Culture

2M, une chaîne à bout de souffle

Ce n’est un secret pour personne : 2M souffre depuis plusieurs années d’une crise financière qui asphyxie les comptes de la chaîne et laisse courir les rumeurs sur son possible rachat.

 La plus importante chaîne du Maroc va très mal. Au point que les syndicats ont demandé au début du mois, au chef de gouvernement et aux ministres de tutelle de réagir de toute urgence pour sauver la SOREAD. « La chaîne est en difficulté depuis 2014 et à chaque Conseil d’administration, le sujet est évoqué. Il faudrait réagir et de manière urgente », avait écrit Miloudi Moukharik dans sa lettre adressée aux ministres de l’Économie et des Finances et de la Culture et de la Communication. Le chef de la première centrale syndicale du Maroc a regretté que le gouvernement marocain n’ait pas réagi de manière effective au rapport de la Cour des comptes de 2015 qui évoquait déjà l’asphyxie de la chaîne de télévision créée en 1989.

 Un modèle économique caduc

 « Il faut rappeler que la chaîne 2M est détenue à hauteur de 76 % par l’État marocain. Elle est donc sujette à la loi 77-03 portant sur la communication audiovisuelle. Cette loi fixe les engagements de l’État envers la chaîne, mais aussi un contrat-programme. Celui-ci définit le modèle économique de 2 M », analyse Mohamed Elwafy, membre du syndicat de la deuxième chaîne. En vertu de l’article 51 de la loi 77-03, l’État fixe un cahier des charges que la chaîne est sommée d’appliquer. En même temps, l’État est obligé d’accorder le financement nécessaire correspondant aux choix éditoriaux fixés par le contrat-programme. L’article 51 stipule : « Des contrats-programmes annuels ou pluriannuels sont conclus entre l’État et les sociétés nationales, définissant les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre pour répondre à des obligations particulières, dont la couverture nationale, les standards technologiques, les obligations de contenu et celles liées à la fourniture de services associés, à leur nature nationale en matière d’information, d’éducation, de culture ou de programmes régionaux. Le financement accordé doit correspondre au coût effectif découlant du respect de ces obligations ». Mais selon nos sources, la chaîne ne reçoit pas la contrepartie de l’application du cahier des charges. « Pour appliquer à la lettre le cahier des charges fixé par le ministère de Communication, il faut accorder à la chaîne un budget avoisinant les 250 MDH. Et ce budget ne concerne que le fonctionnement et le la production et n’inclue aucunement le budget d’investissement. Mais à l’ordre du jour, l’État n’octroie que 45 MDH hors taxes, et ceci dure depuis 2013. Cela crée un gouffre financier que la chaîne ne saura pas combler. Ce qui fait que l’État ne représente que 5 % du budget de SOREAD », nous explique Mohamed Elwafy, avant d’ajouter avec ironie : « Nous sommes la seule chaîne publique au monde à avoir une aussi basse contribution étatique ».

 Le verdict de Jettou

 La Cour des comptes a donné une vue d’ensemble sur la situation des chaînes nationales, et surtout la deuxième chaîne dans son rapport sur le paysage audiovisuel marocain. Selon son rapport, l’évaluation de l’impact de l’entrée en vigueur des cahiers des charges a donné lieu à un manque à gagner total sur recettes publicitaires de l’ordre de 190 MDH. Le rapport de la Cour présidée par Driss Jettou souligne que les obligations des cahiers des charges ont été largement dépassées par la SOREAD avec des taux de réalisation supérieurs à 100 %. « Cela signifie que la chaîne a rempli sa part du contrat, mais que l’État a failli à ses engagements », atteste le syndicaliste. Concernant la situation financière de la chaîne, la Cour des comptes la juge préoccupante. En effet, le fonds de roulement de la société est structurellement négatif, donnant lieu à une trésorerie négative depuis 2008. « En 2008, l’État n’a donné aucun sou à la chaîne, ce qui lui a été fatal », martèle Mohamed Elwafy. La SOREAD avait procédé au cours de l’exercice 2012 à une réduction du capital pour un montant de 282,2 MDH, ramenant ainsi le capital de 302,4 MDH à 20,2 MDH, suivies d’une augmentation de capital. Cette opération avait porté le capital de la société de 20,2 MDH à 358,7 MDH. Rappelons que selon les chiffres de la HACA et de Marocmétrie, 2M reste la première chaîne en audience, comptabilisant 34 % de part de marché, tandis que la SNRT (avec ses 7 chaînes) n’en gratte que 13 %, ce qui fait de 2M le champion national. Notons enfin que l’État n’a conclu avec la SOREAD qu’un seul contrat-programme pour la période 2010-2012, qui coïncide avec le deuxième cahier des charges du pôle public, et pour des contributions financières de 80 MDH en 2010, de 55 MDH en 2011 et de 35 MDH en 2012.


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