Éco-Business

Med Paper à couteaux tirés avec les importateurs

Les difficultés de Med Paper sont-elles dues à l’accroissement massif des importations de papier? C’est le principal point débattu lors de l’audition publique organisée hier par le ministère du Commerce extérieur dans le cadre d’une enquête de sauvegarde sur les importations de papier en bobine et en rame ouverte suite à une requête du producteur national il y a neuf mois.  

Med Paper se porte mal. Les parts de marché de l’entreprise sont passés de 51% à 4,7%. Une situation qu’elle impute à l’accroissement massif des importations. En tant qu’arbitre, le ministère chargé du Commerce extérieur a lancé une enquête de sauvegarde sur les importations de papier en bobine et en rame suite à une requête de l’unique producteur national de papier. Ce département ministériel devrait bientôt rendre son verdict. L’enquête a atteint la phase de l’audition publique. Hier, les importateurs et exportateurs et Med Paper ont présenté leurs points de vue, arguments et thèses opposées conformément à l’article 78 de la loi relative aux mesures de défense commerciale.

Pendant des heures, les deux parties ont défendu leurs intérêts. De l’avis des importateurs et des exportateurs, les difficultés de Med Paper ne sont pas causées par les importations mais plutôt par ses choix stratégiques qui «n’ont pas toujours été les bons». Le manque de compétitivité, le problème de la qualité, la difficulté à répondre à la demande nationale, l’absence d’une approche commerciale efficace… sont autant de points soulevés. On estime que la demande de sauvegarde est injustifiée en raison de l’absence de lien de causalité entre le dommage grave et l’accroissement massif des importations dont le développement n’est pas «imprévu». Les importateurs et exportateurs rejettent aussi l’existence du dommage grave subi par la branche de production nationale.

Ils reprochent à Med Paper de s’être basée sur une longue période pour pointer du doigt l’accroissement massif de l’importation alors que la demande de sauvegarde ne doit se faire qu’en cas d’augmentation sur une courte durée. Les importateurs de transformation estiment que le producteur national ne s’est pas préparé à une concurrence prévisible du fait du démantèlement tarifaire, ainsi que de la rationalisation des coûts chez les concurrents. Aussi, la société n’a-t-elle pas pu, aux yeux des importateurs, suivre les exigences de la demande marocaine notamment en ce qui concerne le rapport qualité-prix. C’est le cas par d’exemple du livre scolaire qui cherche des offres compétitives tant sur le marché national qu’international pour pouvoir réaliser des marges de bénéficie compte tenu que le ministère de l’Éducation nationale fixe les prix de vente des manuels.

En somme, Med Paper est appelée par les importateurs à revoir sa stratégie pour pouvoir sortir de sa léthargie, se moderniser et être compétitive. Med Paper, pour sa part, estime que les statistiques de l’Office des changes témoignent de l’accroissement massif des importations entre 2011 et 2015. Alors que la consommation marocaine a augmenté de 20%, «les importations ont connu une hausse de 135% pour le papier en bobine et 200% pour le papier en rame». Une situation expliquée par Med Paper par la crise de 2008 et la baisse de la demande européenne qui a conduit les entreprises internationales, notamment celles ayant augmenté leurs capacités de production à écouler leurs marchandises dans d’autres marchés, notamment au Maroc. Med Paper cite le cas de la Jordanie et de la Turquie qui ont pris des mesures pour sauvegarder la production nationale. S’agissant des prix qui restent l’élément-clé, Med Paper reconnaît avoir des difficultés en la matière.

L’entreprise a déployé un grand effort en baissant ses prix au-dessous du coût de revient. Mais elle n’a pas pu continuer à adopter cette stratégie car ses dirigeants estiment que l’augmentation des importations n’est pas conjoncturelle. Sur le volet de la modernisation qui a été soulevé à plusieurs reprises par les exportateurs, le producteur national se défend en précisant que la technologie dont il dispose est des plus récentes. Med Paper a en effet investi 300 MDH dans le cadre de sa mise à niveau. Seulement, l’entreprise n’arrive toujours pas à amortir la nouvelle machine qui ne tourne que deux mois par an.

Ainsi, Med Paper peine à rembourser le crédit contracté. La société tire la sonnette d’alarme: de 480 emplois directs, elle est passée à 380 et ce chiffre risque encore de diminuer si rien n’est fait. Fruit de la fusion entre Papelera de Tetuan et Safripac en 2008, Med Paper est spécialisée dans la fabrication de papier (bobines, rouleaux, ramettes, chemises, cahiers et registres, blocs-notes, enveloppes…). Rappelons que suite à une requête déposée par Med Paper en 2013, elle bénéficie depuis septembre 2014 d’une mesure anti-dumping contre le papier A4 du groupe portugais Portucel Soporcel.



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