Cinéaste chevaleresque !

Ilias Faris s’est illustré au Festival national du film de Tanger, en raflant le Prix du jury et le Prix du scénario pour son court métrage «Roujoula». Rencontre avec un réalisateur qui a su toucher avec une histoire profondément ancrée dans la réalité marocaine tout en étant universelle.
Il est vif, drôle, intelligent. Il respire le cinéma, l’aime et le cinéma le lui rend bien ! Ilias El Faris est l’un des grands gagnants de la compétition court métrage du Festival national du film de Tanger. Son film «Roujoula» a reçu deux prix : Prix du Jury et Prix du meilleur scénario. Une consécration pour ce jeune cinéaste plein d’entrain qui a toujours eu le cinéma dans le sang. Petit déjà, il épatait la galerie et faisait rire ses petits camarades. «J’allais à l’école pour faire rire toute le monde. La maîtresse me demandait d’aller sur l’estrade chaque fois qu’elle en trouvait l’occasion. J’imitais alors un peu tout le monde, rejouant des scènes de l’école et prenais ainsi naïvement ma revanche sur l’ordre et l’ennui des adultes. J’ai donc d’abord fait du théâtre que j’ai continué en parallèle de mes études de cinéma. Je faisais aussi partie d’un groupe de breakdance dans les rues de Casa. Bref, tout était bon pour ne pas sombrer dans les études que je trouvais sinistres sans être particulièrement mauvais», explique le jeune réalisateur qui prend conscience de son amour pour le 7e art après avoir découvert des films comme «Ali Zaoua» ou «La Haine» à l’âge de 13 ans.
Après avoir opté pour une option cinéma lors de son cursus au Lycée Lyautey de Casablanca, Ilias El Faris s’inscrit à l’Université Paris 8 pour suivre une formation dans le cinéma jusqu’au Master 2 réalisation. Pendant ce temps là, il joue quelquefois dans des courts métrages en France, il fait un peu l’assistant sur des tournages au Maroc tout en jouant dans des théâtres parisiens. Et puis il y a eu le tournage de son premier film auto-produit à Taghazout : «Azayz». Un film muet en super 8 qui a fait le tour de plusieurs festivals comme l’EMAF, Côté-court, Journées cinématographiques de Carthage, Tous-courts, Maghreb des films, MedFilmFest di Roma et a été récompensé du prix du Jury international au Doclisboa 2016. C’est à cette période là que le boulimique de travail écrit «Roujoula». «Ce film est né à Casablanca dans la ville où j’ai grandi, ville où des jeunes diplômés investissent la rue pour travailler. Je cherchais un film chez un moul DVD qui n’était pas de mon quartier : Alors que je me perdais un peu dans sa logique de classement, il m’a dit naturellement : «Ici, c’est la file histoires…» Moi – «… Quelles histoires ?» Lui – «Histoires vraies, histoires d’amour… Histoires quoi !» Voilà. J’avais un personnage, il me fallait une histoire».
Ilias El Faris commence alors à imaginer une chronique autour d’un vendeur où le DVD provoquerait l’échange, serait le prétexte pour révéler indirectement toute une société casablancaise, et ce qu’il reste de son rapport au cinéma. La relation au frère est venue après, au fur et à mesure de l’écriture, en prenant le dessus. Le réalisateur et scénariste signe une fresque sincère et profondément humaine. «Le tournage était passionnant, j’étais ivre des possibles, étrangement disposé à improviser. Tourner au coeur d’une ville comme Casa était très intense et un peu éprouvant. Mais c’était surtout un désir tenace : capter quelque chose de l’énergie chaotique de la ville était à l’origine même du projet», raconte le jeune réalisateur fier des liens forts qui se sont noués entre son équipe et lui. Mais en emmenant le film à Tanger, le jeune réalisateur qui puise son inspiration chez des réalisateurs comme Edward Yang, «chef de file de la nouvelle vague taïwanaise», le moins rare Hong Sang Soo «qui fait beaucoup respirer le cinéma coréen et international», Faouzi Bensaïdi, feu Ahmed Bouanani Pasolini, Kiarostami ou encore Ozu avait à la fois peur tout en attendant ce moment avec impatience. «Je voulais écrire un film marocain (pouvant être compris ailleurs) tout en ne trahissant rien de notre authenticité, de nos nuances particulières presque imperceptibles. À ce titre, je partage les mots de Mohammed Moftakir et du jury. Leurs prix m’ont comblé. Je les prends tels qu’ils sont : un encouragement à continuer ici, un peu de confiance pour dissiper beaucoup de doutes». Des doutes dissipés également par de nombreux projets en cours comme un film pour le CNAP (Centre national des arts plastiques) et le Grec (groupe de recherches et d’essais cinématographiques) sans oublier de continuer à faire voyager «Roujoula» un peu partout dans le monde avec une diffusion sur Canal + à venir…Il n’y a aucun doute, Ilias El Faris est un talent à surveiller de près !