Record historique de l’activité judiciaire en 2017
Avec 47.657 affaires enregistrées, 39.655 jugées, 43.507 toujours en cours, la haute Cour en 2017 enregistre l’année la plus prolifique de son histoire, en hausse de 20% par rapport à 2016 et de près de 50% en comparaison à 2011.
La Cour de cassation démarre aujourd’hui, jeudi 25 janvier, son année judiciaire, avec de nouvelles prérogatives pour son parquet général qui chapeaute, depuis octobre dernier, l’ensemble du ministère public du royaume. Seulement, sur les questions procédurales, l’ancienne Cour suprême dépasse largement ses prérogatives propres. En effet, alors que l’activité judiciaire continue de stagner depuis 2012 autour de 3 millions d’affaires dans l’ensemble des juridictions du royaume, celle de la Cour de cassation, elle, ne cesse de croître de manière vertigineuse. Avec 47.657 affaires enregistrées, 39.655 jugées, 43.507 toujours en cours, la haute Cour enregistre en 2017 l’année la plus prolifique de son histoire, en hausse de 20% par rapport à 2016 et de près de 50% en comparaison à 2011, année durant laquelle la juridiction a connu une transformation constitutionnelle.
Cette tendance lourde s’explique en partie par l’accélération entreprise par le premier président, Mustapha Fares, en matière de liquidation des affaires antérieures. En effet, dans le lot des dossiers jugés et classés, 49,77% étaient enregistrés en 2016 et 16,03% avant 2015, les contentieux déposés durant 2018 n’ont finalement représenté que 34,20% des affaires jugées. D’ailleurs, la Cour se targue que la durée moyenne de traitement de 78% des dossiers est d’une année. Mais les magistrats de cassation justifient quant à eux ce déphasage entre les chiffres de la Cour et ceux du reste des juridictions par le recours systématique à l’examen du fond. En matière de procédure, la «Cour de cassation ne connaît pas le fond des affaires, sauf dispositions législatives contraires». Il en résulte donc que son rôle juridictionnel est réduit à un contrôle de légalité qui revêt, d’une part, un caractère normatif, en ce qu’il vise à une interprétation uniforme de la loi et d’autre part, un caractère disciplinaire – c’est la fonction de contrôle de l’application du droit par les juridictions du fond. Pour cela, les magistrats collégiaux sont guidés par la préoccupation de limiter le nombre de décisions créatrices de jurisprudence pour mieux unifier le droit. «Ces deux objectifs sont effectivement liés: c’est en rendant moins de décisions juridiquement significatives, mais en veillant davantage à la clarté et à la cohérence des arrêts créateurs de droit que la Cour de cassation peut élaborer une jurisprudence d’envergure, plus lisible, plus explicite, évitant les incertitudes, les ambiguïtés et les fluctuations nuisibles à la prévisibilité de la règle», explique Mustapha Fares, premier président de la Cour de cassation, lors de son discours d’ouverture de l’année judiciaire. Mais la pratique s’éloigne de plus en plus de cet idéal. Selon les statistiques officielles de la Cour pour l’année qui vient de s’écouler, 28% des affaires jugées l’ont été suite à des examens de forme, tandis que 72% le sont après une étude de fond. Une aberration, puisque cette dernière est supposée être une exception dans l’activité de la haute juridiction. Les praticiens expliquent ce phénomène par la prédominance du pénal. La chambre criminelle de la Cour de cassation représente près de 70% des activités de la Cour.
La procédure de non-admission en matière pénale est en effet principalement utilisée pour les affaires jusqu’ici inscrites au rôle de forme, dans lesquelles les délais sont expirés sans production de mémoire ou dans lesquelles le pourvoi initialement formé n’est en définitive pas soutenu par le demandeur. Pour les autres, celles dans lesquelles le pourvoi est soutenu par un mémoire motivé, la procédure d’admission est pratiquée avec prudence et ne concerne que les pourvois dans lesquels l’irrecevabilité ou le caractère non sérieux du moyen est évident. Au surplus, en l’état actuel de la pratique de la chambre criminelle, la non-admission est systématiquement exclue pour les affaires de détention. Ce sont généralement les conseillers qui, lors de l’examen des dossiers qui leur ont été distribués, font inscrire l’affaire sur un rôle d’admissibilité. Mais le procureur général peut, s’il le souhaite, réorienter un dossier du rôle normal vers un rôle d’admissibilité. Ils sont ensuite examinés à une audience devant les membres de la Cour. S’agissant des «séries» de dossiers relevant de contentieux mineurs, répétitifs et donnant lieu à des solutions connues et non susceptibles de remise en cause immédiate, il est possible qu’après examen préalable, les dossiers soient portés à un rôle d’admissibilité dès le stade de la distribution. Ce qui explique l’inflation de l’activité de la chambre criminelle….