Festival des Andalousies atlantiques : Coexister en musique
Essaouira a accueilli, du 26 au 29 octobre, la 14e édition du Festival des Andalousies atlantiques en prouvant, encore et toujours, sa volonté de fédérer et de chanter pour le vivre ensemble. Un week-end qui aura encore laissé des traces sur les murs de paix de Mogador.
De la musique qui rassemble, des mots qui ont du sens, des échanges qui rapprochent, telle est l’ambiance des Andalousies atlantiques, à chacun de ses passages à Essaouira. Du 26 au 29 octobre, le vent s’est calmé pour laisser place à l’harmonie. Dans un monde où l’on se déchire, Essaouira prouve que la coexistence est possible, que les conflits de religion sont biaisés, que l’histoire raconte que les Musulmans et Juifs sont frères de culture.
Ouverture en apothéose
Essaouira est apaisée et sereine pendant la 14e édition des Andalousies atlantiques puisqu’elle accueille des festivaliers du monde entier venus admirer des concerts de qualité où Juifs et Musulmans chantent les mêmes mots, les mêmes incantations. Des moments marquants et d’une grande poésie qui commencent par un concert d’ouverture, ce jeudi 26 octobre à la salle omnisport. Une salle comble venue applaudir le Rabbin Haim Louk qui commence son concert par une phrase qui résume la situation : «le monde doit s’inspirer de la coexistence qu’il y a au Maroc !». Il présente des chants traditionnels en faisant des apartés à la fois drôles et touchants sur ô combien les Juifs et Musulmans vivaient en harmonie avant. Enfant d’Essaouira, il rappelle que ses racines sont d’ici, dans un arabe dialectal parfait. Un moment de musique complété par Abderrahim Souiri en compagnie du grand maître Mohamed Amine El Akrami qui ont su enchanter le public, venu nombreux, avec une interprétation majestueuse du répertoire judéo-arabe. «À Essaouira, nous refusons d’être amnésiques et on résiste au vertige et au confort de l’oubli vient», renchérit André Azoulay, conseiller du roi et président-fondateur de l’Association Essaouira-Mogador. Un refus d’oublier concret puisque l’évènement rappelle à chaque seconde que le patrimoine partagé est vaste comme ces rendez-vous après minuit à Dar Souiri où le public a vibré au rythme de la soirée de Madih et du Samâa, qui a été animée par l’une des grandes confréries d’Essaouira et par la voix de Hajj Marina. Le lendemain, même heure, Dar Souiri fêtait encore la rencontre des traditions musulmanes et juives avec des chants de Chabat. Une rencontre pour une soirée de «Baqqachot» autour de récitants de l’école rabbinique marocaine la plus authentique réunis pour rendre hommage à deux des plus grands poètes et chantres souiris (fin 19e et début du 20e siècle), Rabbi David Ifah et Rabbi David Elkaïm.
Paix et amour
Après la soirée d’ouverture qui a donné le ton à une quatorzième édition marquante, les colloques faisaient leurs débuts vendredi matin. Ce rendez-vous devenu aussi important que nécessaire permet d’échanger sur des thématiques du vivre ensemble et partager ses anecdotes, des histoires du passé ou ses envies pour un futur paisible. Des interventions souvent pleines d’émotions où les cœurs s’ouvrent et où la douleur de l’exil revient souvent. À Dar Souiri toujours, les concerts de l’après-midi ont su apporter de l’émotion également comme ce concert de vendredi après-midi de la talentueuse chanteuse palestinienne Loubna Salama, qui a partagé la scène avec Rabbin David Menahem pour chanter l’amour, la paix et la fraternité. Un moment plein de sens donnant une belle leçon au monde qui ne cesse de se déchirer. L’après-midi avait commencé par le Rabbin David Menahem qui a ouvert le bal avec un répertoire de classiques arabes en enchantant le public sur du Abdel Halim Hafid avant de laisser la place à Loubna Salama qui a rendu un bel hommage à son idole : Oum Khalthoum. Un duo qui chante ensemble depuis 15 ans et qui est d’accord sur le fait que le Maroc est une terre d’espoir. «Le Maroc a beaucoup de leçons à donner en termes de vivre ensemble», confie le Rabbin David Menahem qui revient «aux sources» à Essaouira. Quant à Loubna Salama, elle se dit émue de découvrir le pays de cette manière, «la plus belle des manières».
La magie du direct
Entre messages et grands moments de musique, il y a des instants qui restent figés dans le temps et dans la mémoire. Abir Al Abed, chanteuse qui a fait ses débuts à Essaouira quand la directrice artistique de l’époque, Françoise Atlan, la découvre et la propose aux Andalousies atlantiques. Tout de suite, la voix profonde et riche en nuances de cette native de Tanger, touche et marque. Elle se fait remarquer cette année lors de l’émission «Arab Idol» et revient aux sources plus forte que jamais. Lors de ce concert de vendredi soir où se sont enchaînés les divas marocaines : Zainab Afailal de Tétouan et Fatima Zohra Qortobi de Rabat dans la douceur et le talent, la chanteuse tangéroise a subjugué par une voix qui a mûri et qui a gagné en force, une voix qui rappelle l’héritage du flamenco dans les chansons arabo-andalouses. Une public ravi, une belle entrée à cette soirée qui allait voir le triomphe de la diva Raymonde Al Bidaouia qui sait donner vie, mieux que personne, au répertoire musical marocain. Un hommage à l’art populaire marocain avec l’orchestre Cherkani sous la direction du grand violoniste Ahmed Cherkani. Du Chaabi au Melhoune en passant par le Chgouri, la «perle orientale» a su s’emparer du public à chaque fois grâce à sa voix, sa joie de vivre, son humour et son charisme. Une générosité sans faille que le public a ressenti et qui lui a rendu sa générosité de la plus belle des manières ; par une standing ovation. Un week-end qui s’est achevé avec le groupe tchèque Létajici Rabin, qui ont fait découvrir les musique Yiddish, Klezmer et Tzigane et les Chorale Azhar Al Andalous ainsi ou encore la Chorale andalouse des écoles de Mogador. Un week-end hors de l’espace et du temps que les Andalousies atlantiques ont offert à un public conquis et conscient que la coexistence est la réponse à tout. À l’année prochaine.