Culture

Violence et jeux-vidéos. L’attentat de Christchurch relance le débat

L’attentat de Christchurch contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande, qui a fait plus de 49 morts a relancé le sempiternel débat sur les jeux-vidéos et la violence.

Si on ne sait encore rien de l’addiction -ou pas- du tireur terroriste vis-à-vis de jeux-vidéos, de nombreux commentaires railleurs ont pourtant été lancés au sujet de la vidéo du tireur, voire même des cas d’apologie de l’acte terroriste, à l’image de celui du jeune homme arrêté à Fès.

Point en commun entre tous ces commentaires : usage du jargon «Gamer». En effet, nombreuses sont les références aux «Battle Royale », dont le très populaire «PUBG», pour parler, sans la moindre empathie, du meurtre horrible de vies réelles. Sommes-nous donc témoins d’une banalisation de la violence chez la communauté de joueurs, où s’agit-il juste de cas isolés ?

Il faut dire que le débat sur la banalisation de la violence par les arts graphiques remonte à bien avant l’existence des jeux-vidéos. C’est pendant les années 50 que le psychiatre américain Fredric Wertham commence une campagne contre les bandes dessinées américaines, les «Comics», les accusant de banaliser la violence chez les plus jeunes, particulièrement dans son livre «The Seduction of the innocent», dans lequel il accuse les comics de pousser les jeunes au crime.

Il va jusqu’à dire que «Hitler était un débutant au regard de l’industrie des Comics» quant à l’enseignement de la violence et du racisme.

«Hitler était un débutant au regard de l’industrie des Comics»

Suite à son livre, de nombreux éditeurs ont fait faillite ou tout au moins arrêté leurs séries les plus adultes. En moyenne, les comics sont devenus beaucoup plus édulcorés qu’auparavant.

Le débat sur les jeux-vidéos et la violence aurait commencé après la fusillade de Columbine aux USA en 1999, quand deux élèves avaient attaqué leur lycée avec des armes à feu, tuant douze élèves et un professeur, et blessé vingt-quatre autres élèves avant de se donner la mort.

Les tireurs étaient fans de jeux vidéo, tels que Doom et Wolfenstein 3D. Harris (un éléve) créait des niveaux pour Doom qui ont été largement diffusés, et qui peuvent être encore trouvés sur internet.

Certaines familles des victimes de la fusillade ont même entamé plusieurs poursuites infructueuses contre les fabricants de certains jeux vidéo : Sony America, AOL/Time Warner, ID Software, Atari, Sega of America, Virgin Interactive Media, Activision, Polygram Film entertainment Distribution, New Line Cinema, GT Interactive Software et Nintendo.

Est-il vrai donc que les jeux-vidéos rendent violent, ou du moins banalisent la violence ?

Les études sont nombreuses et contradictoires. Par exemple, une étude de 2012, relayée auprès du grand public, se présentait comme la première étude montrant les effets à long terme des jeux vidéo violents et concluait : « Plus tu joues, plus tu deviens agressif. » Alors qu’une méta-analyse de 2015, reprenant les résultats d’une centaine d’études sur la question, montre que « l’influence des jeux vidéo sur l’agressivité, les comportements sociaux, les performances scolaires et les symptômes dépressifs sont minimes ».

Selon les statistiques, 27,5% des jeux vidéo vendus aux États-Unis en 2016 étaient des jeux de tir. Dans le monde, Overwatch, jeu de tir, est le jeu dont on parle le plus en 2016 avec 75 000 articles en ligne mentionnant le jeu. En Chine, 52% des joueurs sur pc jouent à PUBG, tandis qu’en France en 2018, tandis qu’en France, 29% des joueurs PC jouent à Fortnite la même année. Les parents s’inquiètent que leurs enfants qui jouent aux battles royale ont une bonnes connaissance en modèles d’armement et leur usage.

De plus, les jeux de tir à la première personne, Call of Duty: World at War, Modern Warfare 2, Call of Duty: Modern Warfare, and Call of Duty Black Ops comptent 24,37 millions de fans en mars 2018. Le battle royal PUBG compte 550 000 joueurs par heure, soit le nombre moyen horaire le plus élevé de joueurs sur Steam, autre record, PUBG a été vendu 27,8 millions d’unités en 2017, ce qui en fait le jeu le mieux payé sur Steam. La popularité des battle royales et des jeux de tirs est donc bien réelle.

Les jeux les plus vendus sur Steam en 2017, les jeux de tir occupent les premières places

Interrogé à ce sujet, le psychosociologue Mouhcine Benzakour confirme qu’il y a bel et bien un rapport entre les images violentes et « le passage à l’acte », et ce, bien avant les jeux-vidéos, les images violentes dans les films et dessins animés peuvent avoir un impact négatif sur les jeunes enfants, pour qui la violence peut devenir banale.

Cela est d’autant plus accentué avec les jeux-vidéos, étant donné que dans ce cas le rapport à l’image n’est plus passif, mais actif, la violence étant même provoquée par l’enfant qui appuie sur les boutons.

Le psychosociologue ajoute qu’un autre élément dans le jeu-vidéo est à l’origine du manque d’empathie et de valeurs humaines : la satisfaction de vaincre virtuellement son « ennemi », ce qui a tendance à développer une satisfaction vis-à-vis des actes violents, ce qui peut rendre la différence entre le réel et le virtuel très floue pour celui qui s’adonne trop à ces jeux.

Le docteur ajoute que parmi les raisons derrière ce phénomène, figure l’intérêt de moins en moins fréquent pour des activités moins enclines à provoquer tant de violence.

En effet, inondés par un flux sans précédent d’images animées que ce soit dans les jeux ou dans d’autres domaines vidéos ludiques, les jeunes aujourd’hui sont de moins en moins intéressés par les arts ou la lecture, ou les contes, ou autres activités pouvant avoir un meilleur impact sur leur créativité et les aider à mieux faire la part des choses entre le réel et l’imaginaire.

Ainsi, il serait injuste de dire que tous les joueurs sont des criminels potentiels, mais il ne faut pas négliger l’impact important de l’image, plus spécifiquement l’image animée sur le subconscient, et la vigilance reste fortement conseillée, particulièrement chez les plus jeunes.


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