Éco-Business

Le rapport accablant de l’OCDE

Les stratégies sectorielles forment un nœud gordien qui rend plus difficile «l’harmonisation de l’action avec les partenaires financiers». Le tout avec une «absence de document unique de cohérence globale du commerce extérieur définissant les lignes directrices de la promotion des exportations et les priorités, et rassemblant les différentes actions menées». 

Publié dans le cadre du contrat-programme signé avec le Maroc en 2015, l’examen multidimensionnel de l’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a livré son verdict. Un diagnostic de plus de 200 pages relatant les raisons de la croissance «peu inclusive» de l’économie marocaine. Le constat est que «chacun travaille de son côté» et que les politiques sectorielles manquent de cohérence. «Les outils de planification stratégique demeurent insuffisants du fait de leur mode d’élaboration en silo. Le manque de politique générale n’est pas entièrement compensé par les stratégies sectorielles concertées entre ministères». Par exemple, le pays multiplie les initiatives, les programmes et les acteurs impliqués dans la promotion des exportations. Ce qui pose la question de leur complémentarité et leur synergie. Or, le Maroc n’a pas de politique globale, ni de document unique de cohérence globale du commerce extérieur définissant les lignes directrices de la promotion des exportations et les priorités, et rassemblant les différentes actions menées. L’absence d’échelon stratégique entraîne ainsi une faible lisibilité des différentes actions menées: certains programmes ne sont pas des stratégies sectorielles, tandis que les stratégies ne couvrent pas toutes les réformes entreprises par le Maroc. Cela peut rendre plus difficile l’harmonisation de l’action des partenaires techniques et financiers. Un document d’orientation de politique générale à long terme pourrait déterminer et prioriser les objectifs à atteindre, et ainsi fédérer et arbitrer entre les différentes stratégies sectorielles et appuyer la planification stratégique. Et même en cas de liens, ceux-ci sont souvent «unidirectionnels». Le plan Halieutis, par exemple, exprime le besoin d’une meilleure structuration et de dynamisme du marché intérieur autour des marchés de gros et de détail, et d’espaces portuaires dédiés à la pêche. Mais ces éléments ne sont pas repris dans la stratégie logistique. Dans la filière du bâtiment, la stratégie énergétique vise à réduire la consommation de 20% d’ici 2030. Or, cet objectif ne semble pas pris en considération dans la politique industrielle en tant que telle, sauf dans les écosystèmes de la chimie organique et des matériaux de construction. Dans certains cas, les stratégies sont totalement déconnectées. Leur totalité a des besoins importants en matière d’éducation et de formation professionnelle. Pourtant, aucune d’elles n’est alignée.

Pan social réduit
Et si les objectifs des stratégies sont clairs, quasiment toutes convergent, de façon plus ou moins marquées, vers la réduction du déficit commercial, qui apparaît comme l’objectif transversal, et la création d’emplois. Le pan social des stratégies est souvent réduit, à l’exception des politiques de l’emploi et de l’éducation, les objectifs recherchés étant de nature purement économique (création d’emploi, accroissement des exportations et de la valeur ajoutée,etc…). Seul Maroc Numeric faisait référence au bien être des citoyens et la stratégie logistique aux aspects de nuisances sonores et de pollution liées au trafic routier. L’organisme pointe également le manque d’indicateurs budgétaires et temporels. Les stratégies ne donnent en effet aucune indication de coûts et de budgétisation des actions, à l’exception de la stratégie nationale d’efficacité énergétique et du Plan Maroc Vert. Elles ne disposent pas non plus de calendrier clair et court, moyen et long termes. Par ailleurs, pour de nombreuses d’entre elles, la période de mise en œuvre est révolue, sans que des suites claires aient été données. Enfin, les responsabilités des acteurs devant rendre part à la mise en œuvre de la stratégie, ne sont pas souvent clairement définies. «Budgétiser chaque stratégie faciliterait la priorisation au sein et entre les stratégies, permettrait de disposer d’horizons temporels précis notamment pour communiquer auprès des acteurs non gouvernementaux, tels que le secteur privé et les bailleurs de fonds) et de définir au préalable les acteurs impliqués et leurs responsabilités dans la mise en œuvre des stratégies», recommande l’OCDE. L’exemple de la politique industrielle, qui a connu un certain succès, montre l’importance de poursuivre les efforts en matière de conception et d’élaboration de politique. Ce manque de pilotage global impact également la formation et l’insertion au marché de travail. En effet, 60% de la population active occupée est sans diplôme et près de 25% des diplômés sont chômeurs. Non seulement le niveau du capital humain est faible, avec seulement 6% de la population qui justifiait d’un niveau d’enseignement supérieur en 2014, mais en plus «cette main d’oeuvre ne participe que faiblement au marché de travail». En effet, le taux d’activité «ne cesse de baisser»: il n’était que de 46,4% alors que le nombre des personnes en âge de travailler est en constante augmentation. Une situation par une «inadéquation qualitative entre l’offre de formation et la demande d’emploi, qui s’est accentuée depuis 2004». Ainsi, la «structure de l’offre de formation, est principalement tournée vers l’emploi salarié alors que moins de 60% de la population active occupe un emploi salarié». Au niveau sectoriel, ce décalage est également visible puisqu’en 2016, près de 40% de la population marocaine travaillait dans le secteur agricole, alors que le nombre de formations dans ce domaine est limité. Pour parer à ces failles structurelles, l’OCDE recommande d’augmenter la quantité d’offre de formation dans les filières techniques et universitaires, mieux anticiper les besoins en compétences sur le marché de travail. Le rapport pointe les défaillances des politiques actives de promotion de l’emploi et estime que le système d’information, capable de faire le lien entre formation et marché de l’emploi, est clairsemé et incomplet. Il préconise de mettre en place un portail d’information en ligne, sur le modèle du Canada ou du Pérou, et de développer les mécanismes d’orientation professionnelle. Il est également nécessaire d’agir sur le taux d’emploi des femmes, qui ne composent que 26% de la population active (selon un rapport de la Banque mondiale 2018), à travers une hausse de la scolarisation dans le préscolaire, le développement des possibilités du mode de garde et du temps partiel.  


Industrie: le «leadership» salutaire du ministre

Malgré les critiques, l’OCDE considère que les «ambitions et visions des stratégies sont dans l’ensemble bien établies. Dans le cas de la stratégie industrielle, l’ambition est en effet de créer les conditions pour diversifier et élargir le tissu industriel, ce qui permettra de garder le cap des métiers mondiaux tout en changeant la dimension industrielle. «Le leadership du ministre, la vision du développement industriel et les objectifs à atteindre sont clairs». Toutefois certaines stratégies n’affichent pas de vision, comme le plan national de développement des échanges commerciaux, qui ne dispose que d’un objectif de réduction du déficit commercial, ou encore la stratégie énergétique nationale ou le plan halieutique. L’OCDE recommande ainsi «d’assurer que toutes les stratégies aient une vision qui serait bénéfique pour faciliter le pilotage de la plateforme».



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