En isolement forcé, comment la scène culturelle s’adapte
Suite aux mesures de sécurité préventives décrétées par les autorités marocaines et l’Organisation mondiale de la santé qui recommandent la restriction des grandes manifestations, le monde de la culture se retrouve en berne. En clair, c’est la fin des rassemblements et des évènements culturels dont l’essence est de créer une cohésion sociale.
Au Maroc, les festivals sont annulés à l’image de Mawazine, le Festival des musiques sacrées de Fès et Timitar. Les concerts sont reportés, les tournées arrêtées, les salles de cinéma fermées, condamnant ainsi le monde de l’art à l’isolement et au chômage. «Je n’ai aucune visibilité sur les mois à venir et le pire c’est qu’on ne sait pas combien de temps cela va durer», confie l’actrice Sarah Perles dont le tournage à Madrid a été arrêté du jour au lendemain suite à la propagation du virus.
«Je suis rentrée à Paris avant qu’ils ne ferment les liaisons avec Madrid», raconte la jeune actrice qui était sur un projet de série important pour Netflix.
Le quotidien est, donc, chamboulé pour des nombreux artistes. La chanteuse Oum en pleine tournée européenne a vu ses concerts annulés au rythme des décisions d’interdire tout rassemblement de plus de 100 personnes. Il en est de même pour un grand nombre de réalisateurs dont les projets sont en stand-by. Les peintres ont aussi vu leur vernissage sont annulés. Les sorties de livres sont aussi reportées à une période ultérieure. Leila Slimani en sait quelque chose. Son nouveau roman «Le pays des autres», dont la sortie était prévue le 5 mars a vu ses présentations et ses séances de dédicaces «reportées à une autre date». «Le problème, c’est qu’ultérieurement, ça n’a jamais été aussi flou», confie Brahim El Mazned, fondateur de Visa For Music et directeur artistique de Timitar.
Coup dur pour le business
En plus des artistes, les promoteurs d’évènements sont dans le «flou total». «La culture est un secteur fragile déjà. D’ailleurs, les premières mesures face au virus ont touché directement la culture, nous étions les premiers pointés du doigt», explique Brahim El Mazned qui avoue qu’aujourd’hui le secteur est encore plus fragilisé. Le fondateur du premier marché musical dans la région MENA déplore l’implication de la jeunesse freinée par cet arrêt soudain. «Il me semble que lors de crises comme cela, si la création s’arrête, un des seuls liens de cohésion sociale, comment remonter le moral des gens ?», s’interroge-t-il en espérant éviter le danger de laisser la culture au second plan.
«Le danger avec la reprise, c’est que l’on s’occupe de la culture quand tout ira mieux. Il ne faut pas tomber dans cela, la culture est primordiale, il faut commencer par là, reprendre une vie culturelle normale», rappelle le militant culturel.
Quant au Backstage, aux salles de concert et fief des musiciens de la scène alternative, la fermeture ce samedi dernier a été dure à encaisser. «Dès que nous le pourrons bien-sûr nous rouvrirons, dès que la santé de tous ne sera plus en danger. La culture fera toujours partie de notre ADN et heureusement nous ne dépendons pas de sponsors pour l’instant.
À notre vitesse à nous et selon ce que nous pourrons faire après cette catastrophe mondiale que vit aussi notre cher pays», explique Ghislaine Andalous, directrice de l’endroit qui se demande comment payer les charges d’un établissement qui n’a ouvert qu’il y a un an et qui commençait à peine à trouver une vitesse de croisière. «Nous sommes en train d’étudier les choses et ferons de notre mieux pour garantir le minimum à nos équipes. Nous ne pouvons qu’avancer au fur et à mesure et en fonction de l’évolution de la situation. Comme l’a dit le premier ministre lui-même, personne ne peut prévoir ce qui se passera durant les prochains jours». Quant aux salles de cinéma, Cinéatlas décide de réagir en procédant à «une désinfection totale de chaque recoin du cinéma, un remplacement des moquettes abîmées et quelques coups de peinture», en mettant ses cadres en télétravail et en espérant pouvoir accueillir ses clients très prochainement.
«Nous rouvrirons dans 2, 3, 6 mois… je n’en ai aucune idée mais le jour J, je veux que nous soyons tous là pour vous recevoir, toujours souriants et accueillants dans un cinéma qui a su vous séduire en mariant modernisme, patrimoine et convivialité et devra encore vous étonner, nous y travaillons également», précise Pierre-François Bernet, CEO de Ciné Atlas Holding.