Jean Steffens : «Le Maroc, tout le monde en rêve !»

Le Maroc pourrait abriter les Francopholies. Les festivals sont ses points forts. Tout y est, les infrastructures et le public, affirme Jean Steffens, créateur du festival de Spa et, avec Charles Gardier, son co-directeur.
Les Inspirations ÉCO : Pourquoi rassembler tout le festival dans une même et seule enceinte cette année ?
Jean Steffens : Notre volonté était de rassembler l’ensemble des spectateurs dans 5 ou 6 scènes, dans différents lieux au sein même de ce site. Notre volonté consistait à permettre à ce public de circuler, à simplifier le passage d’une scène à l’autre. Nous voulions être cohérents, être dans un système qui nous permette de bien répartir les espaces et le flux. Nous avons des petites scènes découverte où des groupes émergents se produisent dans des conditions professionnelles, et des scènes plus vastes, dans un parc où il y a des fontaines, de l’eau. Spa est une ville d’eau de renommée internationale, elle profite également de l’événement pendant 4 jours et 4 nuits pour démontrer qu’elle est à la pointe des projets de type touristique, thermal et muséal.
Comment est né le festival, il y a 25 ans, et pourquoi opter pour une ville comme Spa ?
Il est né grâce à une relation privilégiée que nous entretenions avec un remarquable artiste belge, Pierre Rapsat, l’un des leaders de la nouvelle génération Rock en France et en Belgique. À l’époque, il avait déjà pas mal bourlingué et travaillé sur une tournée, puis une deuxième. Il nous a dit que nous avions quelque chose en commun: la relance de la chanson française en Belgique. Dès lors, il était judicieux de penser à la meilleure formule. Nous avons pensé à plusieurs villes, mais Spa avait une histoire, avait un festival qui fonctionnait comme un concours pendant près de 20 ans: le concours international de la chanson française. Il a connu des heures de gloire avec les passages de Francis Cabrel, Maxime le Forestier, Renaud, Maurane, Yves Duteil et plein d’autres… On a su que le projet devait se faire en Belgique. On est allé à Spa pour présenter le projet au maire et, en 1994, commençait une aventure qui allait se poursuivre 25 ans.
Quel est la particularité de ce festival, en comparaison avec celui de la Rochelle ou de Montréal ?
C’est un festival qui tient compte de la particularité du public et des artistes, qui sont belges! C’est un festival avec plein de frites et plein de sauce belge! (Rires). Aujourd’hui, «la belgitude», on la consomme aussi bien dans la musique que dans le cinéma, dans l’art en général. Il y a une belgitude profonde dans les Francofolies. Spa est une petite ville, il y a une certaine proximité, de la convivialité, c’est une région très simple. On est en Ardennes, il faut beau, chaud la journée, froid la nuit. La verdure est incroyable. C’est un festival pour tout le monde, un festival familial, où tout le monde se retrouve.
Contrairement à la Rochelle ou à Montréal justement, votre programmation n’est pas toujours 100% francophone…
En Belgique, comme nous sommes au cœur de l’Europe, il est inconcevable de travailler sans se rendre compte que dans notre communauté française en Belgique, il y a énormément d’artistes qui sont véritablement intéressés par l’exportation, par l’anglais, le flamand, l’allemand. On ne peut pas faire des Francofolies un ghetto, «on chante en français ou on ne vient pas»! On est né dans une région qui parle français mais, autour de nous, on parle d’autres langues, d’autres dialectes. On ne va pas demander à Rachid Taha de ne pas chanter une partie en arabe ou un artiste africain de renier son dialecte. Nous promouvons des artistes reliés ou en lien avec la chanson francophone ou la culture francophone, de façon directe ou indirecte. Peu importe qu’ils chantent en italien, en espagnol ou en arabe.
Comment jonglez-vous entre les têtes d’affiche et la scène émergente ?
Nous sommes une équipe de cinq-six personnes, chacun de nous propose ses coups de cœurs, ses découvertes. On se déplace dans le monde entier pour assister à des festivals, des concerts, dans des lieux qu’on ne connaît pas. On reçoit 600-700 bandes démo. C’est un réceptacle de jeunes talents. Beaucoup de groupes ou d’artistes ont commencé leur carrière ici, et les artistes savent qu’on ne leur ment pas quand on leur promet de les accompagner pendant 5-10 ans. On est donc très sollicités…
Vous avez tenté une «expansion» à Kinshasa. Pensez-vous à des Francofolies Maroc ?
Nous ne sommes pas détenteurs du label international, nous avons des accords avec certains lieux, notamment Kinshasa, parce que nous sommes tous très liés au Congo. Le Congo est un cousin de la Belgique. Mais le Maroc, tout le monde en rêve, bien sûr! Vous avez déjà les structures, vous avez énormément de festivals. Nos amis de la Rochelle, de Paris ou autre… si jamais un projet d’expansion devait être proposé en Afrique, le Maghreb serait probablement prioritaire !