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Réduction du taux directeur : quel impact sur l’emploi ?

La décision de Bank Al-Maghrib de ramener le taux directeur à 2,25% est une mesure bienvenue pour soutenir l’activité économique. Mais face à un taux de chômage persistant, notamment chez les jeunes et les diplômés, ce desserrement monétaire suffira-t-il à résorber une crise structurelle de l’emploi ?
Tout porte à croire que l’investissement, bien que nécessaire, ne représente qu’une infime partie des leviers à actionner pour répondre à un défi aussi complexe.

C’est un défi majeur auquel le Maroc fait face : un taux de chômage persistant, particulièrement alarmant chez les jeunes et les diplômés. Dans un tel contexte, la création d’emplois devient une priorité nationale. Il est de notoriété publique que la productivité stimule l’emploi et que l’investissement encourage la dynamique de l’activité économique.

La décision récente de Bank Al-Maghrib de réduire le taux directeur à 2,25 % s’inscrit dans cette logique. Mais comment une politique monétaire plus souple peut-elle aider à résoudre une crise de l’emploi profondément enracinée ?

Entre espoirs et défis structurels
Les théories économiques suggèrent qu’une baisse des taux directeurs peut relancer la dynamique économique. Une liquidité moins chère facilite en effet l’accès au financement, ce qui encourage les investissements et, par ricochet, soutient l’emploi.

Cependant, la réalité de l’économie marocaine semble plus complexe. Pour Omar Kettani, professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat, une donne importante est à prendre en compte : celle de l’investissement par rapport à l’inflation.

«Si, d’un côté, l’accent est mis sur la lutte contre l’inflation, cette démarche va à l’encontre de l’investissement. Par conséquent, la consommation recule, impactant ainsi l’activité économique. Dans le cas contraire, en encourageant l’investissement, l’inflation risque de repartir à la hausse. Quoi qu’il en soit, la problématique de l’emploi est bien plus structurelle. La simple stimulation de l’investissement ne suffira pas. Pour l’emploi, il faut un ensemble de mesures, et l’investissement ne représente qu’une infime partie des instruments à actionner», affirme-t-il.

Mohamed Chiguer, économiste, abonde dans le même sens, mais s’appuie sur une autre théorie. «Pour les petites et moyennes entreprises, l’accès au financement ne représente pas un obstacle majeur, comme le démontrent des études du HCP. Il en ressort que plus de la moitié de ces entreprises n’est pas concernée par le développement ou l’expansion des structures. Certaines refusent de s’endetter, tandis que d’autres cherchent à limiter leurs charges.De plus, il est important de rappeler que l’entreprise n’a pas pour vocation de créer des emplois. Son rôle consiste à générer des bénéfices», explique-t-il.

Pour lui, c’est la division sociale du travail et les grandes structures qui créent l’emploi.

«L’entreprise et l’État sont des agents qui doivent transformer l’emploi potentiel en emploi effectif, ce qui n’est pas le cas actuellement. De plus, l’investissement, souvent perçu comme un levier de création d’emplois, ne produit pas systématiquement cet effet. Pire, il peut même, dans certains cas, contribuer à détruire des postes de travail», souligne Chiguer.

L’informel, un gisement inexploité
La situation est encore plus complexe dans un marché du travail marqué par des déséquilibres profonds. Pour y remédier, le gouvernement a adopté une feuille de route pour dynamiser l’emploi, dotée d’un budget de 15 milliards de dirhams destiné à soutenir les investissements. Bien que saluée par certains, cette mesure est perçue par d’autres comme «à fonds perdus», insuffisante pour répondre aux défis structurels du pays.

«Croire qu’avec un tel budget, on va dynamiser l’emploi, c’est ignorer les leçons des programmes passés, qui n’ont pas permis de résorber durablement le chômage», déplore un expert contacté par nos soins.

D’un côté, l’organisation, la restructuration et l’accompagnement du secteur informel pourraient représenter une clé pour résoudre le problème. De l’autre, le taux d’encadrement, très faible, devrait être amélioré, ce qui ne nécessite pas nécessairement de grands moyens.

Par ailleurs, les experts s’accordent à dire que la formation professionnelle joue un rôle crucial dans la création d’emplois. Certains suggèrent même de créer des centres dédiés en milieu rural pour une meilleure qualification. Toutefois, ces derniers déplorent le manque d’études approfondies sur la problématique avant le lancement de toute mesure.

Omar Kettani
Professeur d’économie à l’Université Mohammed V de Rabat

«Si, d’un côté, l’accent est mis sur la lutte contre l’inflation, cette démarche va à l’encontre de l’investissement. Par conséquent, la consommation recule, impactant ainsi l’activité économique. Dans le cas contraire, en encourageant l’investissement, l’inflation risque de repartir à la hausse. Quoi qu’il en soit, la problématique de l’emploi est bien plus structurelle, la simple stimulation de l’investissement ne suffira pas. Pour l’emploi, il faut un ensemble de mesures, et l’investissement ne représente qu’une infime partie des instruments à actionner».

Mohamed Chiguer
Économiste

«Pour les petites et moyennes entreprises, l’accès au financement ne représente pas un obstacle majeur, comme le démontrent des études du HCP. Il en ressort que plus de la moitié de ces entreprises n’est pas concernée par le développement ou l’expansion des structures. Certaines refusent de s’endetter, tandis que d’autres cherchent à limiter leurs charges. De plus, il est important de rappeler que l’entreprise n’a pas pour vocation de créer des emplois, son rôle consiste à générer des bénéfices».

Maryem Ouazzani / Les Inspirations ÉCO



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