la diaspora ukrainienne se sont rapidement mobilisés pour accueillir les réfugiés.

En fait, les citoyens ukrainiens bénéficient déjà de l’entrée sans visa  sur le territoire de l’UE depuis 2017, où ils peuvent rester pendant 90 jours sous simple présentation de leur passeport. Tertio, les Ukrainiens sont des chrétiens orthodoxes, et ethniquement des slaves. En tant que tels, ils s’intègrent sans grandes difficultés dans des pays comme la Pologne.

Enfin, la marée humaine d’Ukrainiens est beaucoup plus difficile à arrêter que les flux de réfugiés syriens; les pays de premier accueil sont  européens. Alors que l’UE a réussi à retenir en Turquie, c’est-à-dire loin de son territoire, 3,6 millions de réfugiés syriens (trois fois supérieurs à ceux qu’elle a accueillis), l’Ukraine partage presque 1.400 kilomètres de frontières terrestres directes avec quatre États membres de l’UE : la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie et la Hongrie.

En définitive, alors que l’Europe doit faire face à une vraie crise migratoire sans précédent par l’ampleur des flux potentiels, elle semble se préparer en toute sérénité pour assurer l’accueil des nouveaux réfugiés dans de meilleures conditions humanitaires, ainsi que leur éventuelle intégration dans les sociétés et les marchés de travail européens.

Par ricochet, cela montre qu’alors qu’on parlait de crise migratoire en 2015, et quand les migrants venaient surtout de la Syrie ou de l’Afghanistan, mais aussi de l’Afrique, il s’agissait surtout d’une crise d’accueil et du refus des migrants non-européens venant de pays musulmans ou africains.

Avec Agence / Les Inspirations ÉCO


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