Monde

Conjoncture : l’industrie américaine touchée par les restrictions de Pékin sur des métaux rares

La décision récente de la Chine de restreindre ses exportations de métaux rares vers les États-Unis pourrait coûter cher aux secteurs américains des énergies renouvelables et de la défense, préviennent des analystes.

Annoncées mardi, les restrictions de Pékin sur ses exportations de métaux rares vers le territoire américain surviennent à l’approche du retour à la Maison Blanche en janvier de Donald Trump. Le président élu a menacé Pékin d’augmenter substantiellement les droits de douane sur les importations de Chine, et fait craindre le retour d’une guerre commerciale ouverte entre les deux premières économies mondiales.

Cette mesure concerne notamment le gallium, le germanium et l’antimoine, des matériaux essentiels à la conception de panneaux solaires et de puces électroniques utilisées dans de nombreuses technologies civiles et militaires. Le graphite, un des composants essentiels à la fabrication de batteries pour les véhicules électriques, fait également l’objet d’une attention renforcée des autorités chinoises. Justifiées par Pékin par des enjeux de «sécurité nationale», les mesures font suite à de nouvelles restrictions de Washington visant elles aussi à entraver la fabrication des précieux composants électroniques.

Selon des analystes, il faudra du temps pour évaluer l’ampleur des conséquences qu’auront ces restrictions d’exportation de métaux rares chinois sur les industries américaines. Si certains estiment que l’annonce relève davantage du symbole, d’autres préviennent que les répercussions dépendront surtout de comment Pékin les appliquera.

«Cela pourrait certainement faire augmenter les coûts», estime auprès de l’AFP Arun Seraphin, de l’association de l’industrie de la défense américaine NDIA.

«Cela va certainement créer beaucoup d’incertitude pour les entreprises qui veulent planifier leur chaîne d’approvisionnement» et «pourrait conduire à des situations où vous ne pouvez pas produire ce dont vous avez besoin», poursuit-il.

Implications majeures
La Chine est un important producteur de gallium, de germanium et d’antimoine. Des restrictions antérieures, notamment en 2023, avaient déjà fait chuter leurs exportations vers les États-Unis. Selon les nouvelles règles chinoises, ces minéraux doivent désormais obtenir une licence avant d’être exportés, et les ventes destinées «à des usages militaires» sont strictement interdites.

Or, ces trois matériaux «sont vitaux pour les technologies de défense», relèvent dans une récente analyse les chercheuses Gracelin Baskaran et Meredith Schwartz du cercle de réflexion CSIS.

Alors que Pékin investit plus rapidement que Washington dans des munitions et des systèmes militaires haut de gamme, «des interdictions de minéraux cruciaux ne feraient que permettre à la Chine de devancer les États-Unis dans le développement de ces capacités», pointe l’analyse du CSIS. L’Institut d’études géologiques des États-Unis estime par ailleurs qu’une restriction simultanée des exportations chinoises nettes de gallium et de germanium se traduirait par une chute de 3,4 milliards de dollars du PIB américain.

En dehors du secteur de la défense, les semi-conducteurs (composants essentiels à la production de puces électroniques) conçus à base de gallium sont utilisés dans les technologies de radio-fréquence, la fabrication de LEDs ou encore le domaine photovoltaïque, pointe l’institut. Et la fabrication de véhicules électriques, contrairement à celle de voitures thermiques, requiert en moyenne 61,7 kg de graphite, selon l’analyse du CSIS.

Défi géopolitique et logistique
La situation est donc délicate pour Washington, qui a récemment appuyé cette industrie via un grand plan sur la transition énergétique comprenant des investissements et des crédits d’impôts pour les consommateurs. Pour Arun Seraphin de NDIA, si les États-Unis ont fait en sorte d’attirer des investissements et de renforcer leur capacité de fabrication de composants électroniques essentiels, ces efforts ne ciblent pas encore les minéraux tels que le germanium.

Or, les autorités chinoises ont notamment mis en place des «licences glissantes de trois mois visant à tenter d’empêcher la constitution de stocks», souligne Paul Triolo, analyse du groupe Albright Stonebridge. Et si des efforts ont été faits pour augmenter les stocks notamment de graphite et de gallium, ils ne semblent pas être coordonnés entre les autorités américaines et leurs alliés dans le but de réduire leur dépendance à l’égard de la Chine sur le long terme.

Selon Paul Triolo, il sera par ailleurs difficile de créer en dehors de Chine des structures de traitement de ces minéraux, en raison des coûts et des défis réglementaires.

«Les entreprises sont réticentes à entrer sur ces marchés sans garanties de subventions à long terme, étant donné la domination des entreprises chinoises», pointe-t-il.

Sami Nemli avec agences / Les Inspirations ÉCO



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