Les parlementaires divisés
C’est un discours soigneusement ficelé sur le nouveau régime de change que le wali de Bank Al Maghrib a prononcé devant les parlementaires des deux commissions des finances de l’institution législative. Abdellatif Jouahri et le ministre de l’Economie et des finances ont tenu un discours rassurant : au pire, l’inflation passera de 1,5% à 1,9% en 2018. Leurs «imparables» arguments n’ont pas permis, pour autant, de dissiper les inquiétudes de l’opposition.
Les scénarios extrêmes étudiés par la banque centrale et le ministère de l’Économie et des finances basés, sur les données disponibles et l’hypothèse de la dépréciation de la valeur du dirham d’un taux maximal de 2,5 %, démontrent que l’impact de la réforme sur la croissance en 2018 sera positif et atteindra 0,2%. En ce qui concerne l’inflation, l’impact maximal est estimé à +0,4%. Ce qui devra porter l’inflation en 2018 à une moyenne de 2% voire 1,9%. Quant au prix des carburants, la dépréciation de la valeur du dirham face au dollar sur la base d’un taux maximal de 2,5% devra engendrer une hausse des prix du gasoil de 1,6%. A titre d’exemple, si le prix du gasoil était de 9,6 DH/l, il passera à 9,75 DH/l soit une hausse de 0,15 DH/l. Le chef du département de l’Économie et des finances souligne que les conditions économiques actuelles du Maroc sont propices pour l’initiation de cette réforme en raison de la solidité du secteur financier national et la vigueur des indicateurs macroéconomiques, en particulier le niveau approprié des réserves de change et le contrôle continu de l’inflation. Cette première étape annonce la transition progressive vers un régime plus flexible, comme le précise Boussaid. La première phase servira de signal aux différents acteurs pour entamer cette transition. Le responsable gouvernemental précise que la fluctuation du taux de change dans une bande limitée à 2,5% reste faible par rapport aux taux de fluctuation actuelle notant qu’en 2017, la valeur du dirham a augmenté de 7,6% face au dollar et baissé de 5,1% par rapport à l’euro. Ainsi, «le niveau d’inflation et par conséquent le pouvoir d’achat ne seront pas affectés de manière significative». «C’est une réforme maitrisée», assure Boussaid. Le gouvernement s’engage à adopter une approche progressive prudente ainsi qu’une stratégie de communication adaptée à chaque phase de la réforme en impliquant tous les acteurs économiques pour leur permettre de s’adapter progressivement avec le nouveau système et de mieux gérer les risques potentiels. Le passage d’une étape à l’autre sera tributaire de l’évaluation positive de chaque phase et l’existence des conditions nécessaires assurant le succès de l’étape suivante.
Les raisons de la réforme
Le Maroc était-il obligé d’opérer cette réforme qui suscite les inquiétudes ? Le gouvernement affiche son optimisme : cette mesure vient couronner les réalisations accomplies au niveau du cadre macro-économique ainsi que les réformes structurelles et sectorielles et l’ouverture de l’économie marocaine sur l’extérieur. L’objectif est de renforcer l’immunité de l’économie nationale afin qu’elle puisse faire face aux crises extérieures, appuyer sa compétitivité et contribuer au développement de la croissance. La réforme permettra, selon Boussaid, d’accompagner les mutations structurelles que connait l’économie nationale notamment celles ayant trait à la diversification des sources, son ouverture et son intégration dans l’économie internationale.
Le cauchemar du PAS
Le Maroc a été contraint en 1983 de procéder à la restructuration du prix référentiel du dirham et à la dépréciation de sa valeur ; et ce en application du programme d’ajustement structurel. La phase 1978/1982 a été marquée par une détérioration des équilibres macroéconomiques : le taux moyen de l’inflation a atteint 10,1 %, le déficit du compte courant 9,6 %, le déficit budgétaire 11,3 % et les réserves en devises ne dépassaient pas 28 jours d’importations. Le Maroc était, ainsi, contraint de rééchelonner sa dette extérieure auprès des donateurs aussi bien publics que privés. En parallèle, il avait négocié avec le FMI le plan d’ajustement structurel qui s’était étalé de 1983 à 1993 en vue de faire baisser le déficit budgétaire et le déficit du compte courant et reformer ses réserves en devises afin de pouvoir régler la dette extérieure. C’est dans ce cadre que les autorités marocaines ont baissé la valeur du dirham trois fois entre 1980 et 1985 d’un taux de 37 %. Cette mesure avait eu des conséquences sociales néfastes. Les indicateurs macroéconomiques se sont améliorés après dix ans de lancement du PAS : en 1993, le taux d’inflation a baissé à 5,2 %( puis une moyenne de 2,9 % au cours de la période 1994/2000), le déficit du compte courant et celui du budget sont passés respectivement à 0,7 % et 2 % (une moyenne de 0,8 % durant la période 1994/2000), les réserves de change ont atteint 6 mois d’importations. Ces évolutions ont permis une totale libéralisation des opérations courantes pour les résidents qui ne nécessitaient plus une autorisation préalable de l’office des changes ainsi que la libéralisation des opérations de transfert du capital étranger. l