Éco-Business

Lionel Zinsou : “Nous n’avons pas besoin d’intérioriser les crédits sur nous-mêmes”

Lionel Zinsou
Banquier, économiste, ex-premier ministre du Bénin

Ne dites surtout pas à Lionel Zinsou que la transformation de l’Afrique est lente. «C’est la région où la croissance est la plus rapide après l’Asie. Par ailleurs, lorsqu’on révise nos chiffres, ils sont plus élevés que ceux qui sont affichés annuellement parce qu’on sous estime les secteurs nouveaux comme les télécoms, la logistique, les services financiers…», rétorque le banquier et ex-premier ministre du Bénin. En même temps, les défis restent immenses pour créer un environnement plus épanouissant, notamment pour les jeunes.

La conjoncture remet au premier plan les questions de souveraineté. À quoi imputez-vous la transformation relativement lente des économies africaines ?
Il ne faut pas regarder l’Afrique comme étant lente. En moyenne, la croissance du PIB s’élève à 5% l’an dans nos pays depuis pratiquement vingt ans. La récession de 2020, due à l’arrêt de l’économie mondiale pendant un trimestre, représentait la moitié de celle de l’Europe. À l’intérieur de l’Afrique, dans la zone UEMOA par exemple, il n’y a pas eu de récession. Ce n’est pas un exploit non plus parce que nous avons une croissance démographique de 3% et que, par tête, des personnes se sont appauvries. Mais dire que l’Afrique est lente est un cliché. C’est la région où la croissance est la plus rapide après l’Asie. Par ailleurs, lorsqu’on révise nos chiffres, ils sont plus élevés que ceux qui sont affichés annuellement parce qu’on sous-estime les secteurs nouveaux comme les télécoms, la logistique, les services financiers… L’Afrique part d’une situation de sous-développement qu’elle n’a pas voulue. Malgré les chocs -au passage, elle n’en est pas à l’origine- elle continue de faire de la croissance. Nous n’avons pas besoin d’intérioriser les crédits sur nous-mêmes. En revanche, on ne peut pas tout faire en même temps. L’Afrique est en train de développer ses infrastructures. Sachant qu’il est difficile d’aller vite en matière industrielle lorsque vous ne maîtrisez pas l’électricité et l’eau, que vous n’avez pas de routes, d’infrastructures sociales…

Ces taux de croissance ne permettent, dans le meilleurs des cas, qu’à stabiliser le taux de chômage. Comment arriver à rendre la croissance plus inclusive ?
Nous avons un problème collectif même si, dans chaque pays, on a l’impression que c’est la faute du gouvernement. Tout ce qu’on nous demande comme effort comporte beaucoup de capital et peu d’emplois. Les investissements dans les infrastructures sont lourds mais génèrent peu d’emplois pérennes. L’agriculture aussi est l’un des secteurs les plus intensifs en capital. Tant que nous sommes dans la phase de construction des routes, des ports, des aéroports, nous dépenserons beaucoup plus de capital qu’on ne créera de jobs.

Peut être aussi qu’on ne promeut pas suffisamment le secteur privé
Les investissements en infrastructures sont nécessaires pour assurer le développement de l’industrie et des services qui sont des secteurs plus intensifs en emplois. L’Afrique a passé les vingt dernières années à s’équiper et il est vrai que cela a retardé d’autant la capacité des industries et des services qui en dépendent. Nous entrons maintenant dans une phase qui est beaucoup plus créatrice d’emplois et qui économisera du capital, même s’il reste encore beaucoup de travail. Pour créer suffisamment de postes de travail, il faut que le secteur privé se développe parce que l’État ne peut pas tout faire. De temps en temps, on nous reproche d’avoir trop de dettes publiques. C’est paradoxal parce que nous sommes le continent ayant le rapport dette/PIB le moins élevé.  Avec la remontée des taux d’intérêt à l’international, n’y a-t-il pas urgence à développer des mécanismes pour mieux orienter l’épargne domestique. Faute de quoi le financement des politiques

publiques pourrait être bien plus lourd ?
Oui, il faut développer une politique de l’épargne longue domestique parce qu’on est dans une situation beaucoup plus confortable ainsi. L’Afrique épargne 20% du PIB. C’est un taux d’épargne qui mérite d’être bien activé dans des banques, des institutions de développement, des fonds souverains ou sur les marchés en finançant, par exemple, les obligations des États. Quant aux taux d’intérêt, il ne faut pas trop se focaliser là-dessus. L’inflation augmentant, les taux d’intérêt vont suivre. Mais pour l’instant, ce sont les taux d’intérêt réels qui comptent et ils restent maîtrisés. Ne nous inventons pas une crise de taux d’intérêt, ce n’est pas encore le

Franck Fagnon / Les Inspirations ÉCO


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