Culture

Quand «Eva» inspire…

Dans «Eva», le film français en compétition à la 68e édition de la Berlinale, Benoît Jacquot se permet un exercice de style maîtrisé et propose un film noir mais raffiné. Le tout sublimé par le jeu fin et juste de deux grands comédiens : Isabelle Huppert et Gaspard Ulliel.

Dès les premières scènes où l’on voit un Gaspard Ulliel jeune dans un appartement parisien huppé avec un vieil écrivain anglais, on comprend que le film est presque hitchcockien. Il y a du noir, de la tension et des silences qui en disent long. «Eva», c’est l’histoire de Bertrand campé par Gaspard Ulliel, qui vole une pièce écrite par un écrivain anglais mort sous ses yeux et qui devient un succès. Au moment d’écrire autre chose, l’écrivain escroc se trouve pris dans son propre piège. Pendant ce temps, Régis (Richard Berry), directeur de théâtre et agent, se désespère de lire la nouvelle pièce de Bertrand et lui met la pression. Il rencontre «Eva», jouée par Isabelle Huppert et décide de s’inspirer d’elle pour écrire une histoire. «C’est un film sur l’imposture, non pas tant sur le mensonge que l’on fait aux autres mais sur le mensonge que l’on se fait à soi-même. Ce mensonge devient une sorte de piège, plus on essaie de se tirer de son propre piège, plus le piège se referme», confie le réalisateur français lors d’une conférence de presse. Le réalisateur de «Journal d’une femme de chambre» a à son actif plusieurs beaux films comme «Trois cœurs», «La Fausse suivante» à «Villa Amalia», des «Adieux à la Reine».

Aujourd’hui à la Berlinale, il propose une adaptation du roman de James Hadley Chase, adapté une première fois en 1962 par Joseph Losey. «C’est un roman que j’ai lu à 13 ans et qui m’a marqué, il m’a donné envie de devenir cinéaste. Et ce n’est qu’aujourd’hui que je le réalise. Ce n’est pas parce que je fais le film que j’ai toujours rêvé de faire que je vais m’arrêter là. J’ai encore beaucoup de films devant», continue Benoît Jacquot qui fabrique un thriller psychologique où le jeu des regards est impressionnant. Isabelle Huppert, qu’on ne présente plus, fait du Isabelle Huppert. Elle est sombre, énigmatique, une escort girl décalée en perruque qui enchaîne les clients et qui se fait payer dignement. Le réalisateur a choisi de ne dévoiler aucune scène de nu, inutile selon lui. «Elle n’a absolument pas un instinct prédateur ou propriétaire à l’égard de ce qu’elle dit. Pas du tout. Elle joue comme si elle était la locataire privilégiée d’un film, d’un rôle. Je lui demande d’y entrer, elle y entre doucement et elle sait qu’elle en sortira alors que moi non». Ce mystère est cultivé par un Bertrand qui n’arrive plus à faire semblant mais qui continue quand même. Il écrit sans savoir écrire et se trouve complètement emporté par cette escroquerie qui a fait de lui qui il est. Gaspard Ulliel est fidèle à lui-même. Son jeu est propre, fluide, inné. Il ne joue pas, il vit son personnage et on y croit. On ne sait pas si on doit l’aimer ou le haïr, mais on ne peut pas le perdre du regard. Tel un effet miroir, Eva et Bertrand se ressemblent beaucoup, se rapprochent dans le secret, dans cette vie parallèle qu’ils cultivent. Ils sont attirés l’un par l’autre comme des aimants peut être parce que chacun d’eux voit son reflet à travers l’autre. «C’est intéressant de la part de Benoît de nous avoir réuni parce que ce face-à-face ajoute à la tension et donne l’impression d’une menace permanente», précise Gaspard Ulliel. Une mention à la jeune Julia Roy qui joue la fiancée de Bertrand et qui signe une très belle interprétation bourrée de charme et de fraîcheur. Un film passionnant et surprenant à la fois où il ne faut pas s’attendre à une chute de thriller policier sous peine d’être déçu.


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