Culture

Littérature : Migration féminine à Casablanca, entre automne et précarité

Deuxième ouvrage publié dans le cadre de la collection Tiwizi, qui réunit l’Université Hassan II de Casablanca et La Croisée des Chemins, «Migration féminine à Casablanca, entre automne et précarité», regroupe un ensemble d’articles dans le but de retracer les trajectoires des migrantes depuis leur engagement dans la mobilité, au moment de la prise de décision du départ, jusqu’à leur installation dans la métropole. Détails.

«Par migration féminine autonome, nous entendons toute mobilité où la femme migrante «part seule» en prenant en charge et en assumant par elle-même son projet migratoire visant à satisfaire des objectifs individuels. Notre objectif est d’en décrire les processus, les motivations, les différentes stratégies et ressources mobilisées par les actrices durant leurs itinéraires migratoires. Le processus migratoire est un miroir grossissant des changements qui se passent à une échelle plus globale», indique l’avant-propos de l’ouvrage collectif coordonné par Leila Bouasria, qui rappelle qu’en lui se reflètent les rapports sociaux de génération, de classe et de sexe à l’oeuvre ainsi que les reconfigurations professionnelles possibles dans le cadre d’un travail précaire sans qualification.

«Les trajectoires migratoires des «mouhajirates» nous invitent également à déceler les différents niveaux de tensions dans l’expression de l’autonomie telle qu’elle est décrite et vécue par les migrantes. Comment donc se construit cette autonomie au fil des parcours? Comment devient-elle une des conditions de la vie en ville?» Des questions auxquelles l’ensemble des articles de l’ouvrage s’efforcent de répondre en retraçant les trajectoires des migrantes depuis leur engagement dans la mobilité, du point de vue de plusieurs auteurs, à l’image de Fadma Ait Mous, Sana Benbelli, Amal Bousbaa, Meriam Cheikh, Jamal Khalil, Touria Houssam, Hassan Rachik et Abdallah Zouhairi. Les auteurs donnent à voir comment la flexibilité professionnelle, qui s’accompagne dans la majorité des cas d’une mobilité résidentielle, travaille l’autonomie en la renforçant ou en l’entravant.

«L’entrave est d’ailleurs ce qui permet aux actrices de constater la force de leurs expériences et de rendre compte à la fois de leur constitution en tant que sujet et de leur valorisation personnelle». Un ouvrage à la fois passionnant et prenant que l’article de Leila Bouasria et Meriam Cheikh, intitulé «Les mobilités féminines autonomes à Casablanca», sublime en montrant comment le processus d’autonomisation commence en amont, lors des départs qui sont moins le fait de stratégies familiales que de décisions individuelles.

Leur analyse souligne que les femmes migrantes s’inscrivent davantage dans des rapports d’indépendance que de dépendance à leur famille d’origine. Il s’agit tout d’abord pour ces actrices de sortir d’un environnement inégalitaire. L’article de Sana Benbelli «La migration saisonnière des ouvrières agricoles. Une forme de vulnérabilité ou un projet d’autonomie et d’ascension sociale?» analyse le processus de migration féminine autonome qui se déroule dans des conditions de vulnérabilité. Il s’agit d’essayer de comprendre les principales motivations des ouvrières et de relever les différentes stratégies qu’elles mobilisent pour dépasser les contraintes et s’engager dans des projets de redéfinition identitaire, d’autonomie et d’ascension sociale. Avec une autre oeil, Amal Bousbaa et Abdallah Zouhairi s’attaquent aux «Transferts et lien familial. Le cas des migrantes autonomes à Casablanca» en considérant les transferts d’argent par les migrantes comme un moyen de légitimation de ce nouveau rôle. Ces transferts permettent ainsi de reconfigurer les rôles de chacun au sein des familles des migrantes. Aussi, elles rendent possible la restauration du lien familial malgré les distances prises à la suite du projet migratoire. Le maintien de ce lien est un gage de réussite symbolique et matérielle. Jamal Khalil et Touria Houssam abordent les stratégies qui accompagnent les différentes étapes d’apprentissage de la ville en se focalisant sur le logement. Les deux auteurs décrivent les dynamiques en lien avec la pratique de la colocation féminine, tandis que Hassan Rachik et Fadma Ait Mous s’intéressent à la dynamique des dispositions des migrantes. Il s’agit d’identifier les nouvelles dispositions, justifications et argumentations permettant à de jeunes filles d’émigrer seules, et éventuellement à leur entourage d’accepter cette forme inédite de migration. Un travail profond à découvrir aux Éditions La Croisée des chemins.

Jihane Bougrine
Les Inspirations ÉCO


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