Mohamed Elfane : “Il n’y a pas de vide juridique dans notre secteur”
Mohamed Elfane
Président de la Fédération marocaine de la franchise
La franchise fait l’objet de débats passionnés entre partisans d’un cadre législatif structurant et défenseurs de la souplesse contractuelle. En jeu, la quête d’un équilibre entre la liberté d’entreprendre
et l’impératif de préserver un modèle.
Le secteur de la franchise au Maroc a connu des évolutions notables ces dernières années. Comment évaluez-vous cette progression et quelles perspectives voyez-vous pour 2025 ?
Le secteur de la franchise au Maroc a connu des hauts et des bas. Après une année 2023 difficile, marquée par l’inflation et les tensions économiques mondiales, 2024 a montré des signes de reprise.
Le second semestre a été plus dynamique grâce à la baisse progressive de l’inflation et à des mesures incitatives, portées par la volonté de Sa Majesté de stimuler la confiance économique. Nous comptons actuellement 745 franchises, représentant plus de 5.000 points de vente, avec une prédominance de marques internationales comme McDonald’s, Zara ou encore Western Union.
Pour 2025, nous restons optimistes malgré les défis persistants. Notre objectif est de créer des champions nationaux à l’horizon 2030 tout en consolidant la présence des franchises étrangères au Maroc.
Vous vous opposez à l’idée d’une loi spécifique pour encadrer la franchise. Pourquoi ?
Il n’y a pas de «vide juridique» contrairement à ce que certains affirment. Le cadre contractuel existant offre une flexibilité adaptée aux besoins des franchiseurs et des franchisés. Nous évitons ainsi de contraindre le secteur avec des règles rigides qui, dans d’autres pays comme la France, se sont révélées contre-productives.
La loi sur la concurrence, qui régit tous les commerçants, pourrait bénéficier d’améliorations. Mais l’essentiel reste la qualité des contrats entre franchiseurs et franchisés. Ces derniers doivent être établis avec l’aide d’experts pour anticiper des scénarios économiques difficiles ou des conflits potentiels.
Certains franchisés estiment que ce cadre juridique les désavantage. Qu’en pensez-vous ?
Les tensions entre franchiseurs et franchisés apparaissent souvent en périodes de crise économique, lorsque le franchisé peine à maintenir les standards imposés. Toutefois, ces situations peuvent être prévues en amont par des clauses contractuelles adaptées. La clé réside dans l’accompagnement et la formation des franchisés pour leur permettre de comprendre pleinement leurs engagements.
Que répondez-vous à ceux qui considèrent qu’un cadre spécifique renforcerait l’attractivité pour les investisseurs étrangers ?
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Près de 80% des franchises au Maroc sont des marques internationales. Si le cadre juridique actuel était un frein, nous n’aurions pas une telle présence de grandes enseignes. Ce n’est donc pas une loi spécifique qui incitera les investisseurs, mais plutôt un environnement économique stable, des incitations fiscales et une main-d’œuvre qualifiée.
Quels sont les principaux défis que rencontre le secteur ?
L’accès aux experts en franchise reste limité. Les cabinets spécialisés sont peu nombreux et souvent coûteux, ce qui complique la situation pour les petites et moyennes entreprises. De plus, les crises économiques récentes ont révélé certaines fragilités, en particulier dans des secteurs comme la restauration ou le prêt-à-porter. Cela dit, nous constatons également des opportunités dans des segments comme le sport ou les services financiers.
Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO