Adnane Hakoun.. des clichés pour remercier les « Héros du quotidien »
Au cœur de sa Chaouen natale et où qu’il passe, Adnane Hakoun scrute les rues, les regards, les âmes histoire de capter des instants de vie que lui seul à le don de voir. En cette période de confinement, l’émotion est partout. Une aubaine pour le photographe à la sensibilité à fleur de peau. Zoom sur des clichés débordants d’humanité pour dire…
«Née ou innée» : c’est ainsi que celui qui épie les rues de Chaouen décrit sa passion pour la photographie. Bien qu’il se fasse appeler le «Fauxtographe», il n’y a aucune fausse note dans son œuvre, à la fois fluide et sincère. Adnan Hakoun est un voleur d’âme, il sait capter le vrai en quelques secondes seulement, en un seul clic. Et cela est souvent troublant.
«Mon père a toujours été passionné par les photos, par la photographie en général. Les premiers jouets ou objets que j’ai eus à manipuler étaient un appareil photo, une boîte ou bobine de pellicule, des diapositives ou encore un projecteur. J’ai appris les techniques assez jeune, mais machinalement, sans vraiment me consacrer à la photographie ni m’y intéresser assez pour que cela devienne une passion», confie celui qui tombe dans le bain d’arrêt en 2010, lorsqu’une amie lui achète un appareil photo.
Ce n’est qu’un détail puisque le photographe est là depuis longtemps, il ne lui fallait qu’un moyen d’expression. Pour lui, l’humain, l’artistique et l’émotion sont étroitement liés. Ses photos sont humaines et humanistes. C’est sûrement pour cela que ses influences sont des capteurs d’instants au supplément d’âme comme Viviane Mayer, Sebastiao Salgado, Henri Cartier-Bresson ou Cornell Capa, et que la photo est pour lui un beau texte dont le sujet est fort, mis en valeur par une écriture propre, fluide et expressive.
«On garde le sujet pour la photo et l’on change les mots par les couleurs, le cadrage, l’exposition et le contraste. Il faut non seulement que le sujet parle, interpelle mais qu’il y ait aussi une portée esthétique et technique qui fasse basculer la prise dans l’artistique. Pour résumer, une photo réussie reproduit les émotions et les sensations ressenties lors de sa prise».
Capter le confinement
Avec la sincérité comme credo, il est tout à fait naturel, pour ce photographe épidermique, qu’une situation aussi exceptionnelle que celle que nous vivons l’inspire et le nourrisse. «J’ai su, avec les premières rumeurs de cas de contamination au Maroc -et surtout avec tout ce qui se passait en Chine et en Italie- que l’on allait entrer dans une période de crise particulièrement sensible, imprévisible et à laquelle personne ne s’attendait, ni n’était préparé. Une première pour les dernières générations», explique le photographe qui, poussé par sa curiosité, s’empare de son appareil afin de faire face à cette nouvelle situation et à ce qu’elle suscite comme réactions et émotions intenses.
«C’est aussi un devoir civique: j’étais dans l’obligation de m’impliquer à travers le devoir d’informer les personnes confinées et celui d’immortaliser ces moments forts qui appartiendront certainement à notre histoire». La solidarité, le civisme et le professionnalisme des personnes quotidiennement présentes sur le terrain, des agents d’autorité aux agents de la propreté, en passant par les commerçants, les fonctionnaires et les bénévoles, le touchent, l’inspirent.
«Prendre des photos est aussi devenu un devoir de reconnaissance et une manière de témoigner ma gratitude à toutes ces personnes qui œuvrent pour que le confinement se passe dans les meilleures conditions, que cette crise emporte le moins de monde et fasse le moins de dégâts», continue celui qui est ému pour la dévotion et l’abnégation des personnes confrontées tous les jours aux risques sur le terrain.
Ce qui a le plus capté son attention? «Les regards! Presque toujours les mêmes, à la fois vides et profonds, intenses, reflets de la complexité humaine et des paradoxes qui animent l’être, dans lesquels on lit aussi bien la peur et le doute que le courage et l’amour-propre, l’appréhension et l’incertitude face à une situation qui nous échappe mais aussi la volonté de vouloir rassurer et de se montrer fort. Le regard est et restera donc cette fenêtre sur la profondeur de l’âme». Merci à ces héros du quotidien!