Saham Bank : la vitesse de croisière atteinte dans trois ans ?

Le reveal de la nouvelle identité visuelle de Saham Bank, moment fort de la conférence de presse tenue à Casablanca, entérine officiellement la naissance de l’entité née du rachat, en décembre, de la SGMB par le groupe Saham. Une mue célébrée sans emphase, par une équipe dirigeante déjà concentrée sur les chantiers à venir.
Arrivés en grappes, micros en main et caméras à l’épaule, une faune de journalistes et de représentants de médias converge ce mercredi matin vers le siège historique de l’ex-SGMB, installé depuis 1979 au 55, boulevard Abdelmoumen, à Casablanca. Devant les baies vitrées, le logo a été soigneusement dissimulé, le temps d’une conférence de presse.
Le changement de branding, attendu de longue date, est célébré avec retenue. La transformation stratégique, que le top management veut progressive, s’inscrira sur un temps long.
«Il faudra trois ans pour atteindre la vitesse de croisière», glisse d’emblée un membre du directoire de Saham Bank. À l’origine de cette mue, le tournant amorcé – pour rappel – en décembre dernier, lorsque le groupe Saham a finalisé l’acquisition des parts détenues par Société Générale Maroc. Un basculement qui marque la création d’un nouvel acteur bancaire, aux ambitions affichées.
Le sens de l’urgence
Depuis le closing de décembre, une nouvelle entité bancaire prend forme, sans rupture apparente dans l’organigramme : le directoire en place reste inchangé. Deux logiques cohabitent désormais. L’une, institutionnelle, héritée de la Société Générale, avec son assise réglementaire et ses liens de long terme avec l’écosystème local.
L’autre, plus entrepreneuriale, portée par le groupe Saham, familier des cycles courts, de l’innovation et des prises de risque calculées. Le défi pour le top management consiste à faire dialoguer ces deux univers et à inscrire cette transition dans une trajectoire cohérente, portée par une ambition assumée. Ce dernier préfère d’ailleurs parler d’«histoire» plutôt que de feuille de route. Une manière d’ancrer le récit dans une dynamique collective, née de la greffe rapide entre les équipes de l’ex-SGMB et celles du groupe Saham.
Cette convergence repose sur des fondations jugées solides : un actionnariat aux ambitions affirmées, une gouvernance stable — présidée par Moulay Hafid Elalamy — et une stratégie clarifiée dès les premiers mois. À cette ossature s’ajoute une raison d’être que la nouvelle banque assume pleinement, replacer la finance au service de l’humain. Non pas une rupture, insiste-t-on, mais une accélération dans la continuité. Le changement d’identité, enfin, n’est pas érigé en totem.
«Ce qui compte, ce n’est pas le nom», fait valoir Yacoubi en reprenant les mots du président du conseil.
Tout au long du reveal de la nouvelle identité visuelle de Saham Bank, l’ombre de l’ancien ministre de l’Industrie et du Commerce Moulay Hafid Elalamy n’a cessé de planer sur les échanges. «D’habitude, nous venons d’un métier où l’on s’accommode de la complexité», glisse Ahmed Yacoubi, président du directoire. «Mais dès le premier conseil de surveillance, le cap a été donné par Moulay Hafid Elalamy de simplifier les process, rendre la complexité invisible au client, tout en s’appuyant sur le digital comme levier d’accélération».
Tout miser sur le digital
Une nouvelle application mobile, développée localement en quelques semaines, accompagnera la nouvelle signature de la banque. Elle s’inscrit dans un programme plus large de modernisation des canaux et de simplification des usages. Le modèle se veut résolument omnicanal, articulant services à distance, agences repensées — certaines désormais spécialisées — et centre de relation client aux horaires élargis.
Les offres ont également été revues. Deux nouveaux packs sont attendus dans les jours à venir. Ils sont le fruit de consultations avec les clients et se veulent plus lisibles, plus directs, dans une logique de simplification assumée. Ce souci de clarté traverse aussi les activités de crédit.
François Marchal, en charge de la banque corporate, assure que si les délais de traitement ont été raccourcis, «l’analyse de risque n’est pas bradée». Un équilibre que la banque revendique, s’appuyant sur un portefeuille de crédit parmi les mieux provisionnés du marché. Au sujet de la qualité d’actif, le nouvel entant revendique un taux de couverture supérieur à 70% pour les créances en souffrance.
«En intégrant les créances dites sensibles, notre taux de couverture approche les 60%, ce qui nous place parmi les établissements les mieux provisionnés du marché», explique un membre du directoire.
Quant à une éventuelle entrée en bourse, le président du directoire adopte une posture prudente. «Cela ne fait que cinq mois que nous sommes sous le contrôle effectif du groupe Saham. Notre priorité est de construire ce que nous venons de vous présenter.»
Pour autant, aucune piste n’est écartée à long terme, à condition que les fondamentaux soient consolidés. Interrogé sur la relation aux clients internationaux, le président balaie d’un revers de main toute idée de perte de confiance après la sortie de Société Générale. «La nationalité n’a jamais été déterminante. Ce que recherchent nos partenaires étrangers, c’est de la solidité, de la lisibilité et de l’expertise». À ses yeux, les investisseurs restent fidèles à une institution qui a su, au fil du temps, construire des liens de confiance durables, indépendamment des changements d’actionnaires.
En façade, la transition s’affiche déjà
À cette exigence de simplification s’ajoute celle d’une excellence relationnelle, particulièrement mise en avant dans l’activité corporate. Le discours se veut plus direct, les circuits de validation raccourcis, les expertises renforcées.
L’objectif est de redonner au banquier un rôle d’interlocuteur, dans une logique de partenariat plus que de produit. Une évolution qui répond aux attentes exprimées par une partie du tissu entrepreneurial, souvent confronté à l’inertie des grands réseaux. À la sortie de la conférence, les filiales du groupe — Eqdom, La Marocaine Vie, Saham Assurance… — amorcent leur changement de façade. C’est déjà le cas dans plusieurs quartiers de la métropole.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO