Marché boursier : le retour des particuliers redéfinit les équilibres

Le quatrième trimestre 2024 marque un tournant dans le profil des investisseurs à la Bourse de Casablanca. Si les institutionnels continuent de dominer le marché, une tendance nouvelle et significative émerge : l’essor des investisseurs individuels marocains. Cette évolution, couplée à une croissance substantielle des volumes de transactions et une liquidité en forte hausse, illustre un niveau de maturité retrouvé du marché boursier.
La confiance est bien de retour à la Bourse de Casablanca, comme en témoigne l’appétit croissant des investisseurs qui, depuis 2024, reviennent en force sur le marché actions. Le premier trimestre 2025 confirme cette tendance. La place de Casablanca a maintenu son élan haussier, avec un volume total des transactions atteignant 33,48 milliards de dirhams, dont 21,55 milliards sur le marché central.
L’indice MASI a enregistré une progression de plus de 20%. Une dynamique soutenue par l’augmentation de la contribution des investisseurs institutionnels et le retour en force des personnes physiques marocaines. Les deux représentent respectivement 62,4% et 25,8% des transactions en actions. Ces évolutions s’inscrivent dans la continuité des réalisations de 2024. Le marché boursier a montré, en fin d’année, une résilience surprenante, mais c’est surtout l’évolution du profil des investisseurs qui mérite une attention particulière.
Avec une forte hausse des volumes de transactions et un renouvellement des acteurs présents, ce trimestre a marqué un tournant dans la structure du marché. La domination des investisseurs institutionnels et des personnes morales continue de marquer l’empreinte du marché, mais des changements significatifs ont été observés dans la participation des investisseurs individuels. Loin d’être un simple phénomène passager, cette transformation pourrait redéfinir le paysage de l’investissement au Maroc dans les années à venir.
Une forteresse institutionnelle, les personnes morales à la tête du marché
Les chiffres du 4e trimestre 2024 publié par l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) sont sans équivoque. Les investisseurs institutionnels, principalement les personnes morales marocaines et les Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), dominent le marché. Ces deux catégories ont représenté 68% du volume total des transactions, une part qui témoigne de l’importance de ces acteurs dans l’équilibre du marché.
En termes de montants, les personnes morales marocaines ont réalisé un volume total de 7,8 milliards de dirhams en achats et en ventes, marquant une progression de 59,4% par rapport au quatrième trimestre de 2023. Cette dynamique est d’autant plus intéressante qu’elle reflète la confiance croissante des acteurs institutionnels dans la robustesse du marché.
Un analyste basé à Casablanca note que «les personnes morales continuent d’être les moteurs principaux du marché, en raison de leur capacité à prendre des positions importantes. Les données montrent une forte implication dans les achats, mais également dans les ventes, ce qui démontre une gestion active des portefeuilles».
En outre, les OPCVM, avec leurs achats en hausse de 47,8 %, confirment leur rôle essentiel dans la liquidité du marché, opérant principalement en tant qu’acheteurs nets.
L’appétit croissant des investisseurs individuels, une révolution en cours
Bien que les investisseurs institutionnels dominent, il est impossible de ne pas remarquer la montée en puissance des personnes physiques marocaines. Ces dernières ont vu leur volume d’achats multiplié par 2,6 par rapport à 2023, atteignant un total de 4,3 MMDH.
Cette évolution est d’autant plus frappante qu’elle survient dans un contexte où la participation des particuliers était historiquement plus modeste. La progression des ventes des investisseurs individuels, qui ont atteint 4,8 MMDH, marque également un changement dans la manière dont les petits investisseurs abordent le marché. Les analystes s’accordent à dire que cette hausse de la participation des personnes physiques est un signe de maturation du marché boursier marocain.
«Ce que l’on observe, c’est un phénomène de démocratisation de l’investissement. Les investisseurs individuels prennent davantage conscience des opportunités qu’offre la bourse, et il y a une véritable volonté de diversifier les portefeuilles», explique un analyste boursier.
Cette tendance est soutenue par des initiatives visant à simplifier l’accès à la bourse et à améliorer la culture financière au Maroc.
Une présence relativement modeste des investisseurs étrangers
Le profil des investisseurs étrangers, quant à lui, reste discret. Avec seulement 4,5% du volume total des transactions, les investisseurs étrangers n’ont pas eu un impact majeur sur le marché boursier marocain au quatrième trimestre 2024.
Cette tendance s’inscrit dans un contexte plus global où les investisseurs internationaux se montrent de plus en plus prudents, notamment en raison des incertitudes géopolitiques et des tensions économiques mondiales. Les ventes des investisseurs étrangers ont augmenté de 41,9% par rapport au trimestre précédent, mais leurs achats ont diminué de 0,6%.
«Le marché boursier marocain reste assez fermé aux investisseurs étrangers. Toutefois, il y a des opportunités sous-exploitées dans des secteurs stratégiques comme l’énergie ou les infrastructures qui pourraient attirer davantage de capitaux internationaux dans un avenir proche», commente un analyste financier.
Cela dit, le Maroc continue de jouer un rôle de premier plan dans la région, il devrait connaître une augmentation de la participation étrangère avec les efforts qui se font pour renforcer la compétitivité et la visibilité de son marché au niveau international.
Une liquidité en forte croissance
Le volume des ordres de bourse est un autre indicateur de l’activité du marché, et le quatrième trimestre 2024 a marqué une avancée significative avec une augmentation de 81,1% par rapport à l’année précédente, atteignant 408.646 ordres.
Cette forte progression témoigne d’une liquidité accrue sur le marché central, qui a représenté 51% du volume total des transactions. En comparaison, le marché des blocs a constitué 49% des échanges, mais avec un volume légèrement inférieur (19,8 MMDH). Les analystes s’accordent à dire que cette croissance du nombre d’ordres est un signe que les investisseurs, tant institutionnels qu’individuels, deviennent plus actifs.
«La forte augmentation des ordres est le reflet d’une confiance grandissante dans le marché. Plus d’investisseurs veulent participer activement, ce qui renforce la liquidité et favorise l’efficacité du marché», explique un trader.
Un marché en maturation et de nombreuses opportunités à saisir
Le quatrième trimestre de 2024 a montré que le marché boursier marocain traverse une phase de transformation. Les investisseurs institutionnels continuent de dominer, mais les personnes physiques marocaines prennent une place de plus en plus importante dans les échanges, contribuant à la diversification des profils d’investissement.
Cependant, la part relativement modeste des investisseurs étrangers montre qu’il reste encore des défis à relever pour rendre le marché marocain plus attractif à l’international.
Sanae Raqui / Les Inspirations ÉCO