L’odyssée musicale d’un loup solitaire

Difficile de décrire le phénomène Thylacine, tellement il est multidimensionnel. Invité d’honneur à la 4e édition de la Nuit électronique de l’Institut français du Maroc, il a donné deux concerts pleins de générosité et de talent les 12 et 13 juillet à Rabat et Casablanca. Rencontre avec William Rezé pour un moment d’échange plein d’humanité.
Les Inspirations ÉCO : Vous dites souvent que l’ambiance influence votre musique, vos morceaux. À quel point le Maroc va-t-il influencer vos chansons, vos concerts ?
William Rezé Thylacine : Sur mes concerts, j’ai une grande part d’improvisation. Tout n’est pas écrit. Ce n’est pas forcément le Maroc qui va m’influencer, mais les gens, l’ambiance, le concert. Tout va forcément influencer ma façon de jouer. Il faudrait que j’aie le temps de faire des morceaux, ce serait avec plaisir. D’une ville à l’autre, ça n’a rien à voir en termes d’ambiance. Rabat et Casablanca sont différentes. Cela aurait été très intéressant à explorer.
Concrètement, comment cela se manifeste dans le processus de création ?
Ce n’est pas palpable. C’est juste un constat. J’ai une façon de composer, de faire de la musique en retranscrivant les émotions que j’ai. De raconter quelque chose, plus qu’une expérience de studio. C’est vraiment quelque chose d’intuitif. Un peu plus naturel. Que je sois dans une grande ville ou dans la forêt, cela se ressent plus ou moins sur les morceaux. Ce n’est pas une science exacte. Ce qui est bien, c’est quand le public réagit et me dit que ça lui rappelle tel ou tel endroit. Ce n’est pas palpable, mais ça se transmet quand même et c’est ce que j’adore ! Je ne sais pas ce qui fait penser ça, mais ce sont des ambiances, des émotions différentes, ça ne se contrôle pas.
On sent que vous aimez prendre du temps pour faire votre musique…
C’est bien de prendre le temps, mais je travaille assez rapidement. L’important, c’est de prendre le temps de déconnecter. Là où j’ai besoin de temps, c’est de me couper de tout. Ne pas avoir de distraction pour me perdre dans la musique. Mais après, je travaille assez rapidement. Il y a des morceaux qui se font en une journée. D’autres qui prennent 2 ou 3 mois. On ne peut jamais savoir…
Vous parlez de concert quand les DJ parlent plus de «Set». C’est votre côté musicien, saxophoniste ?
Oui, c’est de là où je viens, je viens des concerts. Je serais trop mauvais à faire un DJ Set. Il faut savoir dans quoi on est bon et clairement, le Djing ce n’est pas du tout ma culture. Pour moi, ça reste un concert, j’ai juste des machines différentes qu’un concert classique, mais ça reste un concert avant tout.
Comment êtes-vous passé du saxophone à la musique électronique ?
C’était par envie de composer. Je jouais dans différents groupes, au saxophone. Je connaissais très peu la musique électronique, ce n’était pas mon milieu. Je vivais dans une petite ville où ce n’était pas vraiment la culture. Je trouvais excitant de raconter une histoire à travers une chanson, un morceau. La musique électronique m’a permis ça, de faire un morceau du début jusqu’à la fin, seul. Je me suis plongé dans les tutos, j’ai commencé à apprendre.
Vous êtes donc un soliste, un loup solitaire tout en créant au contact des gens, comme votre projet transsibérien. Comment jonglez-vous entre le besoin d’être seul et le besoin d’être entouré ?
Pour faire de la musique, j’ai besoin d’être seul, dans le train, c’était parfait parce que j’étais dans ma cabine avec le paysage qui défile et il y a un côté bulle qui est génial. Et de temps en temps, j’ai besoin des gens, de leur contact, d’être inspiré. J’aime les collaborations spontanées, pas forcément logiques. Quand c’est trop calculé, ça ne fonctionne pas. Donc j’alterne avec les deux côtés : m’inspirer des gens, puiser dans la rencontre pour avoir quelque chose à raconter. Dans un deuxième temps, j’aime m’isoler pour mieux créer.
Thylacine, c’est la notion de rareté ou la nostalgie d’antan ?
J’avais vraiment besoin de trouver un nom qui ait un sens, qui ait une histoire. J’étais étudiant en biologie à l’époque et je suis tombé sur ce mot. Je l’ai adoré, je l’ai trouvé particulier. Vu que l’animal n’existait plus, ça m’intéressait de lui donner un autre sens, une autre vie qui n’a rien à voir, un sens musical.
Biologie, mais aussi des études aux Beaux Arts, tout en étant saxophoniste. Comment ce côté pluridisciplinaire se manifeste-t-il dans votre projet musical ?
Le but, c’était de mêler plein de choses, le but n’était pas de faire un projet 100% musical. Le centre est musical, mais il y avait une volonté de travailler le graphisme, un projet image et son en même temps sur les concerts, les clips, les pochettes d’albums. De me faire plaisir. Tous ces dialogues entre image et musique me fascinent. C’est lié. Quand je crée de la musique, j’ai l’image en tête ou une image peut inspirer une musique. Cela dépend.
Est-ce qu’il y a des projets non musicaux qui se profilent à l’horizon ?
Oui ! Pour l’instant, ils sont toujours en parallèle avec la musique, et au projet musical. C’est possible que, dans 5 ans, la musique ne soit plus centrale. Même si cela reste la façon pour moi la plus évidente de m’exprimer. Mais j’aime m’exprimer différemment…Donc oui, sûrement ! (Rires).