Éco-Business

Li Changlin : “Nous n’avons pas peur des sanctions. Nous allons nous battre jusqu’au bout”

Li Changlin
Ambassadeur de Chine au Maroc

Dans un rare exercice de transparence de près de deux heures à l’Université Cadi Ayyad de Marrakech, Li Changlin, ambassadeur de Chine au Maroc, a livré devant un parterre attentif les grandes lignes de la diplomatie chinoise. Coopération scientifique, déficit commercial, investissements, Sahara, élargissement des BRICS, sanctions américaines… aucun sujet n’a été éludé dans une intervention qui en dit long sur la manière dont l’Empire du milieu entend structurer sa relation avec le Royaume.

La Chine est aujourd’hui un partenaire économique majeur pour le Maroc, mais le déficit commercial du Royaume reste important. Pékin est-elle disposée à ouvrir davantage son marché à des produits marocains à plus forte valeur ajoutée ?
Le volume des échanges pâtit, il est vrai, d’un déficit structurel en défaveur du Maroc. Nous en sommes conscients, et des efforts sont consentis pour rééquilibrer cette tendance. La participation accrue d’opérateurs locaux à la Foire internationale des importations de Shanghai témoigne de notre volonté de créer un cadre d’échange plus équilibré. À titre d’exemple, l’exportation de figues de barbarie marocaines vers le marché chinois est en cours de facilitation.

Le Maroc ambitionne de devenir un hub industriel et logistique pour l’Afrique. Quel rôle la Chine lui assigne-t-elle dans le cadre de l’Initiative «Belt and Road»?
Le Maroc est un pays stratégique et stable, à la jonction entre l’Europe et l’Afrique. Dans le cadre de l’Initiative la Ceinture et la Route, nous envisageons un rôle structurant pour le Royaume, en tant que plateforme de transit, mais aussi de transformation industrielle pour l’ensemble du continent. Autant dire que le Maroc est un partenaire stratégique pour nous, disposant de nombreux atouts qui en font un point d’appui naturel dans le déploiement de nos projets.

Justement, Tanger Tech a connu plusieurs phases de gel. La Chine reste-t-elle pleinement engagée dans ce projet ?
Le projet a connu un ralentissement, notamment à cause de la pandémie, mais il n’a jamais été abandonné. Des acteurs majeurs comme China communications construction company (CCCC) y sont toujours activement engagés. Tanger Tech est conçue comme un écosystème industriel intégré, alliant zone franche et ville intelligente. Elle a vocation à accueillir des industries de pointe et à renforcer la vocation du Maroc en tant que trait d’union économique entre l’Afrique, l’Europe et l’Asie.

Le Maroc entretient des liens étroits avec les États-Unis et l’Europe, tout en développant ses relations avec la Chine. Comment Pékin perçoit-elle cette diplomatie d’équilibre ?
La Chine respecte pleinement les choix souverains du Maroc en matière de politique étrangère. Ce qui importe à nos yeux, c’est que la coopération sino-marocaine continue à se développer sur la base du respect mutuel, de la non-ingérence et d’un bénéfice partagé. La multipolarité des relations diplomatiques du Royaume ne nous pose aucun problème, tant qu’elle ne remet pas en cause la qualité de notre dialogue bilatéral.

Certains industriels évoquent une influence indirecte des États-Unis sur la relation sino-marocaine. Pékin partage-t-elle cette lecture ?
Nous n’avons pas vocation à commenter les décisions prises par des partenaires tiers. Ce que nous affirmons, c’est notre attachement à des relations fondées sur l’indépendance, la confiance et la transparence. La Chine n’exerce aucune pression sur ses partenaires et attend en retour que ses interlocuteurs puissent développer leurs relations extérieures sans céder à des considérations exogènes.

Le modèle chinois de partenariat peut-il évoluer vers un cadre plus inclusif, notamment sur le transfert de savoir-faire ?
C’est déjà le cas dans plusieurs accords conclus entre opérateurs chinois et marocains. Le transfert de savoir-faire, la formation locale et la montée en compétence sont des composantes essentielles de notre approche. La Chine privilégie une coopération fondée sur la co-construction, et ce, dans les domaines d’infrastructures, les technologies, ou encore dans le capital humain. Le Maroc, par son niveau de développement et son positionnement régional, est un partenaire naturel pour ce type de collaboration durable.

Peut-on envisager des co-investissements Afrique-Maroc-Chine ?
Le Maroc, de par sa position géographique et ses relations historiques avec l’Afrique, est un partenaire clé pour la Chine dans le cadre d’une coopération triangulaire. Nous envisageons des co-investissements dans des secteurs tels que l’agriculture, les énergies renouvelables et les infrastructures, en associant les expertises chinoises et marocaines pour répondre aux besoins spécifiques des pays africains.

Cette approche vise à promouvoir un développement harmonieux et à long terme sur le continent. Le Royaume nous intéresse aussi au vu de ses accords de libre échange avec les États Unis, pour contrecarrer la hausse des droits de douane annoncée par la nouvelle administration américaine

La Chine est leader mondial dans les technologies solaires et les batteries. Quels types de partenariats sont envisageables avec le Maroc ? Un transfert d’une partie de la chaîne industrielle au Royaume est-il envisageable, notamment pour ce qui est de la fabrication locale de composants critiques ?
La transition énergétique est au cœur de nos priorités communes. La Chine est disposée à collaborer étroitement avec le Maroc pour développer des projets dans le domaine des énergies renouvelables, y compris l’hydrogène vert. Cela inclut encore une fois le transfert de technologies, la formation de ressources humaines locales ainsi que l’investissement dans des infrastructures de production et de stockage. Notre objectif est de soutenir le Royaume dans sa stratégie de développement durable et de renforcer sa position en tant que leader régional dans le domaine des énergies propres.

Ayoub Ibnoulfassih / Les Inspirations ÉCO



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