Deloitte-Afrique : 2022, une année pleine d’espoir malgré la crise
Avec ses airs d’année maudite, 2022 pourrait se révéler propice pour l’économie africaine. C’est le principal enseignement du tout dernier Baromètre Africa CEOs Survey confectionné et publié par Deloitte en partenariat avec l’Africa CEO Forum.
«Après ces deux dernières années marquées par les crises sanitaires et économiques, 2022 semble déjà représenter une année de croissance qui offre un environnement plus propice au continent pour se réinventer malgré la guerre en Ukraine», souligne d’emblée le troisième Baromètre de Africa CEOs Survey publié récemment par Deloitte en partenariat avec l’Africa CEO Forum.
L’étude, menée auprès de 190 CEOs africains entre février et mai 2022, interroge les dirigeants sur 6 thématiques, à savoir la stratégie, la gouvernance, la finance, l’innovation, l’impact et les talents.
«A travers leurs réponses, elle restitue un optimiste retrouvé et justifié», expliquent les rédacteurs du rapport ajoutant que 77% des CEOs interrogés expriment leur confiance vis-à-vis des perspectives de développement du continent, facilitant l’émergence et la croissance des champions nationaux et régionaux.
La confiance, poursuit Deloitte, est à un niveau supérieur à celui d’avant-pandémie
«Cette confiance a ainsi favorisé dans certains domaines de nombreuses opportunités, dont l’explosion des services financiers numériques et la volonté des acteurs économiques de privilégier la production locale au détriment des importations», souligne le document. Cependant lorsqu’on interroge les CEOs sur leurs projections, ils demeurent néanmoins prudents, «conscients de l’accélération de leur exposition au risque sécuritaire (41%) ainsi qu’à de nouvelles menaces (46% d’entre eux déclarent par exemple être fortement exposés au danger des cyberattaques et déjà très préoccupés par la poussée inflationniste)».
Et la partie la plus attractive c’est sans doute l’Afrique de l’Ouest qui se positionne en tête des zones les plus prisées avec 28% des CEOs qui privilégient leurs investissements dans cette région. Un pays, la Côte d’Ivoire, qui conserve la première place pour la troisième édition consécutive, se distingue davantage. L’étude souligne la montée en puissance du Togo qui entre en haut de la liste aux côtés des autres pays anglophones, dont le Nigéria, le Ghana et le Kenya.
Toutefois, malgré leur grand optimisme, 12% des CEOs estiment que l’accès au financement s’est dégradé, tandis que la majorité (62%) d’entre eux déclarent tout de même qu’il se maintient à un niveau stable au cours des derniers mois. Dans le détail, le private equity (26%), les sociétés internationales (23%) et les entreprises locales (11%) restent les alternatives privilégiées pour une ouverture du capital en dehors des canaux classiques de financement.
Le private equity continue d’être perçu comme un partenaire créateur de valeur (30% des CEOs). En termes de durabilité, l’étude note que les entreprises africaines s’engagent à 83%. Les CEOs ont inscrit les enjeux de développement durable au cœur de leur stratégie. «Cet engouement pour la responsabilité sociétale des entreprises africaines est notamment porté par des pressions externes qui sont croissantes.
En effet, pour 45% des CEOs, c’est une réponse aux attentes du marché et à l’anticipation de possibles risques réputationnels», explique Deloitte, avant de nuancer: 47% des entreprises déclarent ne pas réaliser de rapport RSE. L’enjeu est donc de passer de la stratégie à la mise en œuvre concrète et au suivi des engagements de durabilité.
S’agissant des talents, le constat est le suivant: le renforcement et le développement des compétences sont un levier de croissance clé (63%), que ce soit à travers des partenariats externes (52%) ou des universités internes (21%). 81% des CEOs positionnent le management de la performance comme un outil de leur nouveau modèle organisationnel, garantissant la mise en place d’objectifs et de plans de carrière clairs.
Plus en phase avec la réalité des enjeux RH internationaux et les attentes des collaborateurs, ce modèle organisationnel contribue également à retenir durablement des talents. Une majorité des dirigeants (54%) s’engagent dans des politiques de recrutement inclusives et 46% ont développé des politiques d’égalité salariale.
Pour ce qui est de l’innovation, elle est plus que jamais une priorité stratégique : 89% des entreprises ont aujourd’hui développé une stratégie d’innovation, ou l’envisagent à court terme, à travers notamment la création d’un comité d’innovation (66%) et le recrutement ou la nomination d’un Innovation Manager (64%). L’Afrique consolide sa position de leader de l’innovation dans le paiement numérique : selon les CEOs, 80% des innovations engagées se concentrent sur les sujets liés au paiement (29% des CEOs), à l’automatisation des process (26%) et à l’intelligence artificielle (25%).
Plus que jamais, l’innovation est ouverte et collaborative : les projets d’innovation passent désormais par des partenariats avec des incubateurs ou startups (49%), plutôt que par des initiatives internes, nous apprend-on. Enfin, concernant la gouvernance et le leadership féminin, ces tendances sont en hausse, peut-on lire dans le document.
Plus de 75% des CEOs interrogés veillent à l’indépendance de leur conseil d’administration contre 66% en 2020. Face aux incertitudes croissantes, le besoin d’une gouvernance agile, transparente et résiliente est de plus en plus marqué et les dirigeants africains en font une priorité absolue. Toutefois, la parité demeure un beau défi à relever.
Aujourd’hui, seulement 11% des entreprises africaines déclarent être paritaires en termes de féminisation de leur comité de direction. Néanmoins, la féminisation des organisations est aujourd’hui une tendance de fond, 25% d’entre elles prennent le chemin de ce rééquilibrage et une large majorité (93%) affirme avoir au moins une femme dans le top management.
«Le cœur de ce baromètre est le retour de la confiance d’avant-pandémie. L’Afrique sait tirer profit des situations de crise et se créer des opportunités. Néanmoins, les CEOs restent prudents face aux risques majeurs incarnés notamment par les cyberattaques et le retour de l’inflation en Europe. Grâce à leur agilité et à la montée en compétence des talents, les entreprises africaines font face à ces défis».
Khadim Mbaye / Les Inspirations ÉCO